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Mon enfant n’arrête pas de mentir

Les parents s’inquiètent souvent des mensonges de leurs enfants. Ils craignent en fait que cette attitude devienne une habitude et qu’elle reflète leur futur caractère. Mais selon notre spécialiste, les enfants en bas âge sont bien connus pour déformer la vérité. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter ; ils traversent simplement une phase importante de leur développement.

Les enfants mentent pour de multiples raisons. Principalement pour éviter la réprimande. En effet, le mensonge est souvent un mécanisme de protection lorsque l’enfant se sent attaqué ; il ment alors pour ne pas être puni, pour éviter de décevoir, de devoir écouter un «sermon», de se sentir coupable ou de perdre la confiance de l’adulte.
Il tente parfois de se désengager relativement de ses erreurs, de se déculpabiliser, de fuir ses responsabilités ou de ne pas assumer les conséquences de ses actes. «C’est pas ma faute ! C’est lui qui…», «Tous les autres le font !», etc.

D’autres inventent des mensonges pour plaire ou impressionner leurs copains. Un enfant peut, par exemple, en nageant dans la piscine gonflable d’un ami raconter que lui à la maison en a une vraie et gigantesque en plein milieu du salon… Les enfants peuvent aussi mentir par pur plaisir : pour faire des blagues ou jouer avec les mots, en particulier vers 4 ou 5 ans. C’est juste «pour le fun», pour s’amuser à vous mettre en colère, pour voir s’il va réussir à vous embobiner. De plus, déjouer l’adulte, réussir à échapper à une contrainte ou à une conséquence peut déclencher un intense sentiment de puissance chez certains enfants qui risquent fort d’en apprécier les effets. Dans certains cas, il arrive même que le mensonge camoufle une faible estime de soi. L’enfant souhaite embellir la vérité pour se rendre intéressant et attirer l’attention, pour éviter de devoir faire face à ses erreurs ou encore s’inventer des maladies et des mélodrames pour attirer la pitié et l’amour.
En fait, l’enfant découvre la possibilité nouvelle de ne pas tout dire, d’inventer des histoires. «C’est une étape très importante qui est franchie», explique le Dr Kamal Raddaoui. Chez l’enfant, la distinction entre le vrai et le faux, puis entre la vérité et le mensonge est progressive. Avant l'âge de six ans, il ne fait pas la distinction entre mensonge, activité ludique et fabulation. Peu à peu, après huit ans, le mensonge acquerra sa dimension intentionnelle. «Le mensonge est donc normal chez l’enfant en bas âge, par contre il y a tout un apprentissage social de la vérité avec l’intégration progressive des valeurs sociales et morales», prévient le spécialiste.
Les enfants cesseront de mentir lorsqu’ils apprendront à faire la différence entre l’imaginaire et la réalité et quand ils comprendront et assimileront les notions du bien et du mal.

En tant que parent, il est important de considérer ces mensonges pour ce qu’ils sont et d’en faire des leçons d’apprentissage, au lieu de les considérer comme un problème. Aidez votre enfant à faire la différence entre l’imaginaire et la réalité. Montrez que vous comprenez que certains de ses mensonges sont en fait des souhaits. Expliquez-lui pourquoi il est important qu’il nous dise la vérité : parce que cela nous aide à avoir confiance en lui. Enfin, sachez donner le bon exemple. Ce n’est pas en lui demandant de répondre au téléphone et de dire à votre interlocuteur que vous n’êtes pas là qu’il va apprendre. Ni en mangeant la dernière part de tarte dans le frigo et en le suppliant de ne rien dire à votre femme… Il ne faut pas oublier que le meilleur exemple pour les tout-petits ce sont d’abord leurs parents. 


Explications

Dr Kamal Raddaoui, pédopsychiatre

«Le mensonge est normal chez l’enfant en bas âge»

Le mensonge chez l’enfant est-il normal ? Est-ce une phase de son développement ?
Avec l’acquisition du langage, vers 3-4 ans, quand l’enfant découvre la possibilité nouvelle de ne pas tout dire, puis de dire ce qui n’est pas et d’inventer une histoire, une étape importante est franchie. S’il est vrai qu’initialement l’enfant fait moins bien la distinction entre la réalité et son monde imaginaire, en revanche il perçoit assez vite dans son environnement matériel le vrai du faux. Toutefois, cette distinction ne prendra sa pleine signification que vers 6-7 ans. Chez l’enfant, la distinction entre le vrai et le faux, puis entre la vérité et le mensonge est progressive. Avant l'âge de 6 ans, il ne fait pas la distinction entre mensonge, activité ludique et fabulation. Peu à peu, après 8 ans, le mensonge acquerra sa dimension intentionnelle. Le mensonge est donc normal chez l’enfant en bas âge, par contre il y a tout un apprentissage social de la vérité avec l’intégration progressive des valeurs sociales et morales.

Pourquoi l’enfant ment-il ?
Sur le plan clinique, on distingue trois types de mensonge. Le mensonge «utilitaire» qui correspond au mensonge de l’adulte : mentir pour en retirer un avantage ou s’éviter un désagrément. Exemple : la dissimulation ou la falsification de la mauvaise note d’école ou la négation d’une faute commise… Le mensonge «compensatoire», lui, traduit non pas la recherche d’un bénéfice concret, mais la recherche d’une image que l’enfant croit inaccessible ou perdue : il s’invente une famille plus riche, plus noble ou plus savante, il s’attribue des exploits scolaires, sportifs, amoureux… En réalité, cette rêverie est bien banale et normale du moins dans la petite enfance et lorsqu’elle occupe une place raisonnable dans l’imaginaire de l’enfant. Banales jusqu’à 6 ans où de telles conduites s’inscrivent dans l’espace de rêverie transitionnel, au-delà de cet âge leur persistance prend bien souvent une signification pathologique. Et enfin, la «mythomanie» ou la rêverie fabulatoire extrême, qui peut, par sa persistance, être l’expression d’un trouble psychopathologique plus ou moins grave.

Quand faut-il commencer à s’inquiéter ?
Quand le mensonge devient répétitif ou pervers, c’est-à-dire causant un préjudice à l’enfant ou à quelqu’un d’autre (allégations mensongères concernant les abus sexuels ou l’inceste, par exemple). Il faut également s’inquiéter quand le mensonge se chronicise et devient une partie intégrante de la personnalité de l’enfant. Il devient ainsi une réaction de défense et un réflexe auquel l’enfant va avoir recours faute d’élaboration suffisante de la pensée pour y renoncer. Bien entendu, il ne faut s’inquiéter qu’au-delà de 8 ans, car avant cet âge le mensonge est banal et évolue généralement vers la recherche de la vérité véhiculée par les valeurs morales et la maitrise de la pensée.

Jusqu’où cela peut-il aller ? Cela risque-t-il de devenir chronique ?
Il arrive que le mensonge se transforme en mythomanie grave, symptomatique d’un trouble psycho-pathogique sérieux. La mythomanie est le degré extrême de la rêverie fabulatoire. Ce trouble décrit depuis plus de 100 ans est défini comme étant : «la tendance pathologique, plus ou moins volontaire et consciente, au mensonge et à la création de fables imaginaires». L’enfant mythomane est souvent confronté à des carences affectives graves et des confusions et incertitudes identificatoires. La mythomanie persistante se rapproche du délire.

Comment doivent réagir les parents face au mensonge de leur enfant ?
Le comportement de l’entourage face à cette conduite banale en soi en déterminera l’évolution. Trop crédule ou inattentif, l’entourage risque d’en favoriser le déploiement. Trop rigoureux et moralisant à l’excès, il peut enfoncer l’enfant dans une conduite de plus en plus mensongère (le second mensonge pour expliquer le premier). Le relever, ne pas trop y insister permettra à l’enfant de ne pas perdre la face et d’en comprendre l’inutilité. L’attitude de l’enfant face au mensonge dépend en partie du comportement de l’adulte lui-même, en particulier les parents.
Trop souvent, ces derniers mentent à l’enfant et dévalorisent ainsi leur propre parole. Il n’est pas rare que le petit menteur soit le fils de parents menteurs. Les parents valorisent l’aveu de la vérité («une faute avouée est à moitié pardonnée», répète-t-on à l’enfant). L’enfant peu à peu dira la vérité surtout pour satisfaire les parents et donc pour satisfaire aux exigences sociales. Ce processus renforce la confiance, les valeurs morales et l’estime de soi.

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