Le Matin : L’année 2014 est celle du grand retour de Cheb Kader. Que réservez-vous pour vos nombreux fans de par le monde, particulièrement au public marocain ?
Cheb Kader : Effectivement ! Cette année est tout d’abord celle de la concrétisation de mon projet : mon retour sur la scène marocaine. J’ai retrouvé le pays, il y a un an et demi et j’ai mis en place de nouveaux dispositifs pour favoriser ce retour dans mon pays d’origine. J’ai toujours produit et enregistré en France, mon pays d’adoption. Ce ne sera plus le cas, dorénavant. J’ai promis lors d’une émission télévisée ici même de sortir un album avec une production 100% made in Morocco. J’ai promis aussi de travailler avec les jeunes d’ici. Aussitôt dit, aussitôt fait. Mon prochain album va être composé d’œuvres originales qui puisent leur essence dans le concept du raï durable. C'est-à-dire, un raï fédérateur que l’on peut écouter en famille, et qui se nourrit de la world music et du patrimoine musical marocain, notre source de fierté. Rythmes polymorphes, sonorités avant-gardistes, mais toujours avec le timbre raï. En témoigne «Lila Kbira», le premier single du nouvel album au même titre que ma première production marocaine. Le single vient de sortir il y a une semaine. Paroles et musiques de Rachid Mohamed Ali et les arrangements Abdelilah surnommé Beethoven, cet opus s’inscrit dans le cadre de ma nouvelle démarche. Il y a encore deux autres titres en cours de préparation. Il y a «L’mima», écrit et composé par Rachid Mohamed Ali et arrangé par Alae Zlaeji. C’est un hommage appuyé à tous les mamans marocaines. Et il y a également «Hjart Bladi», un duo avec le talentueux Farid Ghannam, ex-leader du groupe marocain Mayara Band. Il y a d’autres projets avec notamment la diva Latifa Raafat et Saâd L’Mjerred.
L’album est prévu pour fin 2014. Mais entre temps, vous avez une tournée nationale promotionnelle de l’opus…
À vrai dire, j’ai envie de retrouver le public marocain. Il est vrai que je n’ai pas fait beaucoup de dates depuis mon retour, tellement absorbé par la production et l’enregistrement de mon album. Mais, je donnerai plusieurs concerts cette année, un peu partout au Maroc surtout dans le cadre des festivals, notamment le prochain Mawazine, rythmes du monde. Entre temps, tous les deux ou trois mois, je vais sortir un nouveau single.
S’agit-il d’une nouvelle stratégie ?
Oui, un nouveau mode de production, piratage oblige. Vous savez que les producteurs investissent des millions de dirhams dans la sortie d’un album et ne gagnent que quelques centimes en contrepartie. Ce qui n’encourage pas la production. Et cela handicape la distribution. Pour échapper à cette noyade, j’ai décidé de produire un single tous les deux mois avec un clip vidéo pour chacun. Et cet album sera produit intégralement dans cet esprit. Il faut noter aussi que l’objectif de l’album, mis à part mon retour sur la scène, c’est de mettre en lumière les potentialités de bien de chez nous. Je travaille qu’avec de jeunes musiciens d’ici. Idem pour les arrangements et les paroles. Contrairement par exemple à mon dernier album «Best of» sorti aux éditions «Sawt Al Qahira», où plusieurs chansons ont été enregistrées avec l’Orchestre philharmonique bulgare, orchestre préféré du grand Barry White. D’ailleurs, j’aurais aimé et je souhaiterais toujours enregistrer quelques titres avec l’Orchestre philharmonique du Maroc. Pourquoi pas ?
Vous avez par le passé contribué à mettre en place une nouvelle scène du raï au milieu des années 80 en France. Aujourd’hui, comptez-vous reproduire le même effet au Maroc ?
Oui, aujourd’hui le parti pris consiste à mettre en place un raï «classieux», durable et novateur. Je me rappelle qu’au départ, les Français avaient été très réticents par rapport à l’acception de cette musique. Mais avec un travail minutieux sur ma musique, en y injectant des rythmes divers, mes premières sources d’inspirations comme le rock, le blues, le punk, entre autres, le défi a été largement relevé. En 1989, lors du Concert des potes en France, dont j’étais le parrain d’ailleurs, le public s’est mis à danser et montrer un engouement particulier pour notre musique. C’était une découverte pour eux. Moi, même quand j’étais petit, je regardais l’ensemble du bouquet de la télévision française, il y a tout sur la musique sauf sur le raï et la culture du Maghreb. Il n’y avait qu’une seule émission «Mosaïques», diffusée chaque dimanche matin. Du coup, personne ne la regardait. Et depuis, cette époque, le public a commencé à s’intéresser à notre musique, et les maisons de disques aussi. J’étais même l’un des premiers à signer pour Universal. Mais après, malheureusement avec l’arrivée d’une nouvelle vague de chanteurs de raï, tout a changé. Les maisons de disques ne voulaient plus investir dans cette musique, de peur que cela ne marche pas à l’échelle internationale. Aujourd’hui, après mon retour, mon ambition c’est de renouer avec le succès de ces années de gloire du raï. Mais, à partir du Maroc, cette fois-ci. J’y crois fermement.