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Le boulevard Achouhada débarrassé des marchands ambulants

L’ensemble des étalages et baraques installés de façon illicite a été rasé au cours de cette semaine. Près de 2.000 commerçants sont concernés par cette opération. Reportage.

Le boulevard Achouhada débarrassé  des marchands ambulants
Les multiples plaintes des habitants sont derrière la décision de libération du domaine public occupé antérieurement par les «ferracha».bPh. Seddik

Jeudi 9 octobre au quartier Hay Mohammadi. Le boulevard Achouhada qui mène à la «Kissaria - Hay Mohammadi» est vide. Un paysage inhabituel de cette artère qui regorge d’habitude de vie. Les vendeurs, plus précisément les propriétaires d’étalages (ferracha), ainsi que leurs tables, ont tout bonnement disparu. «Les commerçants ne sont pas en vacances de Aïd Al-Adha. Leurs étalages ont été enlevés suite à une décision des autorités locales», nous confie un habitant de Carrières Centrales. Ce bidonville abritait aussi des «baraques-commerces» qui ont été rasées. «L’opération de démolition a concerné les tables des “ferracha” ainsi que les taudis sans numéro installés ou plutôt rajoutés de manière illicite», explique Said Atik, président de l’association Chihab, qui défend le droit des habitants des Carrières Centrales à avoir un logement décent.
En effet, les bulldozers ont débarqué en début de semaine sur les lieux. Accompagnés par les forces de l’ordre, leurs conducteurs avaient pour instruction de raser les tables des «ferracha», les installations occupant le domaine public, ainsi que les baraques qui ne sont pas fichées sur les listes de la préfecture. «Les personnes concernées ont reçu la visite d’une commission présidée par le maire de la ville, Mohamed Sajid, avant l’Aïd. Ce dernier les a prévenus de l’ordre de destruction et leur a donné un ultimatum de trois jours après la fête du sacrifice pour libérer l’espace. Une décision qui a été respectée par tous», apprend-on d’un habitant de Carrières Centrales.

Vu les conditions dans lesquelles ce sont passées les démolitions, on constate que les intéressés se sont pliés à la décision de la commune urbaine et des autorités locales. À l’opposé des images habituelles marquant les opérations de démolition et d’éradication des «ferracha», aucun sit-in n’a été organisé sur place. Il a suffi d’une décision pour «chasser» près de 2.000 personnes installées depuis plus de 40 ans au boulevard Achouhada. Il faut dire que les bulldozers étaient aussi sans pitié. Ils ont entassé les morceaux de bois qui servaient jusqu’à la semaine dernière d’étalages pour fruits, légumes, pain, ustensiles de cuisine, produits alimentaires, vêtements… Ces engins protégés par quelques unités des forces de l’ordre se sont également «infiltrés» dans des baraques-commerces fermées en forçant les morceaux de zinc et rideaux qui servaient de portes.
Face à cette image, les commerçants n’ont tout de même pas pu s’empêcher de se lamenter sur leur sort. Certains d’entre eux ont déploré des pertes financières. «Certains commerçants ont laissé leurs marchandises au sein des magasins. Mais, ils sont les seuls responsables des dégâts puisqu’ils étaient avisés», affirme l’un des concernés. Malgré l’impression de soumission qui se dessine sur les visages au Hay Mohammadi, un goût d’amertume règne sur les lieux.

Ressources informelles

Une amertume qui pourrait se traduire en colère une fois les vacances de l’Aïd Al Adha terminées. Il est à noter que la population de ce quartier mythique de la capitale économique est connue pour son dynamisme. La majorité des familles vivent des ressources du commerce informel. «Certes, une grande partie des commerçants du boulevard Achouhada ont fait fortune durant les années passées grâce à une activité qui ne nécessite pas le paiement d’impôt ou de loyer, mais plus de 1.000 personnes n’ont aucune autre ressource financière à part le commerce informel. Cette partie des vendeurs a des familles, des enfants scolarisés, des malades… à prendre en charge, souligne le président de l’association Chihab. L’interdiction des “ferracha” ne fera qu’augmenter le taux de crime dans la région». Et d’ajouter qu’il faut penser à une solution radicale au lieu d’une interdiction qui risque d’être temporaire. Il est à noter que le projet d’un marché pilote construit par les responsables de la ville près du marché de volaille pour abriter les «ferracha» du Hay Mohammadi a été voué à l’échec. Son emplacement n’a jamais séduit les commerçants concernés. Pour sa part, l’association Chihab avait proposé en 2008 de déloger les vendeurs ambulants de «Kissariat-Hay Mohammadi» au quartier Lahraouyine près des logements et lots de terrain octroyés aux habitants de Carrières Centrales.
Cette même association avait également proposé une délocalisation derrière l’hôpital Mohammed V situé également au Hay Mohammadi. Pour l’instant aucune solution n’a encore été définie. Une chose est certaine, les riverains qui se plaignaient des nuisances sonores sont soulagés.

Mobilisation des autorités

Selon une source bien informée, les multiples plaintes des habitants sont derrière la décision de libération du domaine public occupé antérieurement par les «ferracha». «Suite à une série de réclamations, des dizaines d'agents de l'autorité locale, des équipes des Forces auxiliaires et autres relevant de la préfecture de Ain Sebaâ-Hay Mohammadi ont fait des descentes musclées pendant plusieurs jours et aussi jeudi matin. Cette campagne vise à libérer le domaine public de l'emprise des marchands ambulants», indique-t-elle. Et de souligner : «Les habitants de Hay Mohammadi, l'un des plus grands quartiers de la métropole, ont organisé plusieurs manifestations pour exiger de mettre fin au phénomène croissant de l'occupation de rues et ruelles par les vendeurs ambulants provenant de quartiers avoisinants». «Ce phénomène a dépassé l’occupation du domaine public. On a dû supporter, non seulement la prolifération des charrettes, mais également le trafic de drogue et les agressions verbales et physiques. De fait, on ne peut pas accepter une délocalisation temporaire de ces vendeurs et propriétaires de charrettes qui se sont approprié les lieux», affirme un habitant du quartier. Ce sentiment d’insécurité a mobilisé les autorités de la ville et les a poussées à prendre une décision dite définitive, jusqu’à preuve du contraire. 

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