Un choix motivé par de multiples raisons, comme le souligne le président du Festival, Faouzi Skali, qui trouve que le séjour d’Ibn Arabî à Fès à plusieurs reprises et son attachement à la Mosquée Al Azhar «montrent tout l’intérêt que nous avons aujourd’hui à nous mettre sur les pas de ce guide spirituel pour comprendre le legs de l’une des pensées les plus fécondes et les plus essentielles de l’enseignement du soufisme et de la sagesse universelle». Sachant que le Maroc est très ancré dans la tradition et la culture soufies qui se traduisent à travers son riche patrimoine matériel et immatériel.
Al Masjid al Azhar, à Fès, dans le quartier de Ayn al Khayl, est l’un de ces lieux historiques profondément liés à la mémoire d'Ibn Arabî. «Notre histoire religieuse est inséparable de cette tradition et de cette culture spirituelle. La question est comment intégrer ce patrimoine de valeurs, de sagesse et de spiritualité, mais aussi d'art, de poésie et de littérature de manière à ce qu'il puisse continuer à irriguer et féconder notre société et notre culture. Cette interrogation est l'objet même de ce Festival», précise Faouzi Skali qui estime, à travers le choix d’Ibn Arabî, présenter tout un voyage dédié à la parole et à l’enseignement de cet homme hors pair. Des conférences, des tables rondes et autres concerts, pour faire découvrir la pensée spirituelle et l’œuvre poétique d’Ibn Arabî, sont ainsi minutieusement préparés à cet effet. Sans oublier pour autant l’invitation de spécialistes pour y participer et apporter de leur savoir sur cette personnalité incontournable du soufisme de par le monde. Muhyi ad-Dîn Ibn Arabî (1165-1240), de son vrai nom, ou encore «le plus grand maître» (Ash-Shaykh al Akbar) est l’auteur le plus complet et le plus profond de la tradition spirituelle du soufisme, vu le grand nombre d’ouvrages, plus de 400, qu’il a laissés et la renommée universelle à laquelle il est arrivé grâce à sa sagesse et sa pensée illuminée. La huitième édition du Festival de la culture soufie lui consacre, de ce fait, toute une programmation où la présentation détaillée de son parcours et de son œuvre guideront les festivaliers «Sur les pas d’Ibn Arabî» et mettront en exergue sa pensée vis-à-vis de la femme, de la «Fatwwa» dans ses écrits, puis l’influence de sa pensée et de son œuvre du Machreq au Maghreb et leur présence contemporaine. Les journées et les nuits de cette édition seront éclairées par la participation des principales Tariqas du Maroc (Tijaniya, Chadhiliya, Qadiriya, Wazzaniya, Charqawiya ...) et quelques confréries invitées de différentes régions du monde en particulier la Tariqa Naqchbandiya de Turquie et la Tariqa Qadiriya de Bosnie-Herzégovine. Différents concerts spirituels du Samaâ d’Orient et d’Occident et de tradition arabo-andalouse sont également programmés. Un beau périple sur les pas de ce grand savant soufi de tous les temps
Questions à Faouzi Skali Président du Festival de Fès de la culture soufie
«Cet événement conforte le positionnement du Maroc dans le dialogue interculturel entre l’Orient et l’Occident»
Arrivé à sa huitième édition, comment évaluez-vous l’évolution du Festival ?
À vrai dire, chaque édition est une nouvelle exploration de la culture soufie considérée comme un patrimoine spirituel, intellectuel, artistique et social. Cette exploration est très souvent liée à une thématique et/ou à une personnalité. Par le passé, nous avons par exemple évoqué des personnalités telles qu'Ibn Atâ Allah, Ibn Khaldûn ou, pour évoquer un personnage contemporain, Mohammed Iqbâl.
L'édition de cette année est dédiée à une personnalité soufie et un auteur qui occupe une place centrale dans toute l'histoire du soufisme et dont l'œuvre constitue sans doute l'élaboration la plus aboutie de sa doctrine, Ibn Arabî.
Par quoi se manifeste le plus la grandeur de par érudit ? Est-ce par son œuvre ou à travers ses voyages ?
Les deux. Car, outre la production d'une œuvre, d'une richesse et d'une profondeur sans équivalent, Ibn Arabî a beaucoup voyagé de l'Andalousie, d'où il est natif, au Maghreb, et notamment à Fès où il a accompli plusieurs séjours, puis en Arabie, en Égypte, en Irak, en Syrie, en Anatolie... Se mettre sur les pas d'Ibn Arabî, c'est emprunter un parcours émaillé d'enseignements, de rencontres, d'expériences spirituelles. C'est à la fois un parcours géographique qui nous renseigne sur la vie intellectuelle et spirituelle de l'époque et nous introduit incidemment dans différents milieux culturels, sociaux, politiques, mais c'est aussi en soi la découverte d'un voyage initiatique qui nous fait découvrir l'une des épopées les plus riches et les plus profondes de tous les temps.
L'œuvre d'Ibn Arabî a eu une postérité immense jusqu'à nos jours. De nombreux travaux dans toutes les langues lui sont toujours consacrés. Cette édition sera l'occasion de rendre hommage à Souad al-Hakim, ancienne rectrice de l'Université de Beyrouth dont les travaux sur le lexique d'Ibn Arabî constituent une référence en la matière.
Vous appelez à la fondation d’une Université de la culture soufie. Quel rôle jouera-t-elle d’après vous ?
L'Université de la culture soufie devrait reprendre l'ensemble de ces perspectives, les approfondir et les développer d'une manière durable. Elle serait liée à un grand nombre de centres de recherches, d'instituts, mais aussi de centres spirituels dans le monde entier, avec un programme de séminaires ouverts à la fois à un public national et international. Le Maroc est placé d'une manière exceptionnelle de ce point de vue là et je pense qu'une telle expérience serait la première de ce genre dans le monde musulman aujourd'hui.
