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Entretien avec maitre Zakaria Mrini, consultant sénior en Droit des affaires

Face à une concurrence accrue qui caractérise le marché de l’emploi, l’insertion de «clauses» dans un contrat de travail est devenue monnaie courante. D’ailleurs comme son nom l’indique, une clause est une énonciation ou un ensemble d’énonciations figurant dans le contenu d’un acte juridique où sont dictées les droits et les obligations de chaque contractant. Elle a pour objet de préserver les intérêts des personnes physiques ou morales liées à l’acte signé contre les éventuels dépassements.

Entretien avec maitre Zakaria Mrini, consultant sénior en Droit des affaires

 À ce titre, la clause insérée dans un contrat de travail vise à définir au salarié les transformations qui peuvent avoir lieu lors de l’accomplissement de son travail (clause de mobilité) et en même temps prendre connaissance des exigences légitimes de l’entreprise (clause de non-concurrence). Ce qui signifie que le fait d’«Insérer une clause dans le contrat de travail» n’est pas contraire à la loi ni aux règlements, mais cette spécificité doit obéir à certaines conditions de fond et de forme pour revêtir un caractère licite. Chacune des parties contractantes doit être responsable et loyale. Elles doivent respecter les fondements liés aux règlements et aux conventions collectives. Faute de quoi, le salarié n’est pas tenu de les respecter. Mais reste à savoir qu’«une clause n’est déclarée abusive que par la seule discrétion du juge, car les parties sont censées avoir consenti à la totalité du contenu du contrat réputé consensuel, or le contrat de travail est toujours relégué au statut de contrat d’adhésion et non plus, comme il est supposé l’être, en un contrat de gré à gré», fait savoir Me Zakaria Mrini. Pour plus de précisions, l’invité du «Matin Emploi» a fait le tour de la question. Le point.


Le Matin Emploi : Juridiquement parlant, que peut-on entendre par «clause abusive» dans un contrat de travail ?
Zakaria Mrini : Le droit marocain pose une règle essentielle quant à la rencontre de la volonté des parties au contrat, le consensualisme est érigé en principe fondamental du droit des obligations et des contrats dans notre Royaume. C’est ainsi que l’article 230 du DOC dispose que «les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou dans les cas prévus par la loi», on parle alors de la force obligatoire des contrats. Une clause abusive est celle qui instaure un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des deux parties au contrat. En droit civil marocain, la seule réelle opportunité pour mettre en péril une clause abusive est de contester l’essence même du contrat, en relevant un vice du consentement, conformément aux articles 39 et suivants du DOC. Le droit du travail, lui aussi, est soumis à ces règles régissant tous types de contrats, il nous faut alors revenir aux règles générales de droit civil pour y puiser les limites légales au contrat de travail.

Qu’est-ce qui caractérise une clause abusive ?
Tout d’abord, il faut savoir que si l’employé est une personne illettrée l’employeur doit appliquer les dispositions de l’article 427 du DOC : «Les écritures portant l’obligation de personnes illettrées ne valent que si elles ont été reçues par notaires ou par officiers publics autorisés.» Il est à noter qu’une clause n’est déclarée abusive que par la seule discrétion du juge, car les parties sont censées avoir consenti à la totalité du contenu du contrat réputé consensuel, or le contrat de travail est toujours relégué au statut de contrat d’adhésion et non plus, comme il est supposé l’être, en un contrat de gré à gré. Souvent, un contrat comportant des clauses abusives est un contrat long, allant au-delà des simples informations telles que le type du contrat de travail, l’identité des parties, la description du poste, le salaire et le lieu du travail... Une fois ces informations posées, le salarié peut alors commencer à douter de toute autre clause insérée dans le contrat. Il devra alors lire avec la plus grande attention ces dernières, le comprendre, et peut même aller jusqu’à s’assurer auprès de son employeur d’une phrase ou même d’un mot dont le sens lui paraitrait obscur ou sujet à différentes interprétations.

Quelles sont les conséquences qui en découlent ?
Une fois signé, un contrat de travail, comme toute autre convention, régit les rapports entre les parties pendant la durée de vie du contrat et même parfois après. Concernant les clauses soupçonnées abusives telles que la clause de mobilité, la clause de formation, la clause d’exclusivité ou la clause de non-concurrence…, sauf qu’elles ne le sont pas réellement.
Ces clauses ont pour effet de transformer le simple lien de subordination qui caractérise le contrat de travail en un lien plus complexe dans l’exécution même de ce dernier ; de nouvelles obligations naissent pour la partie qui y a concédé. D’autres clauses réputées contraires aux dispositions d’ordre public telles qu’une clause de préavis inférieure au minimum légal prévu à l’article 43 du Code du travail, ou une clause modifiant les dispositions de protection de la période de maternité prévue aux articles 152 et suivants du même code, sont réputées nulles ou non écrites. En effet, ces dernières ne peuvent produire leurs effets vu qu’elles sont contraires à la loi.

Qu’en dit la jurisprudence ?
La jurisprudence marocaine consacre la règle de droit marocain ne faisant aucune place à la théorie de l’imprévision et s’interdit la révision du contrat du travail dans le cadre des déséquilibres qui touchent à l’objet du contrat. Cette révision n’est admise que lorsqu’elle est convenue par les parties, ou prévue par la loi.
Ainsi les différentes jurisprudences de la Cour de cassation marocaine reconnaissent la validité juridique des clauses spéciales incluses dans un contrat du travail non vicié.
En effet, c’est le cas de la clause de non-concurrence, de mobilité ou d’exclusivité qui contraignent le salarié à des obligations qu’il a consenties en apposant sa signature sur son contrat de travail. D’un autre côté, la jurisprudence marocaine a déjà le mérite de consacrer les dispositions d’ordre public, en préservant ainsi l’essence même de la législation du travail qui veille principalement à protéger la dignité humaine.
Le Maroc doit être fier de constater que la jurisprudence marocaine, en la matière, a fait du chemin en dix ans d’existence de ce nouveau code du travail. Certes, il reste beaucoup à faire, mais nous sommes sur le bon chemin avec des magistrats courageux, armés de foi et de lois. 

Me Zakaria Mrini
• Cabinet d’avocats Mrini.
• Consultant sénior/Droit
des affaires.
• Diplômé de l’Université Pierre-Mendès de Grenoble – France.
• Doctorant en droit de la priorité industrielle.
• Maîtrise approfondie en droit
du travail et en droit des sociétés.

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