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Comment inculquer aux enfants le sens du danger ?

Votre enfant ne peut être livré à ses propres expériences tant que vous n’avez pas acquis la certitude qu’il en connaît et en comprend parfaitement les dangers. Votre rôle est donc essentiel. Pas de surprotection, mais une pédagogie permanente, évolutive, selon sa maturité.

Comment inculquer aux enfants le sens du danger ?
Les enfants doivent prendre conscience du danger sans tomber dans la phobie.

Tout ce que nous faisons ou entreprenons comporte des risques. Nous n’avons pas la maîtrise du monde qui nous entoure. Tout ce qui existe est menacé de dangers. À commencer par notre vie et notre santé. Nous ne sommes pas toujours conscients des dangers que représentent les actes les plus simples de la vie quotidienne. À la maison : les appareils électroménagers, les chutes. Au dehors : la circulation routière, le sport, le lieu d’apprentissage, etc., sont autant de sources de danger. La maîtrise de notre vie passe par l’apprentissage de la gestion des risques et de nos insécurités. Inutile donc de surprotéger ses enfants, au risque de leur faire courir encore plus de risques une fois adultes, une fois «lâchés» dans la nature. En effet, en prenant des risques, nous gagnons en expérience et développons notre sagacité. En d’autres termes, le risque est aussi une chance d’acquérir de la sécurité.

Dans la rue
L’apprentissage de la circulation doit se faire le plus tôt possible (dès 3 ans) et il doit se faire par l’observation et l’explication. En l’accompagnant sur le chemin de l’école, vous pourrez progressivement faire découvrir à votre enfant les dangers de la rue et lui faire adopter des comportements sûrs. Deux règles simples à retenir : donner la main en toutes circonstances (si vous oubliez, il doit la réclamer) et marcher le plus loin possible du bord du trottoir, afin de rester loin des voitures.
Identifiez avec votre enfant les endroits qui peuvent présenter un danger (sorties de garage, travaux, livraison ou voiture mal garée…), et comment y faire face de la manière la plus sûre. Faites-lui observer en permanence l’environnement dans lequel il se déplace (feu rouge, les marquages au sol, etc.) et le comportement des autres (piétons, voitures, cyclistes, motards, etc.). Donnez des conseils concrets et expliquez : évitez les «sois prudent», «fais attention» trop vagues et sans réelle signification pour votre bambin.

À la maison
Le danger ne vient pas que du monde extérieur ou des autres. Pour preuve, on estime que 80% des accidents qui touchent les enfants de 0 à 4 ans se produisent à l’intérieur même de nos maisons. Une chaise haute mal sanglée, une table à langer instable, des produits d’entretien qui traînent, des médicaments laissés à portée des petites mains… et soudain c’est le drame. Les parents doivent commencer à prononcer le mot «interdit» dès l’âge de 10 mois, et expliquer avec des mots simples ce qui est permis ou non et pourquoi. On peut dire : «Je ne veux pas que tu touches au couteau, tu vas te couper et ça fait mal», «N’approche pas ta main du four, ça brûle».
S’il ne saisit pas vraiment le sens des mots, il sera cependant sensible au ton ferme employé et aux «gros yeux». Ce n’est que vers 2 ans et demi que l’enfant comprend mieux le sens des interdictions prononcées par les adultes. Il est alors important de faire, avec lui, la différence entre un petit et un grand danger. S’il tombe de la table basse, il aura une bosse et pleurera. Mais s’il tombe de la fenêtre, c’est une autre histoire : il aura très mal et devra aller à l’hôpital !

À l’école
Plus l’âge des enfants est avancé, plus ils sont exposés à des risques spécifiques liés à leurs activités ou à leurs comportements et à ceux des autres (violence, non-respect de l’autre, etc.).
En effet les risques liés aux problèmes de comportement sont plus présents à partir de l’école élémentaire, car certains enfants commencent à s’affirmer. Les attitudes et les gestes violents ne sont en effet pas maîtrisés. Il y a enfin ceux liés à l’inattention, au non-respect des consignes ou des règles de vie commune (on ne saute pas dans les escaliers, on ne se balance pas sur les chaises). La gestion de certains risques passe par la prise de conscience des dangers auxquels ils sont exposés et d’une adaptation à la situation. Adaptation et autonomie deviendront alors des qualités humaines qui les aideront dans leur vie future. 

Explications : Bernard Corbel

Psychologue-thérapeute à Casablanca

«Il ne faut pas que le parent rejette ses peurs sur l'enfant»

Comment apprendre la notion de danger à un enfant et à partir de quel âge ?

On peut initier l’enfant au danger d’une double manière : en lui expliquant ce qui est dangereux et comment se prémunir du danger en question. Il est possible de parler assez tôt aux enfants, à condition utiliser un langage adapté. En premier lieu, il faudra éviter de noircir le tableau en communiquant plutôt ses phobies aux enfants. L'adulte qui veut initier l'enfant au danger doit donc s'assurer qu'il n'a pas lui-même une vision excessive des dangers. On peut par contre avoir recours aux contes de fées, car ces derniers contiennent bien des enseignements utiles. Un ogre ou un loup représentent un adulte très dangereux pour un enfant lui-même symbolisé en agneau ou en petit cochon... En prenant ces exemples, on n’oubliera pas de lui expliquer comment faire si un tel danger survient. Cela pourra aussi lui permettre de comprendre le danger qu'il y a à suivre un adulte inconnu ou à monter dans sa voiture. Une personne peut paraître «normale» à un moment, et pourtant ne pas l'être dans un autre (la grand-mère du petit chaperon rouge est en fait le grand méchant loup).

Aujourd'hui, les parents sont ultra protecteurs, comment trouver
le juste milieu ?
Nous le disions plus haut, un parent ultra protecteur peut être un parent phobique, c'est-à-dire qu'il possède en lui-même des peurs excessives et les projette sur ses enfants. Le parent trop protecteur peut devenir un parent toxique, car l'enfant a un besoin essentiel de faire des découvertes, c'est-à-dire de découvrir le monde sous ses différents aspects, plaisants et déplaisants, risqués ou non risqués. À quatre ou cinq ans, un enfant peut vouloir faire du vélo, on ne va pas lui dire non parce que c'est trop dangereux. Si par contre l'enfant veut jouer avec l'électricité ou le feu, on devra s'appuyer de préférence sur des livres illustrés. Si l'enfant veut faire de l'escalade, il faut lui montrer comment assurer sa sécurité (points d'appui). Si par contre l'enfant veut escalader la balustrade du balcon, on peut lui laisser entrevoir ce qu'une chute entraîne en la comparant à celle d’un fruit mûr par exemple. Un jeune de 15 ans a besoin de sortir avec ses copains, on ne va pas le lui interdire sous prétexte que c'est trop dangereux. Consommer des drogues peut être très dangereux, il faut donc que l'adulte se documente et puisse en parler comme il convient. L'adulte doit reconnaître que la prise de risque est en fait une source de plaisir et il doit pouvoir l'expliquer aux enfants. Mais il peut expliquer le danger qu'il y a à vouloir se faire plaisir sans faire intervenir la raison, par exemple, un conducteur de voiture peut avoir du plaisir à rouler vite, mais il prend des risques énormes et il fait courir des risques aussi énormes aux autres personnes de l'entourage...

L'enfant doit-il nécessairement se faire mal pour comprendre ?

Non, car nous apprenons plutôt par l'observation. Si nous voyons une personne se blesser, nous apprenons du même coup le danger de l'activité qui a occasionné la blessure. Par contre, l'expérience de la blessure est une initiation à la vie d'adulte, un enfant est bien souvent très fier de ses blessures et de la façon dont il les surmonte. Il apprend alors, non pas le danger, mais le courage et la bravoure. Certaines vidéos et certains programmes sont sans aucun doute toxiques, car ils montrent des personnages subissant d'importants dommages et se relevant sans aucune blessure (superhéros). En cela, on enseigne des choses fausses aux enfants. Il convient d'y remédier par de bonnes explications : bien apprendre à l'enfant que ces scénarios sont purement imaginaires et ne correspondent en rien à la réalité.

Si l'enfant apprend de ses propres expériences, quel rôle jouent les parents ?

Tout apprentissage nécessite une mise en acte, des travaux pratiques... Il est impossible et toxique d'apprendre simplement par la parole d'autrui. Il est impossible et néfaste de priver une personne de vivre ses expériences. Il n'est pas souhaitable non plus de toujours remettre à plus tard les expériences à faire, il est préférable que l'enfant affronte le danger que représentent ces expériences de manière sécurisée. Bien des parents le savent. Par exemple, ils autorisent à leurs enfants une sortie à condition qu'il soit accompagné, qu'il accepte qu'on vienne le chercher à la sortie, qu’il rentre à une certaine heure... Il est aussi évident qu'avec trop d'interdits on risque de priver le jeune de la source de plaisir associée à l'expérience. Il appartient donc aux adultes de mettre en place les barrières nécessaires et justes pour prémunir l'enfant et expliquer les dangers et le pourquoi des limites, car la personne livrée à elle-même sans barrières est comparable à une personne ivre qui prend tous les risques.



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