Menu
Search
Lundi 29 Décembre 2025
S'abonner
close
Lundi 29 Décembre 2025
Menu
Search

La pension des veuves ne fait pas l’unanimité

La pension octroyée aux veuves vient de tomber, après dix mois de retard. Malgré son importance pour quelques couches sociales, cette mesure demeure limitée et présente plusieurs lacunes, selon la société civile. Pour cette dernière, il faut s’attaquer à la situation de précarité des femmes marocaines d’une manière globale plutôt que d’annoncer des mesurettes sporadiques.

La pension des veuves ne fait pas l’unanimité
Les veuves ont encore du pain sur la planche.

La dernière annonce du gouvernement relative à la pension destinée aux veuves ne fait pas l’unanimité.
La Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes (FLDDF) est montée au créneau pour dénoncer «la limite et l’insuffisance de cette mesure». «Le gouvernement vient tout juste de mettre en place une mesure prévue dans le cadre de la loi de Finances 2014, soit avec un retard de 10 mois. Elle reste, malgré son intérêt, très limitée et ne répond pas aux aspirations de la société civile et de la situation précaire des femmes marocaines en général», selon le communiqué de la fédération. Rappelons qu’à fin octobre, le Conseil de gouvernement avait adopté un projet de décret en vertu duquel chaque veuve en situation précaire bénéficiera de 350 DH par mois pour chaque enfant dont l'âge ne dépasse pas 21 ans, poursuivant ses études ou une formation professionnelle. Toutefois, le total des pensions accordées à une même famille ne doit pas excéder 1.050 DH.

Si cette mesure a été saluée par certains, plusieurs y voient «une mesurette de portée limitée et à des fins électoralistes», comme déclare Fouzia Assouli, présidente de la Fédération de la ligue démocratique des droits des femmes. Tout d’abord, le timing choisi pour l’annonce ne serait pas «fortuit», selon elle, puisqu’il coïncide avec les élections communales. Ensuite, la population cible reste très réduite, car il ne s’agit que de veuves en situation précaire, de pauvreté et ayant des enfants à charge. «Ceci, alors qu’il existe des centaines de milliers d’autres veuves n’ayant pas d’enfants, mais qui souffrent au quotidien et sans que le gouvernement ne bouge le petit doigt», selon la fédération. De même, le montant de 350 DH par enfant, plafonné à 1.050 dirhams reste «très modeste, si on prend on compte le coût de la vie au Maroc, les contraintes liées à la scolarisation des enfants, les frais de loyer, des denrées alimentaires…», s’insurge Fouzia Assouli.

Pour Abdelilah Benkirane, Chef du gouvernement, il ne faut pas céder à ce type d’«allégations». Lors de la séance mensuelle au Parlement, tenue le mardi 11 novembre, Benkirane s’est offusqué de ces observations notant les limites et la visée «électoraliste» de cette mesure, comme cela a été décrié par certains parlementaires. «Soyez heureux. C'est grâce à Dieu que vous avez eu cette mesure. Vous devriez faire une fête pour cela. Vous parlementaires qui touchez plus de 30.000 DH, vous avez le droit de rire, mais pour une femme veuve avec des enfants, 1.050 dirhams est loin d'être une somme négligeable. Cette mesure est une réponse à la demande de la société marocaine. Pour les femmes qui n’ont pas d’enfants, la situation est plus simple : elles peuvent être prises en charge par la famille ou se mettre à la recherche d'un travail. Nous allons lancer d’autres mesures progressivement», a-t-il répondu à l’opposition.

Si la réponse du Chef du gouvernement demeure plus ou moins vague et populiste, la société civile, elle, campe sur sa position. Pas question de céder au package présenté il y a plusieurs années de cela et qui englobe des mesures concrètes ciblant toutes les populations de femmes défavorisées au Maroc. De la veuve avec ou sans enfants, à la mère célibataire, en passant pas les travailleuses domestiques, les travailleuses dans l’agriculture et l’informel… il s’agirait selon la société civile et les associations «féministes» de répondre urgemment à toutes les doléances, car il s’agit après tout d’un droit et non d’une assistance ou une «aumône». D’ailleurs, le dispositif relatif aux femmes veuves est appelé «Ikram»…


Questions à : Fouzia Assouli, présidente de la Fédération de la Ligue démocratique des droits des femmes

«La pension pour les veuves est une mesure purement électoraliste»

Que pensez-vous de la dernière décision du gouvernement d’accorder une pension aux veuves ayant des enfants à charge à raison de 350 DH par enfant ?
Cette mesure est partiellement positive, mais présente plusieurs limites. Tout d’abord, elle ne concerne qu’une petite catégorie de femmes. Ça ne répond donc pas aux besoins des femmes marocaines vulnérables d’une manière plus globale. Elle reste très limitée et a été annoncée à des fins électoralistes. En plus, comment une femme qui ne dispose ni d’emploi, ni de revenu, pourrait vivre avec à peine 350 dirhams par enfant par mois ? Ceci tout en sachant qu’elle est obligée de scolariser son enfant.

Quelle est la situation actuelle des femmes vivant dans la précarité et comment le gouvernement répond-il à vos doléances ?
Précarité, pauvreté et exclusion. Telle est la situation d’un grand nombre de femmes vivant au Maroc. Si nous ne disposons pas de chiffres avérés quant au nombre de femmes marocaines vivant dans la précarité, nous savons par exemple que plus de 18% des foyers sont gérés par les femmes, selon le HCP, soit plus de 1,6 million de femmes. Ces dernières sont célibataires, divorcées, ont des handicaps ou travaillent dans le secteur informel en tant que femmes de ménage, dans l’agriculture, le textile, dans les hammams… Elles n’ont ni couverture sociale, ni pensions de retraite. Nous avions déjà en 2007 présenté nos revendications au gouvernement. Nous avions été accompagnés par des experts en la matière et nous avons proposé au gouvernement plusieurs mesures pour sortir des millions de femmes marocaines de la précarité et la pauvreté.

Quelles sont ces mesures ?
Notre package est très global. La priorité est de favoriser l’emploi formel. C’est obligatoire et même vital. Il faut mettre en place des dispositions urgentes pour sortir les femmes du secteur informel. Il faut respecter la dignité et l’égalité des chances et de genre et appliquer la Constitution marocaine. Le gouvernement ne doit plus agir dans une logique de bienfaisance, mais d’obligation face à des droits légitimes. Il faut aussi et surtout promouvoir l’entrepreneuriat des femmes, octroyer des crédits à des taux préférentiels et travailler sur la formation des femmes surtout dans le secteur artisanal et coopératif.

Mais le gouvernement a lancé certaines mesures ces dernières années, comme la caisse destinée aux femmes divorcées ?
Le gouvernement ne fait rien et le ministère de la Famille et de la solidarité fait la sourde oreille. Ces mesures sont de la poudre aux yeux à des fins électoralistes. La caisse pour les femmes divorcées enregistre beaucoup de défaillances et nous recevons chaque jour des réclamations. De plus, les sommes restent dérisoires. Il faut arrêter avec ces mesurettes et attaquer les problèmes de manière structurelle avec une volonté ferme tout en s’ouvrant au dialogue et à la concertation.

Lisez nos e-Papers