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Le début de la fin ?

● Mohamed Elghet MALAININE
Vice-président membre du Centre marocain de la diplomatie parallèle et chercheur en diplomatie numérique.

Le début de la fin ?
Financement • Le recrutement de nouveaux djihadistes et la sympathie des populations trouvent aussi leurs explications pour des motifs économiques.bPh. AFP

Les origines de L’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL) remontent à l’année 2004, après l’occupation américaine de l’Irak, quand le djihad sunnite est apparu, et notamment le Front islamique pour la résistance irakienne, puis «Tawhid et Jihad en Mésopotamie» ou «Al Qaïda du Jihad en Mésopotamie» du Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui, qui a déclaré allégeance à Oussama Ben Laden leader d’Al-Qaïda à l’époque, et l’arrière de la soi-disant «Al-Qaïda en Mésopotamie».

Cette organisation s’est rapidement imposée sur la scène irakienne par des opérations spectaculaires contre les forces américaines et des attentats terroristes sanglants contre les populations civiles chiites. Elle est devenue l’une des factions les plus puissantes et les plus attractives pour les jeunes sunnites irakiens. En 2006, al-Zarqaoui a annoncé la formation du Conseil de la choura moudjahidin, dirigé par Abdullah Rashid al-Baghdadi. Après la mort d’al-Zarqaoui dans le même mois, Abou Hamza al-Muhajir a été élu chef de l’organisation. À la fin de l’année 2006, «État islamique d’Irak» est constitué sous la direction d’Abou Omar al-Baghdadi. Le 19 avril 2010, les forces américaines et irakiennes ont tué Abou Omar al-Baghdadi et Abou Hamza al-Muhajir. Après une dizaine de jours, le Conseil d’État Mgesl choisit al Baghdadi Abou Baker comme son successeur.

Mais cette organisation a reçu un coup sévère après l’assassinat d’al-Zarqawi, en particulier avec l’émergence des Conseils de l’éveil des milices tribales sunnites qui ont été fondées principalement pour faire face à al-Qaïda dans leurs régions, en réaction aux cruautés perpétrées par les extrémistes contre les leaders et les populations sunnites qui n’adhéraient pas à leur projet – ce qui a failli avoir pour résultats la disparition de cette organisation de l’Irak. Après les retraits des soldats américains de l’Irak en 2010, le premier ministre chiite Nouri al-Maliki a été accusé par ses opposants d’avoir conduit l’Irak au bord du gouffre par sa politique d’exclusion des sunnites et d’avoir mené une politique partisane de courte vue et des pratiques de marginalisation et d’exclusion de cette partie de la population. Ce clivage sunnite/chiite va encore en se renforçant suite à l’évolution des événements en Syrie. En effet, à l’origine, il s’agissait d’un soulèvement populaire pour contester un régime dictatorial corrompu, mais la répression sanglante par l’armée a eu pour conséquence directe la militarisation de l’insurrection.

La majorité de la population étant sunnite, alors que le pouvoir est détenu par la minorité chiite alaouite, progressivement, la révolte a pris une dimension religieuse et les affrontements sont devenus communautaires. Ce clivage s’est ravivé aussi par le soutien de l’Iran et des milices chiites libanaises du Hizbollah et irakiennes de Assayeb Ahlu Al Haq au régime, d’une part, et de celui des pays sunnites comme le Qatar, l’Arabie saoudite et la Turquie, ainsi que les djihadistes d’al-Qaïda (le front Anosra) et de l’État islamique de l’Iraq. Le 9 avril 2013, le chef de «L’État islamique d’Iraq», Abou Baker al-Baghdadi, a annoncé que le premier Front al-Nosra en Syrie et son groupe fusionnaient et que les deux groupes seraient appelés «État islamique en Iraq et dans le Levant».

Au début, Al-Nosra et les autres groupes djihadistes ont bien accepté de rejoindre EIIL qui leur a apporté un soutien dans leur lutte contre les forces régulières de Bachar al Assad. Mais choqués par les exactions que ces extrémistes perpètrent dans les zones sous leur contrôle et redoutant l’ascendant croissant qu’ils prennent sur l’insurrection, une guerre dans la guerre n’a pas tardé à se déclencher après des mois d’affrontements larvés entre les deux parties. Mais c’était trop tard, car l’EIIL était devenu le mieux organisé et le plus redoutable sur le sol syrien. L’environnement confessionnel très tendu dans la région ainsi que les guerres d’Irak et de Syrie qui ont fortement affaibli les pouvoirs centraux dans ces deux pays ont permis à l’EIIL de trouver des refuges sûrs et ont fait des populations sunnites un vrai incubateur pour ses futures recrues.
Le recrutement de nouveaux djihadistes et la sympathie des populations trouvent aussi leurs explications par mes motifs économiques. L’EIIL est considérée comme la plus riche des organisations terroristes dans le monde, surtout après le contrôle de la ville de Mossoul où leurs combattants ont saisi plus de 420 millions de dollars. Bien qu’il n’y ait pas de données spécifiques, mais les spéculations se mêlent pour révéler les sources de financement.

Le gouvernement irakien accuse l’Arabie saoudite de financer l’EIIL, mais les États-Unis rejettent ces accusations. Les spécialistes américains ne se doutent pas que l’Arabie saoudite est consciente des risques qui pourraient résulter du retour de combattants saoudiens de l’EIIL et la possibilité pour eux de se retourner contre le régime saoudien lui-même. Mais ils estiment que la plus grande source de financement ne provient pas du gouvernement, mais de riches saoudiens et d’autres États du Golfe.

• Le pétrole est la deuxième source la plus importante de financement pour l’EIIL qui s’est emparé des champs de pétrole dans le nord de la Syrie, qu’elle arrive à écouler à travers les frontières turques. Des transactions ont même été enregistrées avec les forces de Bachar, ce qui a permis à l’EIIL d’assurer une relative indépendance financière.

• Selon le blogueur britannique Elliot Higgins, les réserves financières de l’EIIL lui permettent de «payer 600 $ par mois pour 60.000 combattants pour une période d’un an». Les observateurs occidentaux estiment que le nombre de combattants dans les rangs de l’EIIL se situe actuellement à environ dix mille personnes. Ayant saisi beaucoup d’armes américaines des stocks de l’armée irakienne à l’entrée de Mossoul, l’EIIL peut dépenser l’argent sur le marché noir pour se procurer des armes plus modernes.

L’attaque fulgurante lancée par l’EIIL contre la ville irakienne de Mossoul représente une évolution spectaculaire de la situation en Iraq et dans la région et un coup dur et inattendu pour le gouvernement d’al-Maliki. La prise de contrôle en quelques heures de la deuxième ville du pays pars quelques milliers de djihadistes accueillis en libérateurs par les habitants, alors qu’elle était censée être défendue par 60.000 soldats, a mis en évidences la faiblisse du pouvoir de Bagdad et la complicité de certains officiers de l’armée et des populations sunnites du nord de l’Iraq avec les extrémistes de l’EIIL et peut éventuellement cacher un soutien régional dont ils ont pu bénéficier. La situation peut être résumée dans la déclaration du leader kurde Mustapha Barzani qui a dit que «l’après Mossoul ne sera jamais comme l’avant Mossoul» et qui a envoyé de suite son armée, les peshmerga, pour occuper la ville de Kirkuk avant d’annoncer quelques jours plus tard son intention de préparer un referendum sur l’Independence du Kurdistan d’Irak.

Si les interrogations persistent sur les capacités réelles de l’EIIL. Les experts sont unanimes sur le fait qu’il n’aurait pas réussi à progresser aussi vite s’il n’avait pas joui d’un soutien local, notamment d’anciens militants du Baas et d’anciens groupes d’insurgés comme «l’Armée islamique en Irak» et le groupe des Naqshabandi, d’inspiration soufie et dirigé par Ezzat Ibrahim Al Douri, l’ancien vice-président de Saddam Hussein.
Outre les alliances objectives, les importants moyens financiers dont dispose l’EIIL lui ont permis d’acheter les services de nombreux chefs de tribus et la complicité d’officiers de l’armée. Ces victoires ont poussé Al baghdadi à franchir un nouveau pas et à se proclamer calife des musulmans et à se retourner, comme en Syrie, contre ses alliés qui, dans leur majorité, ont refusé de lui reconnaitre ce statut et de lui porter allégeance. Néanmoins, cette proclamation du califat est une manifestation de l’ultra extrémisme de cette organisation et de ses intentions de continuer ses guerres et ses actions terroristes contre tous les musulmans, sunnites comme chiites. Le soutien que vient de proclamer Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) au groupe auparavant appelé État islamique d’Irak et du Levant est une sérieuse menace pour la stabilité au Maghreb et au Sahel, vu les ressemblances entre les deux organisations terroristes et vu le nombre considérable de ressortissants nord-africains qui ont rejoint les rangs de l’EIIL.

Qu’est-ce qui peut arrêter l’EIIL ?

Si l’opération réussie de l’EIIL en Iraq le mois dernier est sans aucun doute une victoire tactique et une opération de communication bien réussie, sur le plan stratégique, c’est une erreur qui peut lui être fatale. L’une des conséquences directes des dernières victoires de l’EIIL est que les États-Unis, selon les déclarations de plusieurs diplomates américains, sont prêts à ouvrir un dialogue direct avec l’Iran sur la façon de traiter cette menace commune. L’Arabie saoudite, qui a déjà classifié l’EIIL comme organisation terroriste, a tout intérêt à combattre ce mal avant qu’il ne s’étende du côté de ses frontières. Cette nouvelle coalition internationale, si elle ne va pas éradiquer le danger de l’EIIL, va certainement le déminer considérablement.

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