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Comment gérer une famille recomposée ?

On ne choisit pas sa famille, mais on choisit peut-être encore moins sa famille recomposée. Au Maroc, ils sont plus de 50 000 couples à divorcer chaque année. 14,5% des hommes se remarient contre 8,5% pour les femmes. La vie de ces nouvelles tribus n’est pas aussi rose que voudrait nous le faire croire les séries TV : jalousies à arbitrer, difficultés à trouver sa place, interrogations sur l’autorité, sont autant de défis à relever au quotidien.

Comment gérer une famille recomposée ?
Attention aux divergences d’éducation entre les conjoints : rien de pire que des parents qui se contredisent devant les enfants.

56 198. C’est le nombre de cas de divorce comptabilisés par le ministère marocain de la Justice pour l’année 2011. Un chiffre impressionnant qui pourrait être beaucoup plus important, car bon nombre de personnes maintiennent le couple «pour les enfants», craignant les conséquences d'une séparation, de la vie monoparentale et des préjugés que cela entraîne. Pourtant, certains parents font le choix de se remarier.

L’arrivée du nouveau conjoint

L’enfant a besoin de temps pour accepter de créer un lien avec un adulte, surtout lorsqu’il s’agit du conjoint de son parent. «Avant de se mettre en ménage avec une autre personne, il faut en parler longuement avec son ou ses enfants, prendre leur avis. S’ils n’ont clairement pas à décider de la vie privée de leurs parents, ils sont concernés par les changements familiaux. Et leurs sentiments (appréhension, rejet...) doivent être écoutés», conseille Bernard Corbel, psychologue.
On peut présenter le nouveau conjoint lors d’un repas ou à l'occasion d'une sortie. On le présentera comme «l’ami(e) de maman (de papa)» ; l’enfant ne doit pas se sentir obligé de l’accepter immédiatement en tant que beau-parent.

Comment se faire appeler

«Évidemment, l’appellation “papa” ou “maman” n’est pas souhaitable, surtout si le vrai “papa” (ou la vraie “maman”) participe à l’éducation de l’enfant», précise le psychologue. Se faire appeler par son prénom est la pratique la plus courante. Si elle facilite la relation au début. Cependant, l’enfant doit tout de même comprendre qu’il fait figure d’autorité.
En effet, il est courant que le beau-parent joue au «copain» avec l’enfant et que sa place d’adulte soit remise en question du point de vue de l’enfant... «Il faut parfois accepter le surnom choisi par l’enfant. Il a l’avantage de marquer à la fois le statut particulier de cet adulte-là et d’être porteur d’une charge affective qui crée du lien», poursuit la même source.

L’éducation de ses beaux-enfants

Doit-on traiter son enfant et celui de l’autre de la même façon ? Tout le monde est confronté à cette question. S’il faut veiller à ne privilégier personne, on ne peut nier qu’il existe une différence entre la relation avec son propre enfant et celui de l’autre. «La nature nous pousse à privilégier notre enfant, mais il faut faire un effort permanent pour contrebalancer un effet potentiel de jalousie», explique notre source.

Admettre cette réalité, c’est se donner les moyens d’être un parent juste
A contrario, il faut faire attention à ne pas être moins exigeant avec l’enfant de l’autre sous prétexte que l’on «n’est ni son père ni sa mère». Aucun enfant n’y trouve son compte : l’un se sentira délaissé, l’autre harcelé. «De préférence, le beau-parent doit laisser le parent exercer l'autorité envers ses enfants, sauf à dire qu'il fait équipe avec le père (ou la mère) sans plus. Si l'enfant ressent comme illégitime une autorité qui ne vient pas de son parent il en gardera rancœur et des difficultés d'acceptation qui peuvent devenir chroniques», met en garde Bernard Corbel.
Attention également aux divergences d’éducation entre vous et votre conjoint. Rien de pire que des parents qui se contredisent devant les enfants. Ceux-ci le ressentent et utilisent les failles. «Le plus difficile est d'être d'accord sur le mode d'éducation à apporter aux enfants. Plus l'entente est naturelle et plus “la greffe” pourra prendre. Dans le cas inverse, la tension peut s'élever de façon anormale et créer une réelle souffrance», précise notre spécialiste.

La venue d’un demi-frère

Pour l’enfant, cette naissance vient confirmer l’union entre son parent et le nouveau conjoint. Parce qu’elle soude la nouvelle famille, elle est généralement bien acceptée. Elle rassure des enfants fragilisés par l’éclatement d’une première famille et qui ont peur de revivre la situation.
Cependant, il arrive aussi que l’enfant exprime un sentiment de jalousie envers ce nouvel être craignant d’être éclipsé. Mais «tous les enfants craignent d’être délaissés au profit d’un petit nouveau. C’est pourquoi ils doivent pouvoir exprimer leurs inquiétudes avant d’être rassurés», conclut finalement le psychologue. 


Témoignage

Malika, 28 ans

«Mon père et moi devions nous voir en cachette»

«Quand mes parents se sont séparés, j’avais dix-sept ans. Naïvement, je croyais que le divorce allait être un soulagement pour eux, une façon de tourner la page. Mais depuis, je ne les ai jamais entendus se parler sans crier. Mes parents ont rapidement retrouvé “quelqu’un”. Moi, j’étais d’une “neutralité bienveillante”, pourvu que l’on me laisse tranquille. Aussi, quand les nouveaux couples se sont formés, je m'en suis réjouie. Grave erreur d’appréciation. En trois mois, mon père a installé chez lui une femme qui a fait le ménage dans sa maison et dans sa vie, jetant à la poubelle nos souvenirs d’enfance, changeant les serrures… Elle avait des comportements maladroits que l’on ne pardonne pas : “Sors de ma salle de bains”, m’a-t-elle crié un jour alors qu’elle avait emménagé à peine quelques semaines plus tôt… Je me suis mise à la mépriser ouvertement, sifflotant lorsqu’elle me parlait, ricanant de son manque de répartie. Mon père ne réagissait pas. Sous la pression de ma belle-mère, l’accès de la maison m’a rapidement été barré. Les week-ends chez mon père se sont espacés. Je suis restée six mois sans qu’il m’appelle. Puis on a recommencé à se voir dans des cafés, des restaurants, à l'insu de sa nouvelle femme...»


Explications

Par Bernard Corbel Psychologue à Casablanca

“La nature nous pousse à privilégier notre enfant”

Est-il facile d’accepter les enfants de son conjoint ou sa conjointe ?
D'une règle générale, il est difficile d'accepter les enfants des autres, car ils sont porteurs d'une éducation et de comportements qui ne sont pas en phase avec les nôtres. Si l'enfant est en bas âge, cela est plus facile. Cela dépend aussi du parent absent : ce dernier peut manipuler les enfants de sorte qu'ils deviennent au maximum des obstacles à votre couple. Les enfants empiètent fortement sur la vie de couple et dans le cas des enfants qui ne sont pas les siens c'est difficile à accepter. Par contre, quand on est mu par un amour intense on tend à aimer naturellement les enfants de son conjoint et il est des cas où la réciprocité de sentiments s'installe, car l'enfant recherche sa place au sein d'un couple d'amoureux. Sachez que la situation est très difficile pour l'enfant de parents séparés, car il pourra éprouver un sentiment de culpabilité ou un conflit de loyauté. Devant la complexité des sentiments que vous pourriez ressentir, il est salutaire de vous faire aider par un psychologue.

Comment faire pour que cela fonctionne ?
Certainement, le plus difficile est d'être d'accord sur le mode d'éducation à apporter aux enfants. Plus l'entente est naturelle et plus «la greffe» pourra prendre. Dans le cas inverse, la tension peut s'élever de façon anormale et créer une réelle souffrance. Dans certains cas, cela peut aller jusqu'au rejet (généralement non exprimé) des enfants. Devant les enfants dont on n'est pas le père ou la mère, il faudrait éviter toute critique d'un parent, particulièrement pour l'absent. De même, le parent doit se garder de contredire son nouveau partenaire devant ses enfants à lui. Face aux enfants dont on n'est pas le père ou la mère, il faut bien expliquer aux enfants qu'on ne prendra pas la place de celui-ci ou de celle-ci, mais que l'on va certainement les aimer ou qu'on les aime.

Comment avoir de l’autorité sur les enfants de l’autre ? Ou est-ce au géniteur d’intervenir, la belle-mère ou le beau-père devant s’abstenir ?
La question de l'autorité est fondamentale, car elle est directement liée au mode d'éducation déjà reçu et est un sujet extrêmement sensible pour l'enfant : l'autorité doit apparaître juste et pleinement cautionnée par le parent présent. De préférence, le beau-parent doit laisser le parent exercer l'autorité envers ses enfants, sauf à dire qu'il fait équipe avec le père (ou la mère) sans plus. Si l'enfant ressent comme illégitime une autorité qui ne vient pas de son parent, il en gardera rancœur et des difficultés d'acceptation peuvent devenir chroniques. De même, il vivra très mal que son parent se mette à pratiquer de nouvelles règles trop brutalement c'est-à-dire qu'il se révèle influençable par le nouveau conjoint au point de faire passer celui-ci avant l'esprit de famille, ce qui est révoltant et inacceptable ! Il faut expliquer aux enfants que des règles sont nécessaires, que les parents doivent les faire respecter et qu'ils ne font pas ça pour eux-mêmes, mais pour l'équilibre de la petite famille.

Que faire lorsque les enfants de notre conjoint ne nous acceptent pas ?
C'est très difficile aussi pour l'enfant de devoir accepter de partager son parent et sa vie de famille avec un beau-parent. La voie qui consiste à rechercher des activités à faire avec les enfants sans être dans une volonté de séduction est ténue, fragile. C'est pourtant ce qu'il faut rechercher. C'est dans le mouvement, dans des activités qu'une amitié se développe. Il faut que le beau-parent ait des moments particuliers à proposer aux enfants en guise de partage, ce sont des signes forts et il convient qu'il y ait une continuité en la matière. Ainsi des moments d'intimité pourront se développer.

Comment éviter les jalousies entre les enfants ?
C'est le deuxième piège en la matière après celui de l'exercice de l'autorité et des règles de fonctionnement en famille. Si la nature nous pousse à privilégier notre enfant, il faut faire un effort permanent pour contrebalancer un effet potentiel de jalousie. Il faut rassurer notre propre enfant et rassurer l'enfant de notre conjoint, c'est-à-dire savoir leur parler de ces questions dans des moments d'intimité avec eux. Comprendre et reconnaître la jalousie et donc ne pas dire que ce sentiment ne doit pas exister. Les conséquences psychologiques des sentiments d'injustice et de jalousie sont considérables et engendrent souvent un mal-être pour toute la vie. Le plus simple est d'expliquer aux enfants, de leur parler, d'avoir des actes qui visent à rééquilibrer ce sentiment et révéler à l'enfant qu'il a de la valeur pour nous au travers de certains de ses comportements donc des choses qu'il pourra reproduire pour mieux se sentir aimé et apprécié. La jalousie est associée au sentiment que l'autre a obtenu une récompense, elle se corrige en rassurant et en donnant la même occasion au jaloux.



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