Au Moyen-Orient, le jeu d’échecs international est de taille, où les puissances du monde mènent chacune à sa façon et en fonction de leur influence respective, une politique de positionnement par apport à l’importance stratégique de cette partie du monde. Il est le cordon ombilical de l’économie mondiale. Une source d’inquiétude permanente pour les nations du monde, du fait que toute perturbation de la production du pétrole et du gaz ou de leurs acheminements sèmerait la panique dans le marché mondial. Le Moyen-Orient est un champ de bataille ouvert pour l’énergie. Ainsi, une série de guerres se sont déclenchées dans cette contrée du monde depuis les années 80. Cette période, connaitra un nouveau repositionnement stratégique dans la politique étrangère américaine, dont le coup d’envoi fut donné par le Président américain de l’époque, Jimmy Carter, quant il a annoncé dans son discours de l’Union de janvier 1981 que «Toute tentative par une force extérieure pour contrôler la région du golfe Persique sera considérée comme une agression contre les intérêts vitaux des États-Unis, et une telle agression sera repoussée par tous les moyens nécessaires, y compris la force militaire.»
Depuis cette date, la région du Moyen-Orient verra le déclenchement, de plus d’une dizaine de guerres et invasions : la guerre Iran-Irak, l’invasion de l’Afghanistan par une coalition occidentale menée tambours battants par les États-Unis, l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein, l’intervention occidentale, menée là encore par les États-Unis pour libérer le Koweït de l’occupation irakienne, l’expédition occidentale, menée encore une fois par les États-Unis, pour renverser Saddam Hussein, l’invasion du Liban-Sud par Tsahal, l’intervention saoudienne à Bahreïn et last but not least : l’actuelle guerre en Syrie et en Iraq, sans citer l’interminable conflit arabo-israélien. Alors, cette guerre pour le contrôle des lieux de production du pétrole et du gaz et ses voies d’acheminement, à savoir les routes maritimes, les gazoducs et les oléoducs, reste et durera tant que demeurera le Moyen-Orient source d’approvisionnement énergétique pour l’Occident. Faut-il rappeler que ce dernier n’est plus l’acteur dominant, et ce suite à la montée en puissance des émergents ? Ces derniers, soucieux de voir l’avenir de leurs économies à la merci du dictat américain, se sont engagés inéluctablement, dans les conflits moyen-orientaux pour le contrôle de l’or noir. C’est dans ce sens que Michel Collon a écrit dans son livre, «Monopoly» : «qui veut diriger le monde doit contrôler le pétrole. Tout le pétrole. Où qu’il soit».
L’Iran, un pays convoité dans une région convoitée
La géographie, puis la géologie de l’Iran ont fait de ce pays, qui a une vieille civilisation, une donne incontournable et permanente dans toute géopolitique des puissances mondiales au Moyen-Orient, et ce depuis la découverte du premier gisement pétrolier en 1908. L’énergie en Iran c’est essentiellement le pétrole et le gaz. En fait, l’Iran est le deuxième producteur au Moyen-Orient, tandis que ses réserves de gaz naturel sont les deuxièmes du monde après celles de la Russie, soit 16% des réserves mondiales. Ces simples chiffres montrent l’importance énergétique et donc géopolitique de l’Iran en tant que grand pays réservoir mondial du pétrole.
Les trois dernières décennies ont démontré que l’Iran était un protagoniste éminemment stratégique dans la géopolitique du Moyen-Orient. De par le caractère révolutionnaire de cet État, porte-drapeau de l'islam chiite, de par, également, son activisme religieux dans un cadre international, la République islamique de l’Iran aspire à une place géostratégique influente sur le plan international. Cet État, qui est dans un environnement régional disparate du point de vue ethnique et politique, a été constamment partie prenante dans cet espace qualifié en 1978, d’arc de crise (arc of crisis) par Zbiniew Brzezinski, conseillé à l’époque à la sécurité nationale.
Actuellement, La République islamique d’Iran se positionne comme une puissance régionale incontournable et un pays émergent. Si les Iraniens revendiquent aujourd’hui un statut de puissance régionale, d'acteur majeur de la zone, c’est parce qu’ils ont dépassé le stade de la démonstration de leur poids dans la région. Cette nouvelle réalité géopolitique n’a pas besoin de preuves, car elle est désormais une constante dans les médias occidentaux et dans les rouages des commissions internationales et des ministères des Affaires étrangères. Ce statut de puissance s’il faut le définir, le meilleur moyen serait de se poser la question : la paix et la sécurité régionales sont-elles réalisables sans l’implication de l’Iran ? Ainsi, le réalisme a fini par l’emporter sur toutes les démarches prises depuis 34 ans par l’Occident à l’égard de l’Iran. De ce fait, un accord global avec l’Iran s’avère d’une impérieuse nécessité pour décompresser une situation devenue très tendue au Moyen-Orient.
L’ouverture occidentale sur l’Iran obéit à la tentative de contenir ou d’inverser le basculement des rapports de forces enregistré depuis presque deux décennies en faveur de la République islamique. Les échecs encaissés par l’administration américaine en Afghanistan et en Irak, aggravés par les défaites successives de l’armée israélienne au sud du Liban et à Gaza, avaient des conséquences stratégiques sur l’avenir de l’influence américaine au Moyen-Orient et sur l’image de l’armée israélienne qui jusqu’à la guerre de 2006 contre le Hezbollah était «invincible». Or la guerre qui, autrefois, était un instrument pour rappeler la suprématie des États-Unis et d’Israël n’est plus une option facile à entreprendre par les deux puissances. Du côté, américain, le Président Obama était obligé de demander l’accord du Congrès pour mener une frappe limitée contre la Syrie en 2013.
hose qui s’est avérée une manœuvre pour ne pas faire la guerre. Quant à Israël, la décision de faire la guerre n’a jamais été révélée avant qu’elle ne soit un fait accompli. Or depuis les conclusions du juge Vinograde en 2006 sur la défaite spectaculaire de l’armée israélienne, le cabinet du secrétaire général des Nations unies n’a cessé de recevoir les plaintes de l’État hébreu, sur les provocations du Hezbollah au sud du Liban. Auparavant, Israël était censé se faire justice à soi-même. La diplomatie occidentale, pour sortir de son impasse, doit tenir compte de l’ensemble des mutations et des changements dans les rapports de force au Moyen-Orient. Une approche réaliste permettra certainement aux négociateurs d’attirer les Iraniens à la table du dialogue. D’ailleurs, le pragmatisme est devenu depuis la fin des années 1980 le principe essentiel de la politique étrangère de l’Iran. L’intérêt national a pris la priorité sur les aspects idéologiques dans l’approche politique des dirigeants de la République islamique. Ce qui mène à dire qu’avec un panier d’offres d’ordre stratégique, politique, économique et sécuritaire, la diplomatie occidentale aboutira à un terrain d’entente avec les Iraniens. D’un autre côté, il est capital de dire que «la diplomatie occidentale n’est jamais allée au bout de ses possibilités, sachant qu’elle constitue la seule voie à suivre», comme le précise André Chami.
Les Occidentaux, à leurs têtes les États-Unis, semblent avoir compris que l’Iran est un acteur incontournable dans la géopolitique du Moyen-Orient et que toute la politique d’endiguement à l’encontre de l’Iran a échoué. Faut-il rappeler dans ce sens les propos du ministre des Affaires étrangères américain en mai 2008, John Kerry, dénonçant «l’échec lamentable de la stratégie actuelle, qui n’a pas empêché que l’Iran soit désormais plus fort et plus influent que jamais dans la région» ? Alors le dialogue sans condition ?
Dans ce sens, l’actuel numéro deux de l’administration américaine, et président de la commission des affaires étrangères du Sénat à l’époque, n’a pas hésité à critiquer la diplomatie pratiquée jusqu’à présent par les responsables de la Maison-Blanche : «Fixer des conditions préalables que l’Iran rejette n’a pas d’effet». Une déclaration certes sévère, mais réelle de Joseph Biden. Alors, une nouvelle approche verra le jour à partir de 2007, date où Obama opta pour une diplomatie de «dialogue sans condition préalable» avec le gouvernement iranien.
Un accord avec l’Iran entrainera dans le temps prévisible des changements radicaux sur l’échiquier géopolitique et géostratégique du Moyen-Orient. Les observateurs s’accordent pour dire que le fond du conflit avec la République islamique ne porte pas sur le nucléaire. Tout le monde sait que le programme nucléaire iranien remonte à l’époque du Shah, autrefois allié des Occidentaux, et sans leur bénédiction et leur assistance technique et logistique, il n’aurait pu voir le jour. Alors sur quoi porte le différend avec le monde occidental ?
La réponse est à trouver dans les divergences d’intérêts entre l’Iran et les États-Unis. Toutefois, un accord sur le nucléaire iranien permettrait de désamorcer la situation au Moyen-Orient. Avant d’aller vers le parcours des négociations actuelles avec l’Iran, il est capital de revenir sur les enjeux du programme nucléaire iranien, pour pouvoir déceler les chances et les issues possibles pour aboutir à un accord global capable d’intégrer l’Iran dans le système de paix et de sécurité internationales.
Les enjeux du nucléaire iranien
Les enjeux de la crise iranienne sont multiples, que ce soit pour l’Iran, les États-Unis, le Moyen-Orient, l’État d’Israël, ou pour la communauté internationale en général. Il s’agit pour l’Iran, non seulement, d’acquérir un statut de puissance, mais aussi, de garantir sa sécurité énergétique dans l’avenir. L’Iran a toujours démenti que son programme nucléaire ait des fins militaires, pour les Iraniens, le mobile des Américains n’a jamais été la lutte contre la prolifération du nucléaire, mais plutôt de contrer le régime des ayatollahs qui constitue une menace pour leurs intérêts dans la région. Preuve à l’appui, les Américains n’ont jamais fait d’objection à ce programme à l’époque du shah Pahlavi où l’Iran, au même titre qu'Israël, était leur partenaire stratégique, voire le principal pilier de leur domination au Moyen-Orient.
Personne ne peut douter que l’Iran a souvent fait l'objet de menaces de la part de plusieurs ennemis : les mollahs en Afghanistan, des groupes radicaux au Pakistan, l’opposition armée «guerriers de Dieu» qui a fait souvent de l’Irak et du Pakistan des bases arrière de leurs opérations militaires contre la République islamique iranienne. À noter aussi que les frontières de l'Iran sont pour la plupart des frontières de guerre. Les flottes et les bâtiments de guerres américains ne sont pas loin de son territoire, chose qui constitue une menace permanente pour l’Iran. D’autant plus qu'Israël, qui demeure le principal ennemi des Iraniens, est doté d’un arsenal nucléaire de plus de 200 têtes, refusant toujours de signer le Traité de non-prolifération nucléaire et d’ouvrir par conséquent le site de Dimona aux inspecteurs de l’AIEA, ce qui fait jusqu’à présent du programme nucléaire israélien une énigme pour la société internationale. Il est capital d’ajouter que l’embargo économique et technologique imposé à l’Iran depuis la révolution de 1979 a largement affecté l’industrie pétrolière en empêchant le pays de construire ses raffineries, situation aggravée par le départ des compagnies pétrolières. Par ailleurs, l’augmentation de la demande intérieure avec l’essor économique et démographique du pays, surtout en matière d’électricité, a rendu le développement de l’énergie nucléaire un choix plus ou moins rationnel.
De même, les Iraniens avaient déclaré en 2005 que leur réserve en pétrole serait épuisée d’ici neuf décennies. C'est d’ailleurs un peu plus de la moyenne de vie des réserves mondiales, qui est actuellement fixée à 50 ans, à moins d'une découverte considérable capable de changer la donne. N’est-il pas rationnel encore d’anticiper afin d’éviter le pire ? Celui de se trouver un jour à la merci des pays monopolisant cette technologie ? Sous cet angle, l’objectif des Iraniens de se positionner dans le monde des puissances nucléaires n’est pas seulement légitime, mais davantage une nécessité pour préparer l'avenir des générations futures. Les États-Unis, comme les vieilles puissances, savent bien que les grands enjeux de l’avenir sont la course aux métaux rares, la prolifération nucléaire et les énergies renouvelables. De ce fait, cette guerre de l’ombre avec l’Iran : «l’embargo, les assassinats des savants, les attaques sur le Net», n’est que la partie visible de l’iceberg. L’objectif de ces puissances n’est autre que le monopole et la mainmise sur le savoir et la technologie. L’Iran, comme la plupart des «émergents», cherche à s’approprier les atouts nécessaires pour devenir une puissance mondiale, d’où le choix du nucléaire comme théâtre du combat avec l’Occident.
Par ailleurs, l’Iran a besoin d’une capacité de production d’électricité plus importante, d’environ 20.000 mégawatts. De même, comme le précise André Pertuzio, consultant pétrolier international et conseiller juridique à la Banque mondiale, «en dépit des immenses réserves d’hydrocarbures que recèle le sous-sol iranien, il est tout à fait raisonnable pour un pays producteur comme l’Iran de recourir au nucléaire pour sa production d’électricité et de réserver le pétrole et le gaz à d’autres usages et surtout à l’exportation», puisque selon les experts, l’électricité nucléaire est très rentable, une fois que le baril atteint les 40 dollars.
Ainsi, les autorités iraniennes justifient leur programme nucléaire par leur volonté de se doter d’une capacité nucléaire civile. Elles mettent en avant un souci d’indépendance nationale auquel le peuple iranien est naturellement très sensible et demandent unanimement la reconnaissance de leur «droit inaliénable au nucléaire civil». C’est un sujet légitime de fierté nationale pour le peuple iranien et un élément de prestige international pour la classe dirigeante iranienne.
Pour les Occidentaux, accepter une nouvelle puissance nucléaire de la région aura pour effet de susciter une course aux armes nucléaires et de saboter, par conséquent, les efforts déjà amorcés par l’AIEA pour limiter la prolifération nucléaire dans le monde. Il est certain que d’autres États, notamment l’Égypte ou la Turquie, possèdent des compétences, voire des infrastructures, qui leur permettraient de s’engager à leur tour, et rapidement, sur la voie du nucléaire militaire. L’Arabie saoudite a, quant à elle, les moyens financiers de se doter d’une arme nucléaire, notamment par l’intermédiaire du Pakistan, avec lequel elle a des liens de proximité.
La crainte des Occidentaux est que le parcours nucléaire suscite une préoccupation géostratégique, qui consiste dans le fait que, une fois la technologie nucléaire civile maitrisée, la route serait ouverte au nucléaire militaire. «L’aspect le plus alarmant est qu’une part croissante de cette technologie nécessaire pour assembler un devis nucléaire est produite localement», écrit Pierre Jolicoeur, chercheur associé au CEPES à l’université de Québec.
Que faire donc ? Les Iraniens sont déterminés plus que jamais à acquérir cette technologie autour de laquelle s’est installé un nationalisme très fort, et un Occident qui envisage tous les scénarios possibles pour empêcher le programme nucléaire iranien d’arriver à ses fins. Quels scénarii pour sortir de l’impasse ?
L’usage de la force ?
Dans son livre «Iran, le choix des armes ?» François Heisbourg parle d’un scénario intitulé «confrontation». Il s’agit d’une série de frappes militaires contre les sites nucléaires iraniens. En effet, selon l’auteur, même si les États-Unis parviennent à détruire les cibles et à remporter la victoire, quatre ans au plus tard, selon lui, «l’Iran ferait sans doute l’impossible pour prendre sa revanche nucléaire après des frappes américaines».
Ce scénario suppose l’usage de la force. C’est un choix délicat, risqué et même incertain. Faut-il ajouter que, d’après les stratèges militaires, la destruction du programme nucléaire iranien est improbable, voire impossible, même après une série de frappes aériennes intenses et durables ? Cependant, la question déterminante reste de savoir si l’Occident, à sa tête les États-Unis, supportera la facture d’une aventure militaire.
À cet égard, il est capital d’apporter quelques éclaircissements :
Tout d’abord, l’Iran est un pays possesseur d’une capacité de nuisance redoutable, comme le précise le spécialiste Robert Baer. Une guerre contre l’Iran n’aura pas lieu : «l’Amérique ne pourra pas bombarder le pays sans déclencher une guerre régionale dans le Golfe. Et une guerre ferait sauter la banque, transformant les États-Unis en économie du tiers-monde», avant d’ajouter : «Les alliances, les sanctions inapplicables, les menaces, rien de tout cela n’a marché jusqu’ici, ni ne marchera à l’avenir».
L’Iran est un pays indomptable, qui défend jalousement son indépendance. Le nationalisme du clergé et de la population constitue une immunité efficace contre les injonctions occidentales. Malgré l'importance de ces dernières, l’Iran n’a pas reculé. Au contraire, la République islamique «reste arc-boutée sur ses positions, défendant ses droits inaliénables à développer une activité nucléaire pacifique». En l’occurrence l’enrichissement de l’uranium sur son territoire. Alors, ce premier scénario n’est plus à l’ordre du jour, au moins dans le temps prévisible. Donc, le dialogue.
Un dialogue sans condition ou l’emprise de la realpolitik
À vrai dire, comme nous l’avons vu, la raison principale de ce basculement dans la politique étrangère américaine est que le bilan géopolitique de la dernière décennie a démontré clairement que l’Iran est un acteur incontournable dans la géopolitique du Moyen-Orient. Le Golfe arabo-persique, qui était, il y a peu de temps, sous domination occidentale quasiment sans partage, se trouve actuellement «suspendu à l’idée de non-agression entre les États-Unis en particulier, l’Occident en général, et l’Iran» selon André Chamy. C’est une réalité sévère, mais indépassable. À l’instar des autres instruments stratégiques de l’Iran, le programme nucléaire n’est pas une fin en soi, mais un moyen d’arriver à une fin, c'est-à-dire d’obtenir le statut de grande puissance. À l’heure actuelle, les administrations occidentales n’ont fait que renvoyer la gestion de ce dossier d’un gouvernement à un autre. De ce fait, un dialogue constructif et sérieux n’a jamais été entretenu avec le régime iranien, car cela suppose une réponse à la question capitale : que veut l’Iran ? Si, l’objectif principal de la diplomatie iranienne est la reconnaissance de l’Iran comme puissance régionale, l’Occident, quant à lui, n’est pas unanime sur la finalité des démarches politiques entretenues avec l’Iran.
Il a fallu attendre l’arrivée d’une nouvelle équipe diplomatique, à la tête des deux administrations américaine et iranienne, pour partir sur de nouvelles bases de négociations. Dans ce sens, il est important, de souligner que depuis l’élection du nouveau Président iranien Hassan Rohani, les efforts se sont multipliés pour trouver un terrain d’entente avec l’Iran. Les éléments susceptibles de faire partie d’une offre de la communauté internationale à l’Iran, dans le cadre d’un accord large incluant un volet nucléaire, sont donc nombreux et variés et constituent, selon les dernières révélations parues dans la presse, l'objet des négociations secrètes qu’entame l’administration Obama avec l’Iran depuis presque la fin de 2012, avant même l’élection de Rohani, et que l’accord provisoire de Genève n’a fait que concrétiser le compromis nucléaire réalisé lors de ces négociations. C’est avec ce deuxième scénario que le monde a pu enfin éviter le pire. Alors, l’inattendu s’est concrétisé et dont l’effet fut la décompression de la situation tendue au Moyen-Orient. Ainsi, un plan d’action fut adopté le 24 novembre 2013 entre les ministres des «cinq plus un» (Allemagne, Chine, États-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie) et l'Iran. Cet accord mettra fin à 34 ans de rupture entre l’Iran et l’Occident. Quelles sont alors les retombées géopolitiques et stratégiques de cet «accord historique» sur l’Iran et le Moyen-Orient ?
L’accord de Genève : une percée historique dans le processus des négociations
Avant d’aborder l’accord de Genève et de procéder à l'analyse de son contenu et de son impact sur l’avenir des relations internationales, il est important de faire une récapitulation des positions des «cinq plus un» (5+1) d’une part, et celles de l’Iran d’autre part.
Tout d’abord, il est important de souligner que la rencontre de Vienne du 7 octobre 2009 a réalisé le premier pas dans les négociations entre les 5+1 et l’Iran dans la mesure où elle a permis pour la première fois de dépasser les différends idéologiques et de suggérer des alternatives techniques à la requête officielle de l’Iran d’acquérir 116 kilogrammes d’uranium enrichi à 19,5% pour son centre de recherche nucléaire de Téhéran, en contrepartie de la livraison de son stock d’uranium faiblement enrichi à 3,5%. Cet accord avait été accepté par le Président Ahmedinejad, du moment qu’il garantit à Téhéran le droit d’enrichir l’uranium sur son sol en contrepartie d’inspections internationales renforcées (application du Protocole additionnel au TNP). Cependant, le contexte de l’époque, marqué par le manque de confiance, n’a pas facilité la conclusion d’un accord.
Donc, dans ses exigences fondamentales, l'Iran revendique le droit d’être reconnu comme puissance du «seuil nucléaire», c'est-à-dire le droit d’enrichir l'uranium sur son territoire, ceci constitue pour la République islamique une ligne rouge. Les résolutions de l'ONU depuis dix ans demandent une «suspension» de cet enrichissement, fait, au moyen de centrifugeuses, à 3,5% et depuis plus récemment à 20%. Pour les Iraniens, les négociations doivent inclure obligatoirement leur «droit inaliénable à la technologie nucléaire civile», comme le postule le Traité de non-prolifération nucléaire».
Quant aux Occidentaux, la militarisation du programme nucléaire iranien est une ligne rouge. De ce fait, les négociations doivent porter sur les garanties et l’engagement de l’Iran à ne pas développer un programme nucléaire militaire. Il a fallu reporter et renégocier les points de divergences. Les négociations ont repris le 19 novembre 2013. Cette troisième réunion en cinq semaines est entourée d'une pression énorme, à la hauteur de l'enjeu. Cette fois-ci, un accord sur le nucléaire iranien a finalement été conclu, dans la nuit du samedi 23 au dimanche 24 novembre, entre Téhéran et les 5+1. Cet accord préliminaire avait pour objectif immédiat de rétablir la confiance entre Téhéran et les grandes puissances après des décennies de tensions.
L’accord de Genève : L’hypothèse de la «bombe» cédera la place à l’hypothèse du «seuil»
L’accord de Genève a mis fin à 34 années de guerre, l'Iran est sorti quasiment vainqueur de cette nouvelle phase des négociations. Dans l’immédiat, le danger d’une «bombe» iranienne fut écarté par l’Occident. L'accord américano-iranien, signé le 24 novembre 2013 au Palais des nations à Genève, est un accord gagnant-gagnant. Un accord historique, sans aucun doute, c'est ainsi qu'a été salué l'accord sur un plan d'action conclu entre les ministres des «cinq plus un» et l'Iran.
Cet accord est bénéfique pour L'Iran dans la mesure où, selon Pascal Bonifas, «l’Iran en sort renforcé, la levée des sanctions va lui permettre de développer son économie et de renforcer sa position de puissance régionale. Son droit à l'enrichissement de l'uranium que le TNP n'interdit pas lui reste reconnu». L’Iran a atteint ses objectifs nucléaires – maintien de ses centrales d'enrichissement de l'uranium sur son sol – ce qui le met au «seuil nucléaire» et sanctuarise le pays. Et politiques : être reconnu comme puissance régionale. En effet, il serait naïf de limiter ledit accord à la question nucléaire. Les observateurs ont relevé la coïncidence entre la signature de l'accord de Genève et l'annonce, trente-six heures après, de la conférence de paix sur la Syrie. Un autre objectif, d’ordre stratégique, et qui constitue la véritable crainte d’Israël et des monarchies pétrolières, vient s’associer aux deux premiers pour faire de l’Iran la puissance la plus redoutable de la région. En effet, la convention de Genève facilite le rapprochement entre l’Iran et les pays occidentaux, ce qui ouvre la voie à une nouvelle recomposition des alliances, déjà en gestation.
L'accord américano-iranien permettra à l'Occident en général et aux États-Unis en particulier de disposer d'une région «pacifiée», gérée par une puissance politique et militaire efficace. Si la confiance d'antan se rétablit entre l'Iran et les États-Unis, une entente stratégique est possible. D’ailleurs, les États-Unis ont tendance à se désengager progressivement du Moyen-Orient pour se réinvestir dans la région pacifique à la recherche des métaux rares. Ce basculement dans la politique étrangère américaine, du Moyen-Orient vers l’océan Pacifique, annoncé par Barack Obama comme priorité lors de son discours à la nation en 2010, a été renforcé par un autre facteur qui ne manque pas d’importance, l’indépendance de l’économie américaine vis-à-vis du pétrole du Moyen-Orient, grâce à ses réserves fédérales.
Les investissements industriels et pétroliers en Iran pourront repartir de plus belle et rapporter énormément aux banques d'investissement occidentales. En même temps, un accord sur le nucléaire permettrait de régler d'autres dossiers épineux dans la région. Le protocole discuté et adopté à Genève est pratiquement celui concocté par les États-Unis et l'Iran lors des discussions secrètes à Oman, commencées en mars 2013.
Sans tenir compte de la nature de son régime (démocratique, despotique, ou autre), l’Iran, par sa géopolitique et son histoire, ses potentiels économiques et intellectuels, jouit d’une place particulière dans la région et dans le monde. Il est influent en Asie centrale, en Afghanistan, très présent – économiquement et par groupes politiques et militaires entraînés – en Irak et impliqué politiquement, économiquement et militairement au Liban et en Syrie. L’Iran dispose d’une industrie militaire en plein développement. Il fait partie des six nations qui ont envoyé des êtres vivants dans l’espace. Avec ses 15.000 centrifugeuses, son uranium enrichi à 3,5 ou 20%, l’Iran est au seuil nucléaire. C'est un pays acteur de la région.
Disposant de beaucoup d’atouts actuellement face à l’Occident, l’Iran n’est ni en position de force ni en position de faiblesse. Pour beaucoup de raisons, il a intérêt à négocier. Sur le plan nucléaire, un retour en arrière est impossible. Mais le pays a intérêt à équilibrer ses relations entre la Russie, la Chine et l’Occident. L’Occident en général et les USA en particulier en sont conscients. Il est dans l’intérêt de l’Occident que l’Iran jouisse d’une liberté de manœuvre par rapport à la Russie. De même, pour l’ensemble des points litigieux au Moyen-Orient, un accord permettra à l’Iran de devenir un acteur de stabilité régional.
Cet aspect d’ordre politique constituera la première phase de la prolongation des pourparlers entre l’Iran les 5+1, et ce pour l’obtention d’un «accord politique» d’ici fin mars 2015. Sachant que les partis se sont mis d’accord sur un prolongement des négociations de 7 mois, pour aboutir à un accord global. Dans ce sens, il est capital de dire que la partie technique portant sur le nucléaire est presque close et que le défi après l’expiration de l’accord intérimaire du 24 novembre 2013, serait l’entente sur les questions géopolitiques au Moyen-Orient. Que de chemins parcourus !