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«Je tiens à respecter le côté authentique et spirituel de ma musique»

Il est des mâalems gnaouis qui nous rappellent pourquoi on aime la musique Gnaoua. Abdellah Boulkheir El Gourd en fait partie. Né en 1947 dans la Casbah de Tanger, ce mâalem est le co-fondateur de Dar Gnawa, avec l’icône du jazz Randy Weston, pour la préservation de la culture «Gnaoua» ou «Tagnaouite» pour les initiés. Situé dans la Médina de Tanger, cet institut est à la fois un musée dédié à cette culture, un centre d'apprentissage pour les jeunes musiciens et un club de musique. Fervent militant de la Gnaoua, Abdellah Boulkheir prépare actuellement une trentaine de «Luhas» qui retracent l’histoire et l’esprit de cette musique à travers les époques.

«Je tiens à respecter le côté authentique et spirituel de ma musique»
Abdellah Boulkheir El Gourd.

Le Matin : Vous êtes l'un des principaux ambassadeurs de la culture gnaouie. Comment se porte ce genre musical, considéré comme un patrimoine immatériel à sauvegarder ?
Abdellah Boulkheir El Gourd : La musique gnaouie accueille, depuis quelques années, à bras ouverts, toutes les sonorités et les rythmes des quatre coins de la planète, notamment grâce au festival Gnaoua et musiques du monde d’Essaouira. Nombreuses sont les fusions réussies entre Gnaoua et les autres musiques. Les résidences ont permis à notre musique d’avoir sa place au soleil, après des années entières où personne ne connaissait les Gnaouas, leur histoire, leurs musiques…
Et depuis, nous avons aussi fait preuve de notre réceptivité, notre ouverture sur l’autre, notre humanité et notre humilité. Autre point fort dans la musique gnaouie, contrairement à plusieurs autres genres d’arts populaires, la relève est assurée. Et il y a un grand travail fourni par les mâalems dans ce sens en étroite collaboration avec les artistes.

Justement, s’agissant de sauvegarder cette tradition, votre maison, Dar Gnawa de Tanger, joue un rôle important. Quelle est la particularité de cet institut ?
«Dar Gnawa» est l'un des rares endroits au monde où l'amateur peut trouver renseignements et enseignements sur la culture gnaouie, la rythmique de sa musique et sa riche philosophie.
Au départ : une mission, préserver l’art de tagnaouite. Pour mieux œuvrer pour la sauvegarde de ce patrimoine immatériel, je me suis associé à Randy Weston, une légende vivante du jazz avec qui j’ai toujours collaboré depuis 1967. Tous deux passionnés de Gnaoua, nous avons décidé d’édifier Dar Gnawa, en 1980 au cœur de la Médina de Tanger.
Il s’agit d’un musée de «tagnaouite», un centre d'apprentissage pour les jeunes musiciens et un club de musique.

Vous avez assez d’expériences en matière de fusions. Y a-t-il un genre musical que l’on peut facilement adapter à la musique gnaouie ?
Je considère que la musique gnaouie est une musique mère. C'est-à-dire une musique de base. Dans ce sens, elle est un peu comme le blues et le jazz que l'on retrouve dans plusieurs autres styles de musique.
C’est une musique africaine, vivante, intense et dont la cambrure rythmique est très riche.
Et une ode lumineuse au continent noir. C’est pour cela aussi que de grands artistes s'y intéressent de plus en plus et poussent leurs recherches sur la féline souplesse de cette musique et sa capacité d’adopter toutes les sonorités du monde.

Votre musique peut donc fusionner avec d’autres univers plus lointains ?
Oui, bien sûr ! Je me rappelle qu’en mai 1999, la troupe française de spectacle vivant, les Barbarins Fourchus, est venue s'installer quelque temps à Tanger pour travailler sur un spectacle avec le groupe de Dar Gnawa. C’était, au final, un parfait mélange entre les acrobaties, la chanson française et la musique gnaouie. Ce résultat a même fait l'objet d'un film mi-documentaire, mi-fiction de Mohamed Choukri appelé «Mosso Mousso». La même année, en septembre, Randy Weston, le Nigérian Babatunde Olatunji, une poignée de virtuoses américains et moi-même avions donné un concert de fusion à l'église presbytérienne Lafayette à Brooklyn (New York). Ce concert a même été enregistré et commercialisé quelques mois plus tard sous le nom de «Spirit The Power of Music».

Comment arriverez-vous à le faire sans perdre l'âme de votre musique ?
J’ai appris beaucoup de choses de base. Et chaque fois que je collabore avec un artiste d'un autre univers musical, je tiens à respecter le côté authentique et spirituel de ma musique. Je n'y touche pas, je ne le transgresse pas. Et cela est connu de tout le monde.

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