Dès que le jeune enfant commence à maîtriser le langage, il peut surprendre ses parents en utilisant des grossièretés ou des mots bizarres qu’il a entendus quelque part. De leur côté, les parents sont souvent étonnés face à cette situation et ne peuvent pas s’empêcher de s’inquiéter quand cela devient récurrent et se demandent comment ils doivent réagir.
Tout d’abord, il faut comprendre que c’est l’acquisition de l’autonomie chez l’enfant qui commence souvent par l’utilisation des mots de grands. Il s’agit d’une phase du développement que tous les enfants traversent de manière plus ou moins prononcée, à des âges différents, voire parfois plusieurs fois au cours de l’enfance et de l’adolescence.
Vers l’âge de 2 ou 3 ans, les tout-petits commencent à dire de gros mots quasiment au moment où ils apprennent à parler. Ils répètent par imitation ce que disent les adultes sans en comprendre la portée. Si son papa ou sa maman disent des gros mots en laissant tomber un objet, il pourra dire la même chose en faisant tomber un jouet par exemple. Très vite, toutefois il va se rendre compte que l’utilisation de certains termes énerve les parents. Il s’en sert alors pour se faire remarquer ou pour attirer leur attention. À partir de l’âge de 5 ans, les gros mots ou l’utilisation d’un langage «particulier» peuvent permettre à l’enfant de s’affirmer face à ses camarades et de s’intégrer socialement. En ce faisant, il éprouve un sentiment d’appartenance au groupe. «L’enfant est un être sensoriel, très sensible aux impacts émotionnels, notamment sur les adultes qui l’entourent.
Ce qui donne du sens à ces mots du point de vue de l’enfant, c’est de voir que l’environnement y est sensible et réagit systématiquement quand il les prononce. Les gros mots ne laissent jamais indifférents, ils ont un effet magique sur l’autre ; que cet effet soit positif ou négatif. Les gros mots par leur action provocatrice réussissent à focaliser l’attention de l’adulte autour de l’enfant et donc renforcent la valeur donnée par l’enfant à l’utilité de ce mode de communication», explique Houda Hjiej, pédopsychiatre.
L’enfant cherche surtout à éprouver le pouvoir et les émotions fortes que ces mots interdits lui procurent ! Il ressent de l’étonnement devant les réactions choquées, contrariées ou amusées de son entourage, puis du plaisir à briser l’interdit. Il découvre également l’énergie détonante que véhicule ce mot pas comme les autres, à travers les rires des copains et de ses frères et sœurs, la stupeur des adultes qui se demandent souvent quelle est la meilleure façon de réagir.
Le premier des conseils consiste à montrer le bon exemple à son enfant. Si le vocabulaire des parents n’est pas très correct, il faut faire attention en présence des enfants et éviter les jurons en tout genre.
L’instinct des parents face à un gros mot prononcé par un enfant pousse souvent à gronder, à crier en interdisant à l’enfant de prononcer à nouveau cette parole. Les parents peuvent également s’interroger où l’enfant a bien pu entendre une telle chose. La réponse est évidente : les enfants apprennent auprès d’autres petits pendant les jeux, en regardant la télévision, en écoutant le grand frère parler avec ses copains… Parfois, les adultes ne tiennent pas compte du nombre de gros mots qu’ils peuvent prononcer dans une journée, notamment au volant à cause des embouteillages ou au téléphone ! Pendant ce temps, l’enfant assis à l’arrière de la voiture, toutes ses oreilles à l’écoute, enregistre et «enrichit» son vocabulaire. Pour les pré-ado ou les adolescents, c’est différent. L’enfant connaît la signification de tous les termes. C’est la période de la mutation sexuelle, les injures peuvent donc être en rapport avec celle-ci. C’est aussi une manière d’exorciser la violence. Insulter un camarade à l’école par exemple permet de ne pas passer à l’acte. Cela lui permet aussi de tester les limites et le code parental. C’est donc aux parents de mettre les choses au point et de lui faire prendre conscience de la vulgarité de son vocabulaire. Certes, il ne faut pas oublier qu’un peu de provocation est normal à cet âge et que ce n’est pas la peine de monter sur ses grands chevaux à chaque fois qu’il dit un mot déplacé, mais il faut tout de même poser quelques limites. Le jeune ado doit comprendre qu’il est important de s’autocensurer et que tout n’est pas permis.
Témoignage
Sara, 28 ans, maman d’Inès, 4 ans
«Ma fille répète souvent de gros mots»
«Ma fille n’a que quatre ans et pourtant elle utilise souvent des termes bizarres qui ne correspondent pas à notre langage habituel à la maison. Pire encore, parfois elle se met à dire de gros mots. Certes, au début, on trouvait cela drôle, mais plus maintenant. C’est devenu une mauvaise habitude. Je ne sais pas comment me comporter avec elle ni d’ailleurs comment elle a appris à dire de telles horreurs. Le problème est que lorsqu’elle voit que ce qu’elle fait nous énerve, ça l’amuse. Quand on la gronde, elle se met à rire. Je lui donne la fessée, mais cela ne l’empêche pas de recommencer à répéter ces bêtises devant toute la famille. Parfois, j’ai l’impression qu’elle ne comprend même pas ce qu’elle est en train de dire. Elle le fait juste pour nous provoquer. Je ne sais vraiment plus quoi faire pour qu’elle arrête.»
Explications
Dr Houda Hjiej, pédopsychiatre
«L’enfant apprend à utiliser ces mots par imitation»
Comment un enfant peut-il apprendre à répéter les gros mots ?
Les gros mots sont des mots d’adultes empreintés par l’enfant et dont l’utilisation par celui-ci est considérée comme une transgression du code social. L’intérêt de l’enfant pour ce genre de langage vient de ce que celui-ci perçoit comme effet de son utilisation sur l’entourage et ceci même sans comprendre le sens. Un enfant qui n’a jamais entendu de gros mots ne peut pas en utiliser, c’est pour cela que l’enfant apprend à utiliser ces mots par imitation des adultes ou enfants du même âge ou d’âge supérieur.
À quel âge un enfant peut-il commencer à dire des gros mots ?
Ils peuvent apparaître dès l’émergence du langage par pure imitation, mais n’acquièrent leur sens social que vers l’âge de 3 ans. L’utilisation première de ces mots peut se faire de façon fortuite, cependant, dès que l’enfant prend conscience de l’impact de l’utilisation de ces mots sur l’entourage, il peut en jouer pour tester, provoquer et cela se perpétue ou pas en fonction de la réaction des parents.
Comment doivent réagir les parents lorsqu'ils entendent leur enfant dire de telles choses ?
Les enfants vont souvent dire au début ces mots en présence des parents à la recherche d’un sens, d’une réaction de la part de ceux-ci. Il est important que les parents saisissent cette occasion pour questionner l’enfant sur ce qu’il a compris de ce mot et pourquoi il a eu envie de l’utiliser. Les parents se rendront souvent compte que l’enfant a une compréhension erronée ou partielle du mot. Cette discussion est alors l’occasion d’expliquer le sens du mot, ce pour quoi les parents ne veulent pas qu’il l’utilise et ensuite poser l’interdit le concernant. Il est aussi important de préciser à l’enfant qu’il y a certains mots qu’il utilise peut-être parfois avec ses copains et enfants de son âge, mais qu’il ne peut pas utiliser en présence d’adultes.
Comment peut-on aider nos enfants à ne pas apprendre les gros mots ?
En s’interdisant à soi-même de les utiliser. Les parents étant le modèle premier de l’enfant, il va de soi que s'ils ont une facilité à utiliser ce genre de mots l’enfant aura plus de faciliter à s’en servir et parfois contre ses propres parents, sans pouvoir comprendre pourquoi eux peuvent se permettre quelque chose qui lui est interdit.
