L’enfant qui refuse de manger est une situation très fréquente. Cela fait partie intégrante de l'évolution de l'enfant. Très tôt, l'enfant comprend le pouvoir qu'il peut exercer sur ses parents en ce qui a trait à son rapport avec la nourriture.
Le début des caprices alimentaires
Vers deux ans, bébé refuse soudainement de manger. En effet, entre 18 et 24 mois, sa personnalité s'affirme. Il prend conscience de la puissance de ses «non» et ne se prive pas d'en abuser. La «phase du non» est normale dans le développement psychomoteur de l'enfant, malgré tout, elle est difficile à vivre pour les parents. Bébé trouve plus passionnant de jouer ou d'explorer son univers plutôt que de perdre du temps à table. Le repas de bébé devient alors compliqué et il peut même refuser de manger. Cette passade, appelée «néophobie alimentaire», pousse l’enfant à refuser tout nouvel aliment, par méfiance et par peur de l'inconnu. Elle disparaît généralement vers l’âge de 6 ou 7 ans. Les parents devront donc prendre leur mal en patience.
Le manque d’appétit
La néophobie alimentaire n’est pas la seule raison du refus de manger chez l'enfant. En effet, comme les adultes, il peut simplement ne pas avoir faim. D’après les spécialistes, de manière générale, les enfants mangent, mais le problème qui se pose c’est que ce sont les parents qui font un travail de police en imposant des règles chronométriques lors des repas. Il faut tenir compte du fait que l’estomac d’un adulte n’a pas la même taille que celui d’un enfant, donc quand on donne la même ration à l’adulte et à l’enfant il est normal que ce dernier refuse de terminer son repas simplement parce que c’est plus que ce dont il a besoin ; il faut calculer sa ration en fonction de son âge, sa taille et son poids
Le dégoût de l’aliment
Il faut prendre en considération également que les goûts de l’enfant ne sont pas forcément identiques à ceux des parents et cela peut-être une des causes qui poussent l’enfant à refuser ce qu’on lui sert. Il est fort possible que bébé n'aime pas du tout un aliment constituant son repas. Après plusieurs refus, il faut se rendre à l'évidence et il vaut mieux retirer l'aliment indésirable de ses repas. Il suffit parfois de le proposer à nouveau, mais en recette simple ou en modifiant la texture.
La maladie
La fatigue, une maladie ou une poussée dentaire peuvent avoir un impact sur l'appétit et l'alimentation du bébé. Il ne faut pas oublier non plus que l’une des causes principales c’est que lorsque l’enfant trouve que son refus joue en sa faveur et que ça lui permet d’attirer l’attention sur lui et de mener ses parents par le bout du nez, il continue et ça devient simplement une question de caprices.
C’est pourquoi tant que le poids et la courbe de croissance du tout-petit continuent de progresser régulièrement, sans causer de carences ou mettre en danger son développement, il n'y a pas à s'inquiéter de son manque d'appétit.
Astuces
Afin de faire face au refus de manger de votre enfant, il faut essayer d’avoir du plaisir à table. Les parents doivent favoriser les situations et les sensations heureuses autour de la table : fête, jeu, ambiance agréable pendant le repas, participation de l'enfant à l'élaboration des plats, stimulation de sa curiosité. Grâce à cette atmosphère détendue et agréable, l’enfant gardera un bon souvenir des mets présentés et sera plus intéressé par ces plats lors du prochain repas. Il faut également monter l’exemple.
Les enfants adorent imiter les gens de leur entourage.
Les parents peuvent profiter du moment des repas pour montrer l’exemple à table tout en passant un temps agréable en famille. En mangeant avec enthousiasme les aliments proposés, l’enfant sera peut-être curieux de goûter ces mets que son papa et sa maman apprécient tant. En revanche, il ne faut pas essayer de le forcer. Il faut le laisser choisir la quantité d'aliments qu'il désire consommer et lui offrir la possibilité d'en reprendre. Il apprendra à adapter ses portions à son appétit. La confrontation ne mène à rien et forcer l'enfant à manger un certain aliment ne fait qu'aggraver le problème. Plus un enfant se sent forcé de manger un aliment, moins il l’aimera. Cela n’empêche pas les parents de présenter souvent le même aliment, même si ce dernier a déjà été refusé. Une quinzaine d’expositions est parfois nécessaire avant que l’enfant ne commence à apprécier un aliment ! Enfin, il faut faire attention aux coupe-faim. Une trop grande quantité de jus, de boissons gazeuses ou de grignotines entre les repas peut couper l'appétit de votre enfant.
Pour les enfants présentant de petits appétits, il est préférable de donner à boire seulement après le repas. Quant aux collations, elles devraient être servies au moins deux heures avant le prochain repas.
Explications
Bernard Corbel, spécialiste, psychologue idu couple et de la famille
«Il ne faut jamais forcer l'enfant à se nourrir, ni le punir pour une difficulté à manger»
Comment peut-on expliquer le refus de manger chez les enfants ?
Les petits apprennent la vie, et la vie de relation. Ils doivent découvrir leur propre identité, et dans une mesure, ceci ne peut se faire qu'en posant leur différence. Ils découvrent qu'ils doivent devenir eux-mêmes – c'est une question vitale – et s'y emploient. À partir de 18 mois, les enfants éprouvent la nécessité de s'opposer et de dire «non». Ce n'est pas qu'ils veulent commander ou veulent diriger : c'est un apprentissage nécessaire. Ce non s'exprime particulièrement autour des aliments, car l'enfant recherche une part d'autonomie et donc de singularité.
Il peut éprouver légitimement qu'il n'a plus faim et cherche à faire valoir son soi, son identité. Ça pose un problème pour les parents, car ceux-ci ne comprennent pas que l'enfant ne soit pas spontanément dans le réflexe autorité/soumission. Ce réflexe ne devrait pas exister, car il va générer beaucoup de troubles plus tard. Les parents doivent poser leur autorité avec gentillesse et bienveillance, «je te comprends, mais moi je veux que tu manges un peu».
Quand cela peut-il devenir dangereux ?
Ça devient dangereux quand le repas est un rituel désespérant et cruel pour les enfants. Si les parents ne sont pas accueillants, non violents et compréhensifs, manger, en cas de difficultés d'appétit (tous les enfants n'ont pas les mêmes besoins alimentaires), pourrait devenir oppressant, stressant et donnerait lieu à des désordres psychosomatiques, voire des troubles alimentaires plus tard (souvent à la puberté). Passer à table devrait être un moment éducatif de joie, de découvertes multiples : formes, couleurs des aliments et goûts ainsi que de convivialité, c'est l'exercice d'apprentissage de la vie de groupe, de l’art d'être bien ensemble. Il faut éviter le plus possible de perdre patience et de s’énerver...
En cas de refus, faut-il le forcer ?
Il ne faut JAMAIS forcer l'enfant à manger ni le punir pour une difficulté à manger, visage crispé ou froid, soupir, etc.
Il ne faut pas se plaindre devant l'enfant pour ce qu'il fait, il se découvrirait une toute-puissance et une passivité-agressivité en face de lui. Le blocage somatique, en cas d'insistance, imprimera ses marques dans le caractère et la personnalité de l'enfant. Il faut faire du repas un moment d'apprentissages par petits jeux. Les nouveaux aliments doivent être présentés par petites touches successives et arrangés pour faire des formes et des couleurs et pour inventer des petites histoires. Féliciter quand l'enfant progresse, se désintéresser net de lui quand il refuse et revenir positivement vers lui.
Pendant le repas, est-ce qu'il faut faire vite ou laisser son enfant prendre tout son temps ?
L'acharnement à table pour que l'enfant finisse son repas peut devenir un supplice. Un enfant a besoin de passer 20 à 30 minutes maximum à table. Au-delà, il faut le libérer. Les parents devraient «désangoisser». Les enfants ont des capteurs dans leur corps qui leur indiquent s'ils ont besoin ou non de manger. Il faut veiller à ce qu'ils n'ingèrent pas des sodas avant ou pendant le repas, car ces produits engendrent une sensation de saturation et de satiété. Il faut le plus possible faire en sorte de donner au repas un aspect récréatif en essayant d’amuser l’enfant pour qu’il se prête au jeu.