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«La bureauphobie peut être le résultat d’un mal-être au travail»

Que ce soit dans les grands groupes ou dans les petites structures, la bureauphobie ou le mal-être au travail est un phénomène qui se développe de plus en plus chez les employés.
La bureauphobie est une expression qui se compose de deux concepts, bureau qui veut dire un lieu de travail et phobie qui est une crainte angoissante injustifiée d’une situation.
De ce fait, la bureauphobie serait «la crainte liée à la hiérarchie, une situation ou même des conditions de travail».
Pression psychologie, violence verbale, surcharge au travail, manque de reconnaissance… plusieurs raisons aujourd’hui font que la vie d’un employé au travail soit de plus en plus difficile à gérer, voire impossible. Comment donc le phénomène de la bureauphobie se manifeste-t-il chez les employés ? Comment s’en sortir et mieux vivre en entreprise ?
Le point avec Leila Naim, professeur chercheur, experte en communication comportementale et relationnelle.

«La bureauphobie peut être le résultat d’un mal-être au travail»
Leila Naim • Professeur chercheur, experte en communication comportementale et relationnelle.

Le Matin Emploi : Quelles sont, selon vous, les raisons qui peuvent causer la bureauphobie ? Peut-on la considérer comme une résultante d’un mal-être au travail ?
Leila Naim : La bureauphobie est un phénomène qui se développe de plus en plus et qui peut effectivement être le résultat d’un mal-être au travail. En effet, de nombreuses raisons y concourent. Tout d’abord, la surcharge de travail est une cause principale de la bureauphobie et de l’instabilité d’un collaborateur. Dans une société où l’hyperactivité est valorisée, il est fréquent qu’un manager demande à un employé de réaliser des tâches qu’il n’a jamais eu l’habitude de réaliser, de remplacer et donc de faire le travail de quelqu’un d’autre en plus de son travail initial…, des situations dont on entend souvent parler et qui font qu’un employé vit un mal être au bureau. À cela s’ajoute, le manque de reconnaissance, le sentiment d’être délaissé, négligé, non écouté, par la hiérarchie et non impliqué dans les décisions de l’entreprise sont des situations souvent vécues en entreprise et qui peuvent causer la bureauphobie. Ensuite, il y a la latitude des processus de décision, prenons l’exemple d’un cadre qui est censé prendre des décisions de par sa fonction et son poste, mais dans la réalité, il ne fait qu’exécuter les ordres de la hiérarchie tels qu’ils sont sans même avoir le droit d’en discuter, alors qu’en cas de problème, on le responsabilise.

Comment peut-on alors imaginer que ce cadre-là puisse s’épanouir dans son travail ?
On peut aussi affirmer que certains problèmes liés à la communication interne ou managériale en entreprise sont une cause de la bureauphobie : la violence verbale qui est un élément très perturbateur du bien-être au travail, la circulation de l’information et je peux citer ici l’exemple d’un employé qui n’a pas eu telle ou telle information pour une raison ou une autre, il se sent ignoré et commence à se poser diverses questions sur son utilité en entreprise, le respect des autres envers lui et commence alors à se construire de fausses idées et de fausses pensées négatives ce qui se répercute sans doute sur son bien-être et son rendement au travail. Un simple oubli donc d’ajout d’un destinataire dans l’envoi de la newsletter ou d’un mail professionnel peut avoir des tournures catastrophiques.

Comment se manifeste la bureauphobie ?
La bureauphobie est une usure qui trouve sa source dans le cadre professionnel, le stress subi quotidiennement au travail. Il s’agit d’un processus qui peut avoir différents degrés de gravité. Toutefois, on n’est pas obligé d’aller jusqu’au bout pour rebondir, sachant que l’évolution de la bureauphobie est relativement très lente. La particularité de ce phénomène c’est que bien souvent, la personne qui en est atteinte ne s’en rend pas compte tout de suite, elle va avoir tendance dans un premier temps à en faire beaucoup, à penser sans cesse à son travail, se rendre toujours disponible et prendre un rythme effréné sans forcément le réaliser, elle va donc perdre contact avec elle-même, s’oublier, et finir par ne plus tenir compte de ses limites. Jusqu’à un jour où elle perd le contrôle, arrive au bout de son épuisement et on peut entendre facilement «je n’en peux plus». La bureauphobie a d’abord un impact sur la santé psychique de l’individu, cela se traduit par une perte de contrôle des émotions et notamment une grande nervosité, des sautes d’humeur et des crises de larmes.
D’autres signes physiques de la bureauphobie peuvent se manifester et je cite : la fatigue, les abattements, le sentiment de manque de chance, la perte d’estime de soi, le découragement, la perte de concentration et d’efficacité… Et plus la personne, perd en efficacité, plus elle va travailler et plus elle va se sentir fatiguée et découragée… Il s’agit au fait d’un cercle vicieux d’autant plus que cette personne victime de la bureauphobie n’ait pas le courage de dire non quand il le faut. Les signes de la bureauphobie ressemblent au fait à ceux d’une grosse fatigue ou d’une dépression et il est souvent difficile de faire la différence entre les deux. Toutefois, les signes de ce malaise se multiplient et durent dans le temps, la personne passe ainsi par une période de sur engagement inefficace avant une rupture brutale.

En tant que coach, quels sont vos conseils et solutions pour sortir l’employé de cet état d’esprit ?
Tout d’abord, identifier et repérer les lieux, les situations, les tâches ou les personnes qui créent pour vous un sentiment de lourdeur, de malaise et de fatigue. Ensuite, essayer de les changer, de les éviter et de changer son attitude. Or si certains lieux s’avèrent impossibles à changer et on ne peut rien y faire, autant les accepter au lieu de perdre son énergie à tenter de casser un mur. Les conseils que je donne souvent dans mes conférences sont comme suit :
• Ne pas se focaliser sur ce qui est stressant, mais plutôt sur la façon de prendre soin de soi, de chercher à se ressourcer au travail en prenant des petites pauses de temps à autre, il suffit de bouger un peu en s’étirant, en montant les escaliers ou même en faisant une petite promenade, tout est question d’organisation dans le temps et l’espace, rester statique, surtout derrière un écran d’ordinateur ne veut pas dire qu’on est productif et ne fait qu’accumuler les tensions.
• Si malgré une bonne organisation, la charge de travail reste trop importante pour la personne et impossible de la supporter, et bien la solution qui reste c’est d’en parler à son employeur : la réorganisation, l’embauche d’une personne supplémentaire ou d’autres solutions RH peuvent s’avérer indispensables.
• Je conseille souvent aussi d’apprendre à relativiser, à lâcher-prise surtout sur des choses sur lesquels nous n’avons aucun contrôle, trouver du temps pour soi afin de faire quelque chose qui nous plait et qui sera bon pour notre détente : sport, danse, relaxation, massage…
• Pour ce qui est du management, le rôle du manager s’avère d’une très grande importance dans l’instauration de la convivialité au travail et ce en permettant par exemple aux employés de (re)nouer des relations au-delà des attributions hiérarchiques à travers, par exemple, la célébration des évènements sociaux dans l’entreprise, les teams building, le coaching d’équipes.
• Un dernier conseil, avant de prendre une décision, surtout si le malaise n’est pas clairement défini, mieux vaut bien réfléchir. 

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