Au cœur de la Médina de Fès, la place Seffarine demeure l’une des plus grandes attractions pour les visiteurs nationaux et internationaux.
Authentique et dotée d’un grand charme, cette place préserve jalousement l’un des métiers traditionnels les plus anciens de la ville de Fès : la dinanderie. Entre coup de marteau et coup de polissage, les dinandiers et chaudronniers regroupés autour de cette place offrent un spectacle attrayant, animé par un enchaînement de sons et de rythmes qui ne laissent personne indifférent. Mais au-delà de cette image féérique, le secteur de la dinanderie traverse une crise sans précédent qui pourrait le condamner à disparaître dans une dizaine d’années, comme l’indique avec un pincement au cœur Mokhtar El Fasiki, «Amine» de la Corporation des dinandiers de Fès. «La dinanderie qui a vu le jour à l’époque des Mérinides, fait partie intégrante du patrimoine culturel et social de Fès. Depuis des générations, les ustensiles en cuivre et en laiton (théières, plateaux, lave-mains, chaudrons, couscoussiers, alambics, plats à pastilla, etc.), ont accompagné les Fassis au quotidien, lors des mariages, des baptêmes et autres fêtes et célébrations. Malheureusement, depuis quelques années, ce secteur est à l'agonie, avec des commandes de plus en plus rares et des artisans qui se retrouvent en majeure partie au chômage».
Ahmed, dinandier, déplore la détresse dans laquelle vivent actuellement les artisans dinandiers, précisant que ses confrères sont devenus des travailleurs occasionnels, vu la rareté des commandes. Certains préférant s’adonner à des activités plus sûres et plus lucratives. Pour expliquer cette situation alarmante, l’Amine des dinandiers de Fès pointe du doigt la flambée des prix des matières premières. «Depuis 2006, le prix du cuivre, à titre d’exemple, est passé de 50 à 100 DH le kilo, soit une augmentation de 100%. Les prix des produits chimiques, de leur côté, sont montés en flèche (le prix du cyanure d’argent est passé de 4 000 DH à 15 000 DH le kilo). Pour ce qui est des chdaya (chutes de ferraille) qui servent à fabriquer des parties spécifiques des produits de dinanderie, elles n’ont pas été épargnées par cette hausse des prix, puisqu’elles coûtent aujourd’hui 40 DH/kg, contre 20 DH/kg en 2006», explique-t-il.
D’après lui, cette augmentation excessive des coûts des matières premières a entrainé une hausse vertigineuse des prix des produits de dinanderie. «Vu que le pouvoir d’achat national et international est de plus en plus faible, les ventes des produits de dinanderie ne peuvent être qu’en chute libre», indique-t-il. Et d’ajouter : «Malgré les efforts déployés pour innover les produits (design et motifs décoratifs) et répondre aux goûts des clients et aux exigences du marché, les ventes peinent malheureusement à décoller».
Selon Mokhtar El Faziki, la seule lueur d’espoir pour le secteur reste le pôle artisanal Aïn Nokbi qui a vu le jour en avril dernier et qui contribue, depuis, à améliorer sensiblement les conditions de travail des artisans dinandiers de Fès.
«Les artisans, installés auparavant à la place Lalla Yeddouna et dans les ruelles avoisinantes, travaillaient dans des conditions lamentables, entassés dans des petits ateliers qui manquaient d’hygiène et d’aération.
Le déplacement au quartier Aïn Nokbi a permis aux artisans dinandiers de se retrouver dans des locaux plus spacieux et plus aérés et de travailler dans des conditions meilleures, avec des techniques de production modernes et plus propres. Le pôle artisanal Aïn Nokbi, qui a vu le jour en partie grâce à la contribution du Millennium Challenge Corporation, vise, à travers la réinstallation des artisans de la place Lalla Yeddouna dans l’ancienne médina, la protection de l’oued Sebou contre les rejets polluants des activités artisanales. Il doit contribuer à la mise à niveau et à la restructuration des métiers de la dinanderie et de la tannerie, ainsi qu'à l’amélioration de la qualité des produits de l’artisanat.
