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L’immatériel : une ressource au service du bien-être des citoyens

L’immatériel : une ressource  au service du bien-être des citoyens
Par Mme Mounia Rhoulam, députée, membre du groupe parlementaire du PI.

Si l’originalité de l’INDH, décrétée dans le discours royal du 18 mai 2005, a marqué le début du deuxième quinquennat du règne du Souverain, en mettant le développement humain au centre du processus de développement et en distinguant la «croissance sociale» de celle économique, le discours du Trône de la 15e année du règne a constitué une réelle rupture épistémologique et conceptuelle dans le processus du développement au Maroc.

Aussi, l’appréhension et la quantification de la création de la richesse au niveau de notre modèle de développement ne sont-elles perçues qu’à travers une vision restreinte et limitée à la création de la valeur ajoutée par les activités dans les trois secteurs ordinaires, à savoir les secteurs primaire, secondaire et tertiaire. Notre croissance économique étant approchée uniquement par la croissance agricole et non agricole, dont celle industrielle et des services.

À un moment où les modèles socioéconomiques sont en profonde mutation, le dernier discours du Trône inaugure donc une nouvelle conception et une approche novatrice de développement dans notre pays. La création de la richesse devant, en effet, intégrer, en plus de celle créée par les activités productives et commerciales, celle produite par les activités intangibles et immatérielles. Il s’agit là d’une dimension économique jusque-là sous-estimée dans notre approche du développement sociétal.

Ainsi, pour évaluer la richesse de notre pays, il faudrait donner une valeur à ce qu’on appelle communément «le capital immatériel» constitué, entre autres, par le capital humain, les droits de la propriété intellectuelle (brevets, marques, logiciels...), les modes de gouvernance, les processus organisationnels et les systèmes d’information, la recherche et développement ainsi que les ressources environnementales, ainsi que tout autre élément, comme le savoir-faire, les capacités ou les connaissances.

En outre, le capital immatériel doit être approché dans le cadre d’une logique systémique. La ressource immatérielle concerne le secteur privé, les patrimoines et les actifs publics, celui de l’État et de ses démembrements, les collectivités territoriales et de toute activité, même à vocation non marchande, ainsi que des centres de recherche, de formation et des universités. C’est dire, l’étendue du champ de définition du capital immatériel, une ressource omniprésente et diluée dans les systèmes socioéconomiques.

C’est dire aussi la difficulté de tout exercice de modélisation et de valorisation de la ressource immatérielle, compte tenu de la différenciation de son contenu, marqué par un corpus devenu étendu, détaillé, spécifique et en voie de normalisation sur le plan international, et de sa volatilité manifeste et de la nécessité de son développement dans un système socioéconomique intégré et efficient. En effet, contrairement au capital matériel, les ressources immatérielles ne créent de la valeur que si elles évoluent de manière interactive entre elles et avec les ressources matérielles. Cette valeur n’a, d’ailleurs, d’existence socioéconomique que si le capital immatériel s’intègre, de manière optimale, dans les facteurs de production de la valeur matérielle.
Notre modèle de développement sociétal a atteint la maturité nécessaire pour que notre vision de la création de la valeur soit fondamentalement remaniée.

Ainsi, compte tenu des spécificités de notre itinéraire vers le développement, des structures de notre économie et des sources historiques et potentielles de notre croissance, des ruptures et des enjeux pour l’avenir de notre société, ou encore des systèmes de développement des rapports entre croissance et développement humain ou encore entre pauvreté et développement social, il serait opportun :

• de concevoir une définition maroco-marocaine du capital immatériel, un cadre de conception, un schéma d’appréhension des différents types d’actifs immatériels et un modèle notamment statistique de valorisation, propre à notre pays, de la ressource immatérielle,

• d’identifier la ressource immatérielle qui est liée intrinsèquement aux dynamiques du bien-être, et ayant un réel impact sur la qualité de vie des citoyens dans ses dimensions tant matérielles qu’immatérielles et,

• d’approcher le poids actuel et futur du capital immatériel dans notre économie et l’évolution de notre pays.
Ce qui pose toute la question de l’intégration du capital immatériel dans la modélisation de la croissance, la mesure du PIB et d’autres agrégats socioéconomiques. Il s’agit là d’une problématique de perception de la richesse créée par les différents agents économiques, qui ont de plus en plus des difficultés à se reconnaître dans les statistiques et agrégats de croissance se référant à des moyennes comme le PIB par habitant. Il est par conséquent nécessaire d’approcher les systèmes de distribution de la richesse créée et les différentes facettes des inégalités sociétales et de développer et d’intégrer l’information sur le capital immatériel, mais aussi d’évaluer leur mode d’interaction et leur évolution et propagation dans la société influant le bien-être global des citoyens.

Au final, l’appréhension de la «croissance immatérielle» et l’intégration de l’immatériel dans le processus de développement appellent à une transformation profonde des modes de pensée et d’actions des décideurs publics. À cet effet, le gouvernement doit transcender les questions politico-politiciennes, qui l’ont poussé à ne pas prendre en compte le projet de développement de la classe moyenne, et de s’inscrire dans cette vision structurante de la conception de la création de la richesse dans notre pays. Il sera nécessaire que toute politique publique intègre, dans sa conception et sa mise en œuvre, son impact sur le développement du capital immatériel et son interaction avec le capital matériel ainsi que l’influence qu’auraient ces aspects sur l’amélioration de qualité de vie globale des citoyens.

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