«Sans recours aux intrants coûteux, l’agroécologie utilise des techniques à la portée de tous les producteurs. Elle permet la création d’activités génératrices de revenus pérennes, permettant des emplois ruraux et une relocalisation de l’économie. Elle inclut la recherche d’alternatives commerciales solidaires qui favorisent les relations directes entre les producteurs et les consommateurs». Cette présentation de Terre et Humanisme, association présidée par le plus célèbre philosophe écologiste Pierre Rabhi, semble correspondre à la réalité de certaines populations de petits agriculteurs marocains, notamment ceux vivant dans des zones enclavées et pour lesquelles se pose un triple challenge : comment produire suffisamment pour subvenir à leurs besoins en utilisant un minimum d’intrants tout en protégeant leur environnement. «Lorsque nous nous adressons aux paysans, il y a deux catégories de réactions. La première, chaleureuse, émane des plus anciens, ceux-là mêmes qui ont vu leur environnement se dégrader et parce qu’ils se rendent compte que les pratiques que nous leur enseignons sont identiques à leur savoir ancestral. Par contre, nous ressentons une sorte de défiance de la part des plus jeunes», explique au «Matin» Abbès Benaïssa, coordinateur de projet chez Terre et Humanisme-Maroc, créée en 2005. Au contraire de l’agriculture conventionnelle, responsable de 30% des émissions de CO2 dans le monde et qui ne laisse dans le sol de place pour la seule plante cultivée, l’agroécologie considère le sol comme un système autonome qui produit sans apport extérieur. Concrètement, poursuit Abbès Benaïssa, «nous leur apprenons à amender le sol de manière naturelle en utilisant les déchets organiques. Une des corrections que nous avons apportées est de leur faire admettre qu'il faut arroser le compost, car cela aide à lutter contre la désertification. Comme le sol est déficient en matière organique, nous suggérons aux agriculteurs de couvrir les parties du sol cultivé avec une couche de paille qui protégera la plante du soleil, empêche l'eau de s'évaporer. La paille une fois décomposée enrichira le sol en matières organiques».
Pour quel résultat ?
Terre et Humanisme-Maroc a touché plus de 1.500 acteurs depuis 2001, et les demandes de formation et d'accompagnement d’initiatives sont de plus en plus nombreuses, affirme cette ONG sur son site Internet. Pour permettre une sensibilisation et une appropriation par les populations, trois sites ont été ciblés. Le site de Kermet BenSalem, province de Meknès, a servi de base à une démonstration concrète des pratiques par la population locale et à un accompagnement d’initiatives locales solidaires. Le site d'Ida Ougamade, province de Taroudant, a permis de développer la réflexion sur la nécessité de créer le Carrefour International des Pratiques Agro-écologiques. En fin, le site de Dar Bouazza, Casablanca, avec son jardin pédagogique créé en 2003, a permis de sensibiliser les populations et de lancer une série de formations. En plus d'être respectueuse de la nature, qu'apporte de plus l'agroécologie à ceux qui la pratique ? À cette question, Abbès Benaïssa préfère citer l'exemple de Dar Bouazza : «Les paysans se sont organisés en coopératives pour vendre des paniers de légumes. Actuellement, ils tiennent une liste d'attente de clients voulant s'approvisionner auprès des eaux. De plus, ils ont abandonné la monoculture au profit des potagers polycultures qui leur permet de diversifier leur offre».
