Le Matin Eco : Les sites de deals s’essoufflent, est-ce un problème de business-model ?
Nabil Sebti : Lorsque Mydeal était encore en activité, nous avions déjà pressenti que le segment de l’achat groupé ou deal allait s’épuiser. Les raisons tenaient au business-model du deal lui-même. La rentabilité ne peut être atteinte que sur la base de volumes conséquents de deals et de transactions afférentes à ces promotions. Cela signifie, et étant donné la structure du marché marocain, que c’est un segment de marché qui ne peut fonctionner qu’en situation monopolistique forte. Autrement dit, un grand leader et quelques suiveurs. C’est ce qui explique notamment la stratégie du leader mondial Groupon dans les premières années de son activité. Ce dernier rachetait tous les suiveurs qui arrivaient à se faire une place. Au Maroc, l’on compte au moins 3 grands acteurs sans aucun signe de consolidation à venir. Il s’ensuit une pression concurrentielle telle que la qualité de service offerte par les sites de deals s’est dégradée.
Selon vous, peut-on envisager de meilleurs jours pour le secteur d’ici 3 à 5 ans ?
Améliorer le service nécessite des investissements en capital humain qui retarde encore plus les seuils de rentabilité. Cette dégradation est à lire au travers d’une analyse des «forces du marché». Les commerçants partenaires ont ainsi gagné en pouvoir de marché ou pouvoir de négociation. Ils ont imposé des rythmes de paiements rapides qui ont rendu le modèle de rentabilité encore plus difficile à assumer sans que la disponibilité des liquidités suive. J’estime par ailleurs que des commerçants ont détourné la valeur ajoutée première des sites de deals et ont donc mal utilisé ces derniers ou, tout du moins, les ont utilisés pour servir les mauvais objectifs.
Les cas de fraudes, d’arnaques et de faux prix se sont rapidement développés. Tout cela a porté préjudice aux marchands, mais surtout aux consommateurs. Le modèle «win-win-win» a ainsi été rompu. C’est enfin sans compter les phénomènes de «passager clandestin» qui ont beaucoup contribué à la dégradation de l’offre des sites de deals. Il s’agit notamment de tous ces comportements de détournements où le consommateur traite directement avec le commerçant. Dans une telle configuration, et pour répondre à votre question, il est difficile d’envisager des jours meilleurs sur un horizon de 3 à 5 ans.
Les sites de deals ont-ils permis de changer les mentalités quant au e-commerce ?
Le tableau n’est pas si noir. Les sites de deals ont largement contribué à la normalisation du paiement en ligne. Ils ont aussi démontré par les faits que les commerces de proximité peuvent profiter du canal internet pour gagner en visibilité, mais aussi et surtout pour vendre. Ils ont constitué pour certains deux actifs importants que sont, d’une part, une large base de données de consommateurs en ligne et, d’autre part, une base de données de commerces partenaires. Ils peuvent encore faire basculer leur activité vers d’autres business-models. Paradoxalement, c’est un acteur comme Jumia qui a su saisir cette opportunité en lançant notamment Kaymu. Il y a aussi le segment hôtellerie sur lequel le positionnement des acteurs de deals est non négligeable. Reste que ce segment est régi par un cadre réglementaire contraignant et qui n’intègre pas ou mal le canal internet.
Après Mydeal, où en est l’aventure Nabil Sebti et quels sont vos projets à venir ?
Je ne répondrai pas aux questions relatives à Mydeal Tickets, pour des raisons évidentes. Aujourd’hui, je m’occupe de Family Web Company, une société que j’ai créée et que j’essaie de développer. Une sorte de laboratoire d’idées à travers lequel j’ai donné naissance au portail NssNss.ma et d’autres services à venir comme Miziqa.com ou encore Mootinerie.com.
