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Ce n’est pas encore le rush

Les ménages intéressés par un logement dédié à la classe moyenne devront prendre leur mal en patience. Pour des besoins annuels estimés à 20.000 unités, seuls des chantiers d’Al Omrane, qui s’est engagé sur 3.600 logements sur deux ans, ont été lancés. La production du secteur privé, qui a déposé à ce jour 20 conventions auprès du ministère de l’Habitat, devrait suivre. Le gouvernement réussira-t-il son pari sur un marché en proie à la cherté du foncier et où les professionnels ne jurent que par les marges.

Le gouvernement parviendra-t-il à faire sortir de terre ses 20.000 logements dédiés à la classe moyenne ? Jusqu’alors, la mission semble difficile, surtout que le secteur privé rechigne encore à adhérer en masse à cet important programme, malgré les déclarations de bonnes intentions de membres de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI).

Depuis 2013, les opérateurs privés, surtout les grands, ont fait des pieds et mains pour décrocher des incitations du même type que celles accordées pour les logements sociaux. Mais le gouvernement a «tenu bon», pour reprendre les termes d’une source proche du ministre de l’Habitat. La loi de Finances 2014 a certes apporté des modifications pour encourager le secteur privé à investir le créneau, mais elles ont surtout concerné le prix du mètre carré et la superficie (7.200 DH/TTC au lieu de 6.000 DH/TTC). La publication du cahier des charges pour ce type de logement, en janvier 2014, n’aura pas non plus fait avancer les choses. Les promoteurs immobiliers ont tiqué sur certaines dispositions et réclamé la construction en hauteur pour optimiser le foncier.

Ils attendent à ce jour, la réponse du ministère de l’Habitat aux propositions de modifications qu’ils lui ont formulées début février 2014. Selon nos sources, ce serait surtout les grands promoteurs réunis au sein de la Fédération qui évoqueraient encore le caractère «peu incitatif» du package. Nous avons tenté d’en savoir plus auprès de la FNPI, mais elle n’a pas donné suite à notre demande. Mais l’on sait que leurs doléances concernant le cahier des charges sont toujours à l’étude. Elles concerneraient essentiellement l’obligation d’installation d’ascenseurs, la superficie des chambres et le type de matériaux.

Des besoins annuels estimés à 20.000 unités

Fin 2013, la FNPI avait évoqué un besoin annuel estimé à 20.000 unités. Un niveau réalisable sur deux ans (horizon 2016), selon le ministère de l’Habitat. Nabil Benabdellah arrivera-t-il à tenir ce pari ? Au vu des premiers chiffres disponibles et des annonces de projets, tout porte à croire que le défi peut être relevé. Si le programme d’Al Omrane aboutit (3.600 logements sur deux ans) et les conventions signées ou en cours de signature avec des promoteurs de petite et moyenne tailles avec à la clé près de 9.500 logements, selon la direction de Promotion immobilière, se concrétisent par une mise en chantier effective dès cette année, le ministère pourrait alors atteindre son objectif quantitatif. Car, jusqu’à preuve du contraire, tous les projets envisagés concernent des villes moyennes à petites. Or, la demande en logements, surtout pour la classe moyenne, est aussi fortement exprimée dans les grandes villes. Et même si l’Etat ouvre le foncier public au secteur privé, il n’est pas sûr qu’il le fasse dans les grandes villes où la classe moyenne est plus importante. Le top management d’un grand groupe de la place affirmait en 2013 que même si l’Etat donne accès à ce foncier, ce sera dans les zones urbaines de petite ou moyenne taille. 

Même son de cloche auprès de la direction des Domaines. Selon Mohamed Heimar, l’un de ses directeurs, «il est difficile de construire des logements pour la classe moyenne à Casablanca ou à Rabat». Pour lui, les villes nouvelles par contre peuvent offrir un nouveau cadre pour voir ce segment se développer et limiter l’impact de la raréfaction du foncier.
La piste de débloquer les zones industrielles désaffectées, comme celles de Aïn Sebaa et Hay Mohammadi à Casablanca, pour les ouvrir au privé avait été évoquée par le passé. Encore faut-il que l’Etat l’étudie sérieusement.

Plus que le cahier des charges, le cadre de vie

De l’avis de plusieurs experts que nous avons sollicités, le cahier des charges tel que présenté par le ministère de tutelle comporte des nouveautés de taille qui assureraient une plus grande qualité des logements. Mais selon certains d’entre eux, le tout n’est pas de respecter le cahier des charges. L’emplacement du foncier est primordial. Le logement pour la classe moyenne doit en effet garantir à l’acheteur un cadre de vie et un environnement convenables. Or, dans les grandes villes, même si ce type de logements devait voir le jour, ce serait dans la périphérie, où souvent le cadre de vie ne séduirait pas les ménages de la classe moyenne (problèmes de transport public, de sécurité et d’infrastructures sociales notamment).

Rappelons que la classe moyenne a toujours été le parent pauvre du secteur immobilier. Quand les ménages ne se rabattent pas sur le social, ils optent pour le moyen ou haut standings dont la frontière est souvent déterminée par le prix. Autant dire que la classe moyenne ne trouve pas son bonheur dans l’offre existante. Les gouvernements de Driss Jettou (2003-2007) et de Abbas El Fassi (2008-2011) se sont d’ailleurs succédé sans proposer de dispositif incitant les opérateurs à investir dans des projets immobiliers dédiés aux revenus moyens. L’argument qui ressortait à l’époque est qu’il était difficile de définir une offre spécifique pour l’ensemble du territoire et que les classes moyennes différent d’une région à une autre.
Et même l’étude du Haut Commissariat au plan (HCP) qui a tenté de cerner cette frange de la population ne règle pas vraiment le problème.

«L’Etat doit oser les leviers de la fiscalité, du financement et du foncier», estime le fiscaliste Mohamed Rahj. Selon lui, il est grand temps de procéder à une révision de l’imposition du secteur immobilier, dans un cadre global pour le redynamiser. Les mesures prises pour parer aux urgences tombent souvent dans l’incohérence, estime Rahj. Elles ne sont pas toujours synonyme d’une optimisation des coûts.


Le logement dans le duo de tête des dépenses de consommation

En 2009, le Haut commissariat au plan (HCP) avait publié les résultats d’une enquête sur le profil des classes moyennes au Maroc. Une première à l’époque qui avait débouché sur une longue polémique. Selon cette enquête, les classes moyennes marocaines regrouperaient 53% de la population contre 34% pour la classe modeste et 13% pour la classe aisée.
Elles comptent 16,3 millions de personnes, dont 62,9% en milieu urbain. En termes de revenu moyen par ménage et par mois, le HCP identifie trois catégories. La première, dite supérieure et représentant 28% du total de cette frange de la population, dispose d’un revenu dépassant la moyenne nationale (5.308 DH). La deuxième catégorie, soit 42%, dispose d’un revenu situé entre la médiane et la moyenne nationales, tandis que les 30% restants, soit la catégorie inférieure, bénéficie d’un revenu inférieur à la médiane nationale (3.500 DH).
L’étude s’est également intéressée aux sources de revenus des classes moyennes. Le salariat pointe en tête pour 44,5% de cette population (52,7% pour le milieu urbain, 27,7% pour le rural), devant les entreprises individuelles agricoles et non agricoles à hauteur de 30,3% (urbain : 19,3%, rural : 53,2%). Le reste est constitué essentiellement des transferts (13,3% dont 13,8% en ville et 12,2% dans les campagnes) et des rentes pour 9,4% (urbain : 11,4%, rural 5,2%). Près des deux tiers des dépenses de consommation de cette classe moyenne vont à l’alimentation et l’habitat, contre trois quarts pour la classe modeste et moins de la moitié pour les classes aisées.

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