Sa force réside, également, dans la thématique choisie par le réalisateur Kamal Kamal. Un sujet qui lui tenait tant à cœur, car il faisait partie de sa propre vie et de ses souvenirs de famille. «C’est un peu l’histoire de ma mère qui a fait ce passage, car elle était soldat révolutionnaire pendant la guerre d’Algérie. Comme elle est Algérienne, elle était condamnée à mort par contumace. Donc, on l’a fait transférer au Maroc. Elle nous racontait cette histoire depuis que nous étions enfants. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de réaliser un film sur ce passage de Tlemcen jusqu’à Oujda», souligne Kamal Kamal qui nous a offert, avec cette merveilleuse production, une seconde symphonie cinématographique où il a été question de créativité humaine. Mais, cette fois-ci avec des airs d’opéra fabuleux que nous avons eu tout le plaisir d’apprécier tout au long du film, afin de soulager les douloureux moments de souffrance de la guerre.«J’aime beaucoup la musique. Puis il y a toujours cette amertume de la guerre que j’ai voulu apaiser par le plaisir de la musique. L’art est toujours compassionnel envers les gens et la réalité. Les scènes d’opéra viennent compléter ce qui manque dans la réalité. La musique me permet de me régaler un peu dans mes films et de faire tout ce que je veux», renchérit le talentueux cinéaste Kamal Kamal, dont le scénario du film nous a entrainés vers l’histoire de Moussa, un Marocain chargé de faire passer un groupe d’Algériens à travers les montagnes d’Algérie vers le Maroc. Une mission difficile, car le chemin qui se trouve sur la ligne Maurice, une ceinture longue de sept kilomètres s’étendant le long de la frontière maroco-algérienne, est bourré de mines qu’il a fallu franchir sans faire beaucoup de dégâts. Mais le destin en a voulu autrement, puisque le pire n’a pas pu être évité. De purs moments de rebondissements qui furent brillamment campés par des acteurs de grand talent, notamment Ahmed Benaissa, Amal Ayouch, Mohamed Khouyi, Mohamed Bastaoui, Mohamed Choubi, Rafik Boubker, Amal Setta et Khaled Benaissa.
Puis, des moments exquis d’opéra avec des artistes confirmés : Younes Mégri et Laila Wass. Sans oublier la remarquable prestation de Jihane Kamal avec ses deux magnifiques rôles qu’elle a su rendre avec beaucoup de confiance et de professionnalisme. «Je l’ai choisie pour faire la ressemblance entre elle et la fille du passé, comme un rappel pour le narrateur. Elle était prédisposée à jouer les deux rôles, à se couper les cheveux, à s'investir au maximum. Et je suis toujours à la quête d’acteurs qui se donnent à fond», explique le cinéaste et producteur du film, dont la production a été rehaussée par les moyens techniques d’une grande spécificité par rapport à l’époque et aux événements, dont le tournage s’est déroulé dans des conditions très pénibles pour les acteurs et pour l’équipe du film. «C’était difficile de tourner en pleine neige. Le tournage a duré trois ans avec énormément de douleurs et de déception. Mais, en fin de compte, nous avons réussi le pari tous ensemble grâce à Dieu». Des séquences de grandes finesses ont été introduites dans le scénario fignolé par le réalisateur Kamal Kamal, comme la présence constante du rafistolage du violoncelle qui a été cassé au moment de l’agression de la fille. «Je voulais réparer le violoncelle comme on réparait la fille. Elle a été blessée et l’instrument tout cassé. J’ai fait exprès de les restaurer simultanément. Un scénario aussi minutieux qui nous a permis de voir le vrai cinéma. «J’aime mes acteurs. Ce scénario a été écrit pour eux».
Questions à Mohamed Khouyi
Comédien
«Chaque rôle présente pour moi un autre plaisir, d’autres efforts et une belle expérience»
Ce rôle est un peu différent de ce que vous avez déjà interprété. Comment le trouvez-vous ?
J’ai déjà collaboré avec Kamal Kamal dans des téléfilms pour 2M et la SNRT. Mais c’est le premier travail cinématographique avec lui. C’est le rôle d’un personnage algérien qui fait passer au Maroc tous ceux qu’on condamnait à mort. Il avait la mission de les amener. Mais, avec sa foi en Dieu et son côté religieux, il était très droit et tellement correct qu’il ne savait pas qu’on se servait de lui pour faire passer des armes de l’autre côté.
Était-ce difficile pour vous de parler le dialecte algérien ?
Depuis mes débuts dans le cinéma, j’avais cette envie d’apprendre et maîtriser tous les dialectes arabes. C’était un peu difficile au départ pour le dialecte algérien, parce que je ne l’écoutais pas souvent. Mais, l’acteur Khaled Benaissa, qui a joué le rôle de coach, a veillé à la bonne prononciation. De plus, Kamal Kamal m’a aidé à maîtriser mes dialogues. C’était très important pour moi de jouer le personnage comme un vrai Algérien. Sinon, je n’aurais pas réussi mon rôle.
Comment évaluez-vous ce rôle dans votre carrière d’acteur ?
Quand j’ai vu le film aujourd’hui pour la première fois comme vous, il m’a plu au niveau de la réalisation, de l’interprétation des acteurs, des techniciens, surtout quand je pense aux conditions difficiles dans lesquelles nous avons filmé, avec le froid et la neige. Il reste maintenant le jugement du public et des professionnels. Pour moi, j’ai fait de mon mieux pour être à la hauteur de ce rôle. Je suis content et très fier d’y avoir participé. Le plus important est que le film plaise au public à sa sortie dans les salles pour contribuer au développement du cinéma marocain.
Quel est le personnage qui vous tient tant à cœur et que vous aimeriez interpréter dans le futur ?
Je souhaite interpréter plusieurs personnages. Chaque rôle représente pour moi un autre plaisir, d’autres efforts et une autre expérience. C’est de la créativité chaque fois où je fais de mon mieux pour transmettre au spectateur mes sentiments et mes sensations les plus fortes. J’aimerais bien un jour jouer des rôles de grandes personnalités historiques pour faire connaitre le Maroc et notre histoire. Comme je serais content de participer à des travaux sur le Sahara marocain.
