Le Matin Emploi : L’Institut des métiers de l’aéronautique (IMA) a pu intégrer, au bout de deux ans et demi d’existence, 700 jeunes dans le marché de l’emploi. Quel bilan en faites-vous ?
Hamid Benbrahim El Andaloussi : Je voudrais tout d’abord rappeler que l’Institut des métiers de l’aéronautique (IMA) est un partenariat innovant et exemplaire entre deux États, le Maroc et la France, et principalement entre deux branches professionnelles, le GIMAS (le Groupement des industriels marocains de l’aéronautique et le spatial) et l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), pour accompagner et répondre aux besoins du secteur aéronautique au Maroc en ressources humaines qualifiées. L’État finance la construction et l’équipement de l’Institut, le GIMAS le pilote dans le cadre d’une gestion pour compte au sein d’une gouvernance paritaire État-Industriels. Depuis son inauguration par S.M. le Roi en avril 2011, l’IMA a déjà qualifié environ 1 200 jeunes, dont 700 en formation ab initio avec un emploi à la fin, le restant en formation continue, à la demande des entreprises. Le retour d’expérience de la part des sociétés qui ont confié à l’IMA la formation de leurs collaborateurs (plus d’une quarantaine, qui embauchent : les sociétés du Groupe Safran, EADS, Bombardier, Ratier Figeac, Zodiac, LISI, le Piston français…) dépasse largement nos attentes du point de vue de la qualité des ressources formées, et la rapidité d’acquisition de leurs nouveaux métiers. Le bilan de cette expérience est largement positif, il dépasse les objectifs initialement prévus pour l’IMA et oblige à anticiper l’extension pour doubler sa capacité et atteindre 1 000 jeunes à former annuellement à partir de 2015, et ce afin d’accompagner une industrie en forte croissance dans le monde et au Maroc (15 à 20% par an). L’objectif étant de doubler la taille du secteur à l’horizon 2020 pour atteindre 20 000 emplois hautement qualifiés.
Quelle est votre approche pour promouvoir la formation aux techniques de construction des avions ?
L’IMA est l’émanation de l’industrie aéronautique, ce n’est pas un centre de formation régalien qui délivre des diplômes sans garantie d’embauche. C’est un centre de qualification qui fonctionne comme un SAS qui assure l’adéquation entre le marché du travail et l’industrie pour trouver des jeunes et les former suivant les normes internationales les plus élevées du secteur. L’IMA est aussi facilitateur pour les industries en matière de ressources humaines qualifiées : il est en relation continue avec les industriels depuis la définition de leurs besoins en formation et la sélection des profils, jusqu’à leur formation-qualification en plus de leur inculquer les fondements de la culture aéronautique. L’expérience réussie à ce jour fait que l’IMA, mesure phare du Plan national d’Émergence industrielle, devient un dispositif structurant pour le développement de l’industrie et pour attirer de nouveaux investisseurs, notamment les PME qui constituent les ¾ du tissu industriel dans le monde. Nous sommes dans une industrie qui connaît une croissance structurelle dans le monde pour au moins une décennie, et dont le développement et la compétitivité sont basés sur l’innovation et les talents. La raison d’être de l’IMA est d’assurer la disponibilité de ces talents au Maroc, et de donner à des jeunes la possibilité de se construire un avenir dans une industrie à la pointe de la
technologie.
Comment définissez-vous vos offres de formation pour les jeunes étudiants ?
L’IMA présélectionne et recrute pour les entreprises, selon les demandes et besoins des employeurs. L’IMA reçoit quotidiennement autour de 40 à 50 CV, travaille avec l’ANAPEC à travers des programmes de sélection de candidats qui font l’objet d’un premier tri, puis des entretiens téléphoniques afin de vérifier le niveau français, si possible l’anglais, et la motivation pour le secteur aéronautique.
Les candidats retenus doivent passer des tests techniques et de comportement pour s’inscrire dans une industrie de la globalisation de grande exigence et de sécurité, avant l’entretien d’embauche avec leur futur employeur, qui les embauche au terme des 5 à 7 mois de formation au sein de l’IMA. La formation est gratuite pour les stagiaires qui sont transportés, hébergés pour le déjeuner de midi et qui reçoivent une petite bourse d’études de la part de leur futur employeur.
Qu’en est-il de la formation continue ?
L’IMA assure également la formation continue au profit des collaborateurs des entreprises travaillant dans le secteur de l’aéronautique. L’institut dispense des formations en middle-management : management de proximité, organisation industrielle, techniques de gestion, dessin industriel…
Ces formations répondent à de réels besoins, pas toujours disponibles au Maroc, actuellement.
La formation continue dans le middle-management accompagne la croissance du secteur et surtout la montée en valeur et en compétence des entreprises.
Nous sommes actuellement en train de développer de nouvelles filières plus pointues, pour perfectionner davantage l’offre de formation, répondre aux besoins des entreprises pour cette catégorie de personnel et ériger l’IMA en accompagnateur des entreprises qui ambitionnent de fabriquer des ensembles plus complexes à plus haute valeur ajoutée, ce qui peut difficilement être réalisé sans la disponibilité de collaborateurs hautement qualifiés et spécialisés.
Nous prévoyons de développer ces nouvelles formations dans le cadre de l’extension de l’IMA, à partir du début 2015, pour des postes d’industrialisation, méthodes, logistique, qualité, Lean management, etc.
Quelles sont, d’après vous, les filières où il y a encore de réels débouchés et de bonnes perspectives d’avenir pour les jeunes ?
Étant donné que l’IMA forme selon les besoins réels des entreprises, on peut dire que les filières de formation proposées sont en adéquation avec les débouchés. Aujourd’hui, l’IMA propose des formations à l’embauche selon le système d’alternance pour les opérateurs et techniciens dans les filières suivantes : Composites, Ajustage/Montage de cellules aéronefs, Chaudronnerie aéronautique, Systèmes électriques en aéronautique et Usinage commande numérique. La durée de la formation adaptée à chacun des métiers s’échelonne de 23 à 42 semaines et comporte un tronc commun de formation à la qualité, à la connaissance du monde aéronautique et des avions, le français, et si nécessaire l’anglais, ainsi qu’aux communications interpersonnelles et à la Sécurité/Environnement.
En complément des formations métiers répondant aux exigences du secteur aéronautique, l’IMA intègre l’enseignement des fondamentaux d’éducation de rigueur et d’engagement professionnel. Les perspectives de formation futures seront dictées par les tendances de construction mondiale, et les besoins locaux qui en découleront. L’avion du futur sera plus électrique et plus en matériaux composites, il nous faudra être présents au cœur de ces métiers et des industries connexes de l’aéronautique : l’électronique embarquée, la sécurité, la défense, les matériaux composites, les services associés : entretien, ingénierie, modélisation, outillages…. Nous devons nous préparer dans le cadre de l’extension à dispenser les formations dans ces domaines pour accompagner quantitativement et qualitativement le développement de cette industrie au Maroc. L’IMA est dans un processus continu d’amélioration, pour aller plus loin, plus vite et plus haut, au service de la compétitivité de la base Maroc et sa pérennité.
Quelle évaluation faites-vous de votre partenariat avec l’Agence française de développement (AFD), l’UIMM et le Groupe Safran ?
Le partenariat avec l’AFD est piloté par le ministère de la Formation professionnelle, avec qui nous avons un partenariat exemplaire, de même qu’avec les départements de l’Industrie et des Finances. La clé de réussite de ce projet réside dans l’apport de chacune des parties prenantes dans son domaine d’expertise. L’État et l’AFD ont porté le projet financièrement, pour mettre à disposition de la société de gestion IMA SA un centre de formation entièrement équipé, et cela dans le respect des exigences des industriels. L’UIMM a apporté son accompagnement dans l’élaboration et le développement des formations. Le Groupe Safran a mis à la disposition de l’IMA des experts depuis la création du centre jusqu’à ce jour pour s’assurer que l’IMA forme conformément aux besoins des entreprises, et contribue à la définition de la stratégie de développement de l’IMA. Le GIMAS porte et pilote l’IMA et son développement. Cette expérience est féconde, elle permet d’assurer l’employabilité des jeunes et l’adéquation entre le marché de l’emploi et les besoins du secteur.
Que vous apporte votre coopération avec le ministère chargé de la Formation professionnelle ?
La coopération avec le ministère chargé de la Formation professionnelle est exemplaire, pour la réussite de cette expérience de gestion par les professionnels de la formation notamment dans les métiers mondiaux du Maroc.
Le ministère de la Formation siège au même titre que les départements de l’Industrie et des Finances au sein du conseil d’administration de l’IMA, à côté des industriels du secteur.
Ce partenariat innovant et fécond permet d’assurer l’employabilité des jeunes et répond aux besoins d’une industrie émergente de haute technologie, qui offre un avenir à nos jeunes et les projette dans le monde de la connaissance.
L’IMA est de l’avis de tous considéré comme une réussite et une source d’inspiration pour d’autres secteurs et d’autres partenariats dans le cadre du modèle de colocalisation industrielle, entre entreprises porteuses de haute technologie, à la recherche de plus de compétitivité, et le Maroc pour la création d’emplois pour les jeunes dans un secteur à haute valeur ajoutée économique et sociale.
