C’est dans le cadre de la célébration de l’Année de l’Afrique que la Fondation ONA et la Fondation CDG ont organisé une résidence-atelier, du 23 mai au 1er juin dernier, dans ce village situé à l’est de Marrakech.
Un endroit magnifique où les quatorze artistes se sont rencontrés et ont partagé beaucoup de choses, comme l’a bien souligné l’historien sénégalais Pape Toumane Ndiaye qui a énormément apprécié les œuvres nées de cette résidence. «Le choix du site n’était pas fortuit ; loin du bruit et de la fureur de la ville, entouré d’oliviers, de palmeraies et de cactées en fleurs, de sources qui bruissent doucement, le cadre est propice à la créativité. Les résidents y ont travaillé, selon leur bon vouloir, entre flâneries et discussions “à pinceaux rompus”. Les artistes aiment que leur inspiration procède d’une impulsion et non de la nécessité». Et d’ajouter que, sans nul doute, ces artistes ont pris plaisir à travailler, car les œuvres créées en cette occurrence témoignent d’une puissante expression. «Pour emprunter au vocabulaire de l’obstétrique, qui est aussi un art, on peut dire que les tableaux et sculptures des résidents ont été les fruits d’une procréation assistée par l’environnement.
En effet, les états émotionnels que ces œuvres dégagent montrent qu’elles ont été engendrées dans la joie et la fraternité. Il suffit de quelques mots pour que l’on se connaisse et se reconnaisse. Et puis, l’art est le plus court chemin d’un homme à un autre», précise Pape Toumane Ndiaye. Peintures, sculptures, gravures et photographies sont l’aboutissement de ce séjour partagé entre ces artistes venus de différents horizons du même continent africain, dont chacun s’est exprimé à sa manière, mais toujours avec l’impression d’appartenir à cette terre d’Afrique. Entre discussions, débats et confidences, des œuvres ont pris forme et dévoilent beaucoup de sensations fortes. «Cette résidence entre artistes du Maroc et d’Afrique subsaharienne m’a confrontée au sentiment d’africanité.
Il me semble que nous l’avions tous expérimenté, mais différemment d’un artiste à l’autre. Ce sentiment demeure pour moi, celui d’une lumière chaude et vive, du noir, du bleu, du rouge et tous les ocres ; c’est un rythme qui fait l’éloge de la lenteur, une vraie temporalité qui résiste encore à la cadence effrénée du monde technique. Mon africanité est une énergie vitale intense et jeune toujours à l’écoute attentive des anciens. Elle est, également une prise de conscience de l’histoire tragique d’un continent, interrompue et blessée. Et outre cela, je ressens l’africanité aujourd’hui comme l’appartenance à une Afrique contemporaine, dynamique et ouverte à tous les possibles, loin des clichés et du folklore, une Afrique riche de ses héritages intrinsèques, ses traditions vivantes, mais aussi d’inventions et d’échanges avec le monde», atteste Rim Laâbi, artiste plasticienne et chercheur en Art, docteur ès arts plastiques et sciences de l’art de la Sorbonne, qui n’a pas manqué de nous faire part de ses sentiments vis-à-vis de ce qu’elle a vécu pendant ce séjour à Tighdouine. «Vivre l’art ensemble a élargi mon horizon ; plus encore, cela m’a arrachée à ma particularité de Marocaine et d’Africaine jusqu’à rentrer davantage dans l’humanité. Elle est celle de l’universalité qui laisse entrevoir à l’Homme la possibilité de se penser en son sein et d’avoir une autre attitude vis-à-vis des Hommes et du monde, que celle du déterminisme proprement sensible». Une réflexion qui a son poids de la part d’une grande artiste et chercheur dans le domaine des arts plastiques.
