Y a-t-il du pétrole au Maroc ? Voilà une question qui taraude bien des esprits. On serait tenté de répondre par l’affirmative, car du pétrole, mais aussi du gaz ont déjà été découverts au Maroc. En 1923, un gisement d’huile a été découvert à Aïn Hamra dans le bassin du Gharb. Du pétrole et du gaz ont aussi été découverts dans le Pré-rif et Sidi Fili durant les années 1950. Dans les années 1980, quelque 9 millions de barils de pétrole et 35 milliards de pieds cubes de gaz sont extraits des bassins d’Essaouira et du Gharb.
Ceci sans parler des découvertes à Meskala et des accumulations de gaz biogénique dans le bassin du Gharb.
Oui, l’histoire de l’exploration pétrolière au Maroc compte bel et bien des découvertes de gisements pétroliers. Mais point de «découverte majeure». La cause ? Notre pays demeure sous-exploré. Les 900.000 km2 de bassins sédimentaires existants n’ont fait l’objet que de 313 forages d’exploration jusqu’à maintenant. Une superficie qui reste très insignifiante, comparée à la superficie totale et aux potentialités des bassins sédimentaires marocains. En effet, la densité de forage ressort à 0,05 puits/100 km² contre une moyenne mondiale de 10.
S’armer de patience
Il n’empêche, l’optimisme reste de mise. Ces trois dernières années, le marché de l’exploration pétrolière marocain connaît un engouement sans précédent. Les investissements dans le secteur vont quasiment doubler cette année par rapport à 2013, pour atteindre 5 milliards de DH. Alors qu’elles étaient peu nombreuses à vouloir s’aventurer dans un marché frontière au début des années 2000, aujourd’hui 34 entreprises internationales opèrent au Maroc, dont 3 majors (Total, British Petroleum et Chevron). De même, plus de 30 forages sont programmés entre 2013 et 2014. Un record dans l’histoire de l’exploration pétrolière du pays. «Le Maroc connaît une relance sans précédent depuis 2000, notamment dans l’offshore profond qui présente des analogies avec des régions productrices comme le golfe du Mexique et l’Afrique de l’Ouest où des découvertes majeures ont été réalisées ces dix dernières années en eau profonde. À fin 2013, 34 sociétés pétrolières internationales, parmi lesquelles des majors, des super indépendants et des indépendants, opèrent dans différentes régions du Maroc aussi bien en offshore qu’en onshore. Les résultats prometteurs des travaux réalisés et engagés par nos partenaires notamment en matière d’acquisitions sismiques 3D et 2D et de forages de puits, ont permis d’identifier des prospects et favorisé l’augmentation des investissements dont le montant atteindra 5 milliards de DH en 2014», déclare Abdelkader Amara, ministre de l’Energie, des mines, de l’eau et de l’environnement.
Une recrudescence des activités d’exploration salutaire, mais qui demande toutefois de la patience. Car l’annonce d’une découverte majeure n’est pas l’affaire de quelques mois, voire quelques années. En tout cas, de l’avis d’Amina Benkhadra, DG de l’Office national des hydrocarbures et des mines (Onhym), la prudence doit rester de mise. Cet engouement est très bénéfique pour le Maroc, mais il ne faut pas s’emballer et croire qu’une découverte devrait émerger du sous-sol très bientôt, selon elle. «Personne n’a jamais dit que la recherche et le développement des ressources de pétrole et de gaz seraient faciles. Il a fallu quatre années de puits secs pour que Chevron découvre le pétrole à Dammam en Arabie saoudite. Le champ d’Ekofisk en mer du Nord a été découvert après le forage de 200 puits. Le domaine Pineview dans les Rockies a été découvert après le forage de 500 puits secs dans la zone d’exploration d’environ 1.500 km². De même, dans une période récente, il a fallu 70 puits de forage avant que Jubilee au Ghana soit découvert.
Aucune de ces découvertes n’aurait été faite sans la persistance et la persévérance du partenariat», avertit Benkhadra. C’est dire que ce secteur très capitalistique est de longue haleine. En fait, les majors, réputés plus prudents, ne s’aventurent pas dans l’exploration dans des régions où il n’y a pas encore eu de découvertes majeures. Pourtant, au Maroc, quelques-uns ont choisi d’y investir, faisant confiance aux potentialités d’une région encore vierge et dont les bassins sédimentaires recèlent certainement de grandes quantités d’or noir. Le Maroc se situe à la fin de la couche pétrolifère venant du Moyen-Orient. «Il faut savoir qu’au Maroc, il y a eu le mouvement alpin avec les montagnes du Rif et l’émergence de l’Atlas. Ces derniers ont perturbé la continuité de cette couche. Ainsi, ce mouvement l’a poussé vers l’océan et vers le Sud. En offshore et au sud d’Agadir en particulier, le champ est ouvert à des gisements plus importants en termes de volume et de taille», nous avait récemment déclaré Benkhadra dans un entretien.
C’est d’ailleurs pour cela que le bassin offshore situé au sud d’Agadir est l’un des plus plébiscités par les compagnies pétrolières. C’est à partir de l’offshore profond, nécessitant des moyens colossaux et des investissements importants, que le Maroc pourrait peut-être trouver le fameux sésame. Ainsi, pour inciter les compagnies à venir investir dans cette partie du monde, le Royaume n’a pas lésiné sur les moyens de persuasion, notamment son code des hydrocarbures.
Pour rappel, celui-ci limite la part d’intérêt de l’État à 25% au maximum tout en accordant des exonérations d’impôt, taxes et droits de douanes et en favorisant le principe de co-titularité dans toutes les phases de permis de recherche. «L’objectif est de permettre aux investisseurs de partager les risques dans une opération hautement capitalistique et fortement risquée qui est l’exploration des hydrocarbures», estime pour sa part Amara.
C’est à cette équation de risque et de viabilité commerciale que le Maroc a vraisemblablement su répondre. Et grâce aux efforts de promotion de l’Onhym, le Royaume a pu drainer en quelques années des investissements jamais réalisés auparavant. Des investissements qui vont s’inscrire en hausse grâce à cet effet d’entraînement enclenché depuis près de trois ans. De 45 permis de recherche en 2000 à plus de 142 actuellement, le Maroc peut se targuer d’être l’une des destinations d’exploration les plus en vue actuellement. Une destination pratiquement vierge où l’exploration pétrolière ne fait que commencer.
