Après Vienne en Autriche (2009), Juva en Finlande (2010), Nancy en France (2011) et Budapest en Hongrie (2012), Rabat abrite le 5e congrès international sur les champignons (truffes) du bassin méditerranéen (TAUSG5), du 9 au 13 avril 2014. Une des principales questions qui seront débattues par les scientifiques marocains avec leurs collègues des 20 pays participants, dont les USA et la Chine, est de chercher les raisons de la chute catastrophique de la production de la truffe au Maroc (Terfess), indique Dr Lahsen Khabar, professeur à la Faculté des sciences de l’Université Mohammed V-Agdal et organisatrice de ce forum international sur les truffes.
Comment se fait-il que la production naturelle au Maroc des truffes (Terfess, forme marocaine de champignons comestibles),
qui était à son apogée durant les années 70 et qui avait atteint plus de 1 000 tonnes par an, se soit effilochée avec le temps ? s'interroge le docteur Lahcen Khabar, spécialiste des champignons.
Cette question sera au centre des travaux du 5e Congrès international sur les champignons du bassin méditerranéen, qu'abritera le Maroc du 9 au 13 avril 2014. Cette rencontre scientifique sera essentiellement marquée par des visites sur le terrain de plusieurs régions de production de la truffe, notamment la forêt de la Maâmora, le moyen Atlas, la visite de la truffière d'Immozer Kendar.
Pourquoi aujourd'hui cette production atteint-elle à peine les 100 tonnes par an ?
Les raisons sont multiples. Certains ramasseurs procèdent frauduleusement à des pratiques de piochage qui conduisent à des perturbations irréversibles des écosystèmes dans lesquels poussent ces champignons. Par ailleurs, en l'absence de toute réglementation des récoltes et de commercialisation, c'est la loi de la spéculation qui dominera toujours et c’est l'environnement marocain, les forêts et plusieurs familles qui vivent de ses richesses qui en pâtiront.
Pour le professeur Lahsen Khabar, du département de biologie et responsable de l’équipe «Mycologie forestière et trufficulture» «MycoTruf», les Terfess sont peu consommées par les Marocains. Elles font surtout l'objet de vente aux étrangers ou elles sont exportées en l'absence de tout contrôle.
Ces différentes problématiques sont à l'origine de l'organisation de ce congrès sur les champignons du bassin méditerranéen. Le but est de discuter des différents aspects scientifique, alimentaire, juridique et commercial entre les pays riverains du bassin méditerranéen.
Dans les pays méditerranéens, notamment en Afrique du Nord et dans les pays de l'Est, sont récoltées en abondance des truffes comestibles, connues des Arabes sous le nom de «Terfess», «Kamé», «Kholassi», «Zoubaïdi», «Truffes des déserts» et «Truffes des sables».
Leur production est conditionnée par des niveaux de précipitations favorables au début de l'automne et bien réparties de novembre à mai. Cependant, leur cycle biologique peut être perturbé par des précipitations excessives ou mal réparties ou par des périodes de froid prolongé ou de fortes chaleurs.
Au Maroc, on dénombre plusieurs zones potentiellement trufficoles. Les plus importantes sont la forêt de la Maâmora, située à l'est de Rabat, constituée de chênes-lièges, le haut plateau du Maroc oriental constituant le domaine de l'Alfa, la région de «Had Hrara» située à l'est de la ville de Safi, la cédraie du moyen Atlas et du Rif. Plusieurs régions de culture des truffes seront visitées par les participants à ce congrès international sur les truffes. Par ailleurs, les truffes marocaines sont réparties en dix espèces. Elles se distinguent les unes des autres par la zone de récolte, la taille, la couleur, l'hôte auquel elles sont associées.
Ainsi, on parle de «Terfess rouge de Tafilalet», de «Terfess blanc de Tafilalet» ou «Ezzebdi», de «Terfess rose de la Maâmora», de «Terfess lisse», de «Terfess indicateur» ou «Ezzouber», de «Terfess mâle», de «Terfess de Taïda» (ce qui veut dire Terfess des pins) et de «Terfess amères de Taïda». La plupart des espèces sont printanières, quelques-unes apparaissent par contre dès les mois de novembre et décembre. La méthode de récolte la plus courante des Terfess est celle dite «à la marque» (le sol est souvent gonflé et fendillé en surface au pied de la plante hôte).
Certains ramasseurs utilisent des bâtons pour tapoter les sols ou procèdent frauduleusement à des pratiques de piochage qui conduisent à des perturbations irréversibles des écosystèmes dans lesquels poussent ces champignons.
D’où le bien-fondé des inquiétudes sur le devenir de certaines espèces de truffes marocaines, telle la truffe du Moyen Atlas, très prisée en Europe et qu'on ne trouve plus ?
Donc ce 5e congrès sur les champignons du bassin méditerranéen permettra des échanges scientifiques sur la biologie, la physiologie, la taxonomie et l'écologie des champignons, particulièrement les truffes. Le but est d’assurer l'échange d'idées, renforcer la coopération et faciliter les échanges d'expertise entre les chercheurs nationaux et internationaux travaillant dans ce domaine, en vue d’établir un réseau permanent de chercheurs intéressés par cette question.
Dr Anwar Cherkaoui
