«La fibromyalgie est considérée aujourd'hui comme une véritable épidémie. Aux États-Unis, elle représente près d'un cas sur dix d'invalidité. Au Maroc, il n'y a pas de chiffres officiels, mais les rhumatologues connaissent bien en pratique la très grande fréquence de cette maladie», affirme le Pr Najia Hajjaj-Hassouni, rhumatologue et présidente de l’Association marocaine de recherche et d’aide sociale aux rhumatisants (AMRAR).
Une maladie aux cent signes
La fibromyalgie a longtemps été considérée comme un syndrome, c'est-à-dire un ensemble de signes cliniques et de symptômes qu'un patient peut présenter lors de certaines maladies. «Aujourd’hui, on sait que c'est bien une maladie qui se traduit par toute une série de signes cliniques. Plus d'une centaine ont été décrits», explique la rhumatologue. Ils relèvent d'environ 18 spécialités différentes, mais restent cependant dominés par la fatigue, les douleurs diffuses et les troubles du sommeil.
Les malades se sentent épuisés au moindre effort, ont mal partout et dorment mal. Ils peuvent également se plaindre de troubles de la mémoire, de difficultés de concentration, d'attention et souffrent de troubles émotionnels divers qui vont de l'anxiété à une véritable dépression.
La cause de la fibromyalgie n'est pas connue. «Il y a quelques années, on disait que cette affection était d'origine psychosomatique (troubles influencés par des facteurs psychologiques, ndlr), ce qui était mal accepté par les patients et n'expliquait pas l'importance et la persistance de leurs signes», poursuit la même source. On sait aujourd'hui qu'il y a bien des causes objectives à ces douleurs. Des dysfonctionnements du cerveau au niveau de la localisation corporelle et émotionnelle de la douleur pourraient expliquer que les patients souffrants de fibromyalgie aient soit une sensibilité exacerbée à la douleur, soit une baisse du seuil de la perception de la douleur.
Par ailleurs, il semblerait que la fibromyalgie soit une maladie très fréquente, surtout chez la femme. «Un fait que l'on pourrait expliquer par la disparition des hormones au moment de la ménopause», souligne la présidente de l’AMRAR. De même, elle peut être responsable d'une altération de la qualité de vie, liée à la persistance des signes cliniques. Les malades peuvent souffrir de répercussions socioprofessionnelles et personnelles.
Aucun traitement
«Il n'existe encore aucun médicament réellement adapté au traitement de la fibromyalgie», déplore le professeur Hajjaj-Hassouni. On peut cependant en améliorer les symptômes. La Ligue européenne contre les rhumatismes (EULAR) recommande une approche multidisciplinaire, qui combine des médicaments et des traitements non médicamenteux. En France, la Haute Autorité de santé recommande plusieurs étapes de traitement. Une première étape comporte l'utilisation de médicaments qui ne sont pas toujours reconnus officiellement pour le traitement de la fibromyalgie, comme certains anti-épileptiques qui ont une efficacité sur les douleurs et un antidépresseur qui a une action plus spécifique sur la douleur. Les anxiolytiques et hypnotiques peuvent être utiles, car ils auraient une action sur les tensions musculaires et l'insomnie. Cependant, ils comportent un risque de dépendance lorsqu'ils sont utilisés de manière prolongée.Des traitements non médicamenteux peuvent également être utiles, comme des exercices, une éducation thérapeutique portant sur la prévention, la recherche d'équilibre, l'importance de l'activité physique ainsi qu'une prise en charge psychologique. En cas d'échec, il est recommandé qu'une deuxième étape comporte des mesures pluridisciplinaires et le recours à un centre de la douleur. Cependant, la fibromyalgie n'étant pas encore formellement reconnue, il n'existe pas à l'heure actuelle de recommandations ou de consensus concernant cette maladie qui reste encore mystérieuse à bien des égards.
Avis du spécialiste
Fadoua Allali,rhumatologue à l’hôpital El Ayachi de Salé
«Deux malades sur 10 consultent pour une fibromyalgie»
Qu'est-ce que la fibromyalgie ?
La fibromyalgie est une affection chronique caractérisée par une douleur diffuse ou des sensations de brûlure de la tête aux pieds accompagnées d’une fatigue profonde. Elle touche essentiellement les femmes entre 30 et 50 ans, dans la proportion de 4 femmes pour un homme.
Quelle est sa prévalence au Maroc ?
La fibromyalgie touche 2 à 5% de la population mondiale. Sa fréquence varie selon la population considérée. Nous n’avons pas de chiffres officiels au Maroc, mais environ 2 malades sur 10 consultent pour une fibromyalgie.
Quelles sont les causes ?
La fibromyalgie reste controversée, il n'y a toujours pas de consensus quant à son origine ou son traitement. On sait qu’il existe une anomalie de la réponse à la douleur qui est augmentée. Il y a une sensibilisation du système nerveux central, attestée par les examens d’imagerie fonctionnelle. En revanche, on ne sait pas si cette sensibilisation est la cause ou la conséquence de la maladie.
Les symptômes ?
Les patients atteints de fibromyalgie se plaignent de plusieurs symptômes variables et non spécifiques. Les principaux symptômes sont d’abord la douleur : les malades se plaignent d’avoir «mal partout» (régions proches de la colonne vertébrale : la nuque, entre les 2 épaules, les omoplates, le bas du dos et les hanches). Le second symptôme le plus constant est la fatigue, souvent très intense le matin. On observe également chez certains patients des troubles du sommeil, un état anxieux ou dépressif, des céphalées…
Quelle est l'évolution de la maladie et ses répercussions sur la vie quotidienne ?
La fibromyalgie ne met pas en jeu le pronostic vital, car elle ne compromet pas les organes vitaux. Mais c’est une affection évoluant sur de nombreuses années, et le fait que les manifestations soient très peu spécifiques implique qu’il y a presque toujours une méconnaissance du diagnostic qui peut être très décourageant. De plus, la douleur et la fatigue ne répondent pas toujours bien aux différents traitements. Un état d’abattement, voire un état dépressif, peut aussi progressivement s’installer ou s’accentuer. La qualité de vie est altérée, ainsi que la vie de couple, de la famille.
Quels sont les traitements disponibles ?
Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de traitement qui permette de guérir définitivement la maladie. Le traitement vise à soulager les symptômes. Il fait appel à la réhabilitation physique et à divers traitements médicamenteux. Les traitements médicamenteux sont les antalgiques et les antidépresseurs qui sont efficaces pour la douleur et la dépression qui accompagne la maladie. Un soutien psychologique avec recours à un psychothérapeute est recommandé.
