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Les grandes villes «vidées» après la fête

Finis les bouchons, le bruit des klaxons… pendant les jours qui suivent l'Aïd, les grandes villes retrouvent leur calme : les rues sont presque désertes, la circulation est plus fluide, l’activité commerciale est très réduite… Mais cette accalmie a aussi son revers de médaille. Tous les commerces de proximité, les restaurants et les snacks sont fermés, ce qui rend difficiles l'approvisionnement ou les sorties des Casablancais.

Les grandes villes «vidées» après la fête
Les congés annuels à l'occasion de la fête se prolongent au-delà d'une semaine.

Aïd Al Adha est un événement phare du calendrier musulman que les familles tiennent à fêter comme il se doit, dans la joie et la convivialité. C’est aussi la seule fête où le retour au bercail est inévitable. Nombreux sont les épiciers, les marchands ambulants, les ouvriers de bâtiment, les propriétaires de snacks ou de petits restaurants… qui regagnent avec joie leur région natale, pour célébrer cette fête sacrée avec leur famille et profiter de bons moments en leur compagnie, ne serait-ce qu’une fois par an. «Cela fait plus de 10 ans que je travaille en tant qu’artisan plâtrier à Casablanca. Al Aïd Al Kébir est pour moi synonyme de vacances annuelles. Je quitte la ville pour aller passer cette fête avec ma famille dans notre village qui se situe au sud de Taroudant. J’y reste environ un mois. Il m’arrive de rejoindre mon douar au cours de l’année en dehors de Aïd Al Adha, mais c’est bien rare. Cette fête est la véritable occasion où le retour au bled est indispensable. Presque toutes mes économies y passent. C’est une habitude sacrée que je ne compte jamais changer, malgré toutes les difficultés et les désagréments du voyage. Après tout, la fête n'a lieu qu’une fois par an», confie Mbarek, 30 ans.

Les déplacements qui se font pendant cette période sont, sans doute, les plus massifs de l'année et sont loin de passer inaperçus. En effet, suite aux nombreux départs et voyages occasionnés par cette fête, les villes deviennent d’un seul coup plus paisibles. Le trafic est fluide, les embouteillages disparaissent, les coups de klaxon se font très rares… «Personnellement, j’aime beaucoup cette période de l’année, car c’est la seule période où notre ville est vidée de tous ses envahisseurs. Sortir devient plus agréable, car tout est calme. Il y a peu de voitures, peu de gens, les voies sont complètement dégagées… D’habitude, je mets à peu près une heure pour aller au travail, à cause des embouteillages… Bref, une véritable galère quotidienne. Ce matin, je suis sortie en retard de la maison et à ma grande surprise je suis arrivée avant l’heure. Quelle joie ! Si seulement tous les jours de l’année étaient comme ça !» se réjouit Hakima, 41 ans, mère de famille et cadre dans une entreprise privée.

Mais en attendant le retour des personnes qui sont allées passer la fête dans leur région natale, beaucoup de commerces et de restaurants garderont les rideaux baissés durant au moins une dizaine de jours, ce qui engendre des inconvénients pour plusieurs personnes. «Aïd Al Adha est pour moi synonyme de galère ! Avant la fête, nous vivons dans un stress insoutenable à cause de toutes les courses qu’il faut faire, les dépenses… Le jour d'Al Aïd est très fatigant, et après l’Aïd, c’est le comble. D’une part, il y a la femme de ménage qui prend ses vacances annuelles, soit trois semaines pour aller passer cette fête au bled, ce qui me cause beaucoup de problèmes. Je n’ai personne pour s’occuper de mes deux enfants, sauf ma mère qui est très malade. D’autre part, je suis obligée de rester au boulot toute la journée, et comme tous les restaurants et snacks du coin sont fermés, je ne peux prendre que des biscuits pour le déjeuner. Il est aussi difficile de trouver des bus ou des taxis en cette période. Vivement que la vie reprenne son cours normal dans la ville», se plaint Fatim Zahra, 38 ans, assitante dans un centre d’appel.

Pour Mohssine Benzakour, psychosociologue, cela prouve que les citoyens dans les grandes villes dépendent toujours des petits commerces.
«Aïd Al Adha est une occasion pour nombre de petits commerçants de prendre leur congé annuel, comme c’est le cas pour les bateaux de pêche, les petits métiers et pas mal d’autres petits secteurs, mais ce qui est frappant est que ces jours de fête peuvent durer au-delà d’une semaine. Résultat : les villes sont dépeuplées. En effet, c’est un phénomène que nous constatons surtout au niveau de la métropole et des grandes villes, puisque c’est le grand retour vers le bled à l’occasion d'Al Aïd. Ceci veut dire que nous dépendons encore de ces petits commerces, vu le calvaire que vivent les habitants durant cette période où les villes sont désertées par les épiciers, les plombiers, les menuisiers, les droguistes, les marchands de légumes… la liste est longue», affirme Benzakour. Et d’ajouter : «La société marocaine a connu de grands changements durant ces dix dernières années. L'exode rural, qui a concentré les gens dans les grandes villes, et les modifications dans la nature même des relations au sein de la famille ont créé de fortes dépendances par rapport à l'environnement extérieur. Aussi, quand les gens exerçant de petits métiers quittent la ville pour rejoindre leur village natal, ils laissent un grand vide».

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