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L’incroyable casse-tête des investisseurs !

Avec le Pacte d’émergence industrielle, l’on croyait l’accès à l’immobilier et foncier industriels facile. Mais ce n’est pas gagné d’avance. Le constat est sans appel : face à la rareté des espaces d’accueil aux standards internationaux et bon marché, des investisseurs sont parfois obligés de se rabattre sur des zones informelles où tout manque, surtout à Casablanca. Une véritable bombe à retardement avec les futurs schémas directeurs régionaux du transport et de la logistique. Décryptage.

L’incroyable casse-tête des investisseurs !
Les PMI marocaines réclament encore des prix incitatifs pour développer leurs investissements.

Relève-t-il de la gageure de trouver aujourd’hui une offre d’immobilier ou de foncier industriel bon marché et dans une zone aux standards internationaux ? «Le marché de l’immobilier industriel se caractérise par une forte demande en terrains industriels face à une offre insuffisante et inadaptée», analyse Mounir Benyahya, directeur en charge des parcs industriels de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM). Pour lui, s’il y a pression sur les prix du foncier industriel à Casablanca, c’est essentiellement en raison de la faible offre de nouvelles zones industrielles (ZI) aménagées, mais aussi de la forte spéculation sur les rares terrains existants. Un avis que ne partage pas Alain De Grève, directeur général d’ExperTeam, société spécialisée dans l’immobilier industriel.

De Grève qui confirme toutefois la pression sur les prix à la location comme à la vente soutient que l’offre est supérieure à la demande. «Néanmoins, il faut toujours relativiser cette situation moyenne en fonction des réalités locales. En effet, dans certaines zones industrielles, la demande de bâtiments industriels est plus importante que l’offre comme par exemple à Tanger, Bouskoura ou encore à Oueld Saleh», nuance-t-il.
Peut-on confirmer que les prix sont réellement époustouflants? De Grève préfère parler d’hétérogénéité des offres à la fois du foncier et des bâtiments industriels. «Cette hétérogénéité est due à la multiplicité des variables qui entrent dans la formation des prix. Il s’agit non seulement de la disponibilité du foncier dans une zone industrielle ou un parc donné, mais aussi à leur localisation par rapport aux grands axes autoroutiers, à la disponibilité des équipements et des services disponibles dans la zone, à la présence de zones résidentielles à proximité, à l’existence ou non de bâtiments industriels répondant aux nouvelles normes et exigences internationales», décrypte notre expert. Selon son analyse, si l’on prend une superficie de 10.000 m² comme référence, dans les zones industrielles officielles, les prix de vente demandés se situent entre 800 et 2.000 DH/m². Sur les parcs industriels, deux cas de figure se présentent : la location pour des modules de superficies de 1.000 à 2.000 m² qui se situe à 7 DH/m²/mois et la vente qui débute à 800 DH/m² pour des terrains de 1.000 à 2.000 m².

Pour les zones agricoles fonctionnant par dérogation, les prix démarrent entre 100 et 200 DH/m². Des niveaux jugés trop élevés par un plasturgiste qui jure qu’un investisseur moyen ne peut s’installer sur une ZI officielle en payant ces tarifs. «L’investissement en immobilier industriel comme en foncier sur les ZI classiques et même sur les P2I (plateformes industrielles intégrées) dites de nouvelle génération est devenu un vrai casse-tête pour les industriels de taille moyenne. Il faut que l’Etat revoie à la baisse les prix, sinon personne ne pourra s’y installer», se lamente notre interlocuteur qui a requis l’anonymat.

Les prix fixés pour les P2I sont issus de l’étude stratégique Emergence

Auprès du département de l’Industrie, on laisse entendre que la fourchette de prix offerte actuellement sur les plateformes intégrées est raisonnable et ne peut guère être revue à la baisse. Argument : «les prix fixés pour les P2I sont issus de l’étude stratégique Emergence qui, à travers un benchmark, a arrêté des fourchettes de prix pour chaque plateforme. Ces prix sont ensuite proposés aux développeurs privés dont MedZ et l’Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA) qui les intègrent dans leurs business», précise le ministère. Ces business plans dont parle l’Industrie sont validés par un cabinet d’études indépendant. L’objectif étant de s’assurer de la cohérence du business modèle qui doit assurer une rentabilité raisonnable pour le développeur. Et quand le prix fixé est en deçà du coût de revient, ce qui est vrai dans la majorité des cas selon le ministère, vu la cherté du terrain brut et des travaux hors site, une subvention est accordée pour rendre les prix attractifs.
Pour Saâd Hammoumi, président de la commission PME à la CGEM, malgré les efforts entrepris par l’Etat dans le développement de parcs et ZI sur tout le territoire, l’accès au foncier demeure encore difficile et les prix sont parfois exagérément élevés.

«Ce qui est pénalisant pour les promoteurs marocains des petites structures surtout les PMI. Ces dernières réclament encore des prix incitatifs pour pouvoir réaliser leurs investissements», explique Hammoumi. Accès difficile, oui, affirme William Simoncelli, le directeur général de Carré Immobilier, mais cherté des prix, ce n’est peut-être pas vrai. «Si l’on prend par exemple l’offre d’entrepôts et modules de stockage, vous allez trouver des espaces d’une qualité internationale à des prix qui varient entre 40 et 50 dirhams le m2. Des tarifs abordables à la location. Il faut savoir que ces prix n’ont pas véritablement changé depuis 2006», affirme Simoncelli. L’expert assure que même si on peut parler de prix époustouflants sur certaines zones, cela est dû parfois à la problématique d’aménagement du foncier qui coûte tellement cher à tel point que les investisseurs préfèrent mettre leurs argent dans des projets d’immobiliers résidentiels. D’où la rareté de l’offre sur le marché. «Les promoteurs ont tendance à aller vers l’immobilier résidentiel parce que naturellement son cycle de réalisation est court et la rentabilité garantie. Ce qui n’est pas le cas pour les parcs industriels», détaille-t-il.

Et c’est d’autant plus vrai quand on sait qu’actuellement seuls de gros opérateurs privés du calibre de MedZ, filiale de CDG Développement, Sapino (Onapar) ou encore la CFCIM qui osent s’y mettre. «Le secteur des parcs industriels est très capitalistique et sa rentabilité est relativement sûre. Du coup, il ne séduit pas les investisseurs», avance Simoncelli. Un constat que confirme Mounir Benyahya. Le directeur en charge des parcs industriels de la CFCIM assure que les opérateurs privés ne s’impliquent pas suffisamment dans le développement des zones industrielles pour plusieurs raisons. D’abord, la rareté du foncier urbanisable. Ensuite, les opérateurs préfèrent investir dans les projets résidentiels dont le cycle de réalisation et la rentabilité sont plus intéressants. Enfin, l’absence d’incitations fiscales accordées aux aménageurs de zones industrielles.

ZI informelles, l’Etat a-t-il laissé faire ?

Toutes ces contraintes ont un effet dont le pays se serait bien passé : le développement de zones industrielles anarchiques dans les périphéries des métropoles. Le phénomène est relativement plus visible à Casablanca où des parcs informels ont émergé notamment à Tit-Mellil, dans la Commune de Chellalate ou encore à Lissasfa.

«Malheureusement, la cartographie logistique qu’avait préparée le gouvernement El Fassi n’a pas réussi à contenir ce phénomène. Le problème c’est que certaines PME cherchent des prix abordables quelle que soit la zone d’implantation», confirme Hammoumi. Même son de cloche auprès de Benyahya qui explique que les industriels qui n’arrivaient pas à accéder au foncier dans les zones industrielles ont été obligés de se rabattre sur des terrains agricoles se situant en zone périphérique de la ville. «Le nouveau schéma directeur du plan d’aménagement de la ville et des plans d’aménagements sectoriels permettra d’encadrer ce phénomène et d’insérer ces unités dans des zones dotées des équipements nécessaires à leur réhabilitation», espère Benyahya. Toutefois, notre interlocuteur estime que les P2I représentent une offre de grande qualité et à des prix très intéressants. «Ces prix de vente, compétitifs, sont obtenus grâce à la mobilisation du foncier public et à l’injection de subventions dans ces projets», fait-il remarquer.

L’Etat a-t-il laissé faire ? «En fait, la volonté de l’Etat d’encourager les investissements et la création d’emplois a obligé celui-ci à tolérer certaines implantations, faute d’une offre suffisante dans les zones industrielles structurées», affirme Benyahya. Et qu’en pense le département de l’Industrie ? «L’ambition des pouvoirs publics est de mettre sur le marché une offre abondante en terrains industriels pour contrer tout développement anarchique en dehors de zones ou parcs industriels structurés. Si cela a été possible dans la quasi-totalité des régions du Maroc, il est vrai qu’à Casablanca, où le terrain brut à bon marché n’existe carrément plus, le problème se pose avec acuité».

Pour stopper l’hémorragie, le département de l’Industrie affirme avoir initié un certain nombre de projets dont le parc industriel de Bouskoura ou celui d’Oulad Saleh qui s’étendent sur des superficies d’une trentaine d’hectares et qui ont été mis en place en partenariat avec la CFCIM. Autre solution, la P2I de Casablanca pour laquelle le ministère cherche toujours à mobiliser du foncier qui dispose des atouts requis pour abriter ce projet. Le président de la Commission PME de la CGEM n’hésite pas à tirer la sonnette d’alarme, évoquant un autre problème qui pourrait surgir : les schémas directeurs régionaux de la logistique et du transport à décliner par le ministère de l’Equipement pourront par exemple carrément interdire la circulation des poids lourds où sont implantées ces unités industrielles. Et là, ce sera une autre paire de manches.

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