Le nombre d’athlètes et de joueurs marocains ayant décroché leur baccalauréat au cours de leur carrière sportive est à compter sur les bouts des doigts. Et bon nombre de jeunes ont dû laisser tomber la pratique sportive pour se consacrer à leurs études. Concilier le sport et les études scolaires est une équation difficile, voire impossible, tellement les deux activités absorbent le temps et nécessitent une concentration approfondie. Plusieurs jeunes marocains talentueux ou avantagés physiquement se sont retrouvés, à un moment de leur parcours scolaire, face à un dilemme : choisir entre le sport et l’école. Une situation inextricable qui trouve une solution dans le programme «Sport-études», le meilleur moyen de garantir une dualité de formation et d’offrir aux jeunes sportifs davantage de débouchés. L’objectif principal de ce programme est de permettre au jeune athlète de se développer dans sa discipline de prédilection, tout en maintenant ses études au premier plan. Il garantit également aux joueurs identifiés d’accélérer leur développement sportif et académique à l’intérieur d’une structure adéquate, grâce à un volume d’entraînement supérieur, un développement technique accru et une préparation au programme de compétition de plus haut niveau. Plus important encore, le fait que des écoles secondaires publiques et privées se fassent concurrence dans des programmes sport-études est un excellent moyen de combattre le décrochage scolaire, car les jeunes surdoués pullulent dans le Royaume et ne demandent qu’à être encadrés. Cette filière a déjà conquis plusieurs pays, notamment francophones, comme la France ou le Canada (où il existe –rien qu’au Québec- plus de 400 programmes sport-études). Au Maroc par contre, les quelques expériences qui ont vu le jour ont été avortées un laps de temps après leur création, et ont essentiellement porté sur le football négligeant les autres disciplines.
Le sport-roi accapare les quelques exceptions marocaines
Il y a une décennie, quelques expériences de «sport-études» ont tenté de s’imposer sur le territoire marocain, sauf que la majorité écrasante était destinée aux pratiquants du football. L’expérience phare dans ce domaine est l’académie Mohammed VI de football, inaugurée en 2010 par Sa Majesté le Roi Mohammed VI et affiliée à la Fédération royale marocaine de football (FRMF). Destinée aux jeunes de 13 à 18 ans, recrutés en fonction de leur potentiel technique et physique, l’Académie dispose d’une infrastructure pédagogique et sportive destinée à prodiguer à ses pensionnaires le cursus de type «Sport-études», basé sur une formation sportive intensive et sur un suivi scolaire personnalisé. Tout juste nommé directeur technique national auprès de la FRMF, Nasser Larguet, ancien responsable de l’académie, nous en dit plus sur le mode de fonctionnement de l’établissement : «La formation dispensée est répartie en trois axes : l’éducation civique, l’enseignement scolaire et les entraînements physiques. Les cours vont du secondaire au lycée et sont dispatchés sur 24 à 26 heures par semaine.» Pour Nasser Larguet, «il serait criminel de ne pas assurer une issue de secours à ces jeunes sportifs». Ce système est donc incontournable pour un pays regorgeant de jeunes talents qui sont souvent gâchés face au manque d’un encadrement. Outre l’académie Mohammed VI, les centres de formation des clubs nationaux sont supposés adopter le programme «Sport-études», sauf que l’activité dans plusieurs de ces structures serait actuellement «suspendue». Le porte-parole du Raja de Casablanca nous a confirmé l’information, expliquant que «le centre du RCA et ceux d’autres clubs nationaux n’ont toujours pas repris leurs fonctions, puisqu’on attend les directives du nouveau responsable de la formation au sein du bureau fédéral, Abdelmalek Abroun en l’occurrence». Nous avons essayé de contacter ce dernier pour plus d’informations, sans succès. Une autre initiative, cette fois émanant d’un opérateur privé, avait vu le jour à Agadir fin 2012. L’Académie JMG football (créée par un agent de joueur marocain et un ancien footballeur français) avait opéré un premier casting national dans les principales villes du Royaume pour sélectionner de 12 à 14 enfants, âgés de 11 à 13 ans et devant suivre une formation qui durera entre six et neuf ans. Toutefois, ce projet est tombé à l’eau après tout juste un an pour «défaut du partenaire financier», sachant que les responsables avaient fait l’effort de terminer l’année scolaire afin de ne pas porter préjudice à ce niveau pour les enfants.
Un tremplin pour l’essor du sport, malheureusement ignoré
Si le football peut capitaliser sur les quelques centres et académies existants, les pratiquants d’autres disciplines sont tout simplement contraints d’abandonner les études pour envisager une carrière professionnelle. Si les «Écoles de sport» proposées par le ministère de la Jeunesse et des sports permettent aux enfants âgés de 6 à 12 ans de se familiariser à la pratique de diverses disciplines sportives, aucun modèle de scolarisation des élèves-athlètes de haut niveau de 13 à 18 ans n’a réussi à s’imposer. L’Institut Royal Moulay Rachid de formation des cadres de la jeunesse et des sports (IRFC/JS) avait fait l’exception pendant un laps de temps, mais a finalement dû jeter l’éponge. «Nous disposions effectivement d’un centre “sport-études”, axé sur trois disciplines : le hand-ball, le volley-ball et le basket-ball. Malheureusement, nous avons dû abandonner ce projet, de même que le centre Bellevue –dispensant aussi cette formation- qui a été fermé pour travaux», nous confie le directeur de l’IRFC/JS, Brahim Alaoui Belghiti. En effet, le centre Bellevue (administré par l’IRFC) abritait un «Centre national du sport et de préparation permanente» il y a 6 ans. Cette structure, réalisée dans le cadre d’un partenariat entre le ministère de la Jeunesse et des sports, le Comité national olympique marocain (CNOM) et les fédérations sportives, s’attelait à repérer les futurs talents afin de les accompagner dans leur carrière tout en leur permettant de suivre une scolarité adaptée, mais a fini par plonger dans l’inertie depuis quelques années. «C’est regrettable, puisque ce programme comprend deux terminologies très importantes : sport et étude. Si le temps imparti aux deux volets est bien étudié et que les encadreurs n’axent pas la formation sur la pratique sportive, ce programme peut être extrêmement bénéfique pour les jeunes sportifs et pour le sport national», poursuit le directeur de l’IRFC qui nous a assuré qu’aucun projet n’est sur les rails actuellement. Outre les projets pédagogiques particuliers en sport, signalons qu’il existe aussi des concentrations «Sport-études», qui sont limitées dans le temps et s’étalent sur une durée de 1 à 3 mois. Cette dénomination est parfois donnée, à tort, aux programmes annuels, mais devrait être réservée aux projets approuvés par le ministère et visant les élèves-athlètes d’élite.
Entretien avec Nasser Larguet, ancien directeur de l’Académie Mohammed VI
«Il serait criminel de ne pas assurer une issue de secours à ces jeunes talents !»
Matin Sports : L’Académie en est à sa cinquième année d’exercice, combien de pensionnaires compte-t-elle actuellement ?
Nasser Larguet : L’Académie a commencé son activité avec soixante jeunes âgés de 12 à 18 ans. Elle en compte actuellement 80, un nombre qui est bien au-delà de sa capacité d’accueil, soit 60 personnes. Notre objectif est de fournir aux jeunes pensionnaires toutes les conditions favorables au développement de leurs capacités physiques et sportives, tout en garantissant un enseignement académique de rigueur, selon les normes en vigueur. Recrutés en fonction de leur potentiel technique et physique, ceux-ci bénéficient en effet d’une formation sportive intensive et d’un suivi scolaire personnalisé, tous deux assurés sur les lieux de l’Académie.
Comment répartissez-vous le temps imparti aux cours et aux entraînements ?
La formation dispensée est répartie en trois axes : l’éducation civique, l’enseignement scolaire et les entraînements physiques. Les cours vont du secondaire au lycée et sont dispatchés sur 24 à 26 heures par semaine, soit le nombre d’heures légales autorisé par le ministère de l’Éducation nationale, tandis que les séances d’entraînement sont de deux à trois par jours.
Quelle est, selon vous, l’importance de l’amalgame «Sport-études» pour un pays comme le Maroc ?
Au moment où ces talents en herbe sont repérés, ils sont destinés à atteindre un stade de haut niveau et à devenir professionnels, mais ils n’y parviennent pas tous. En prenant cela en considération, il serait criminel de notre part de ne pas leur assurer une issue de secours, d’où la nécessité d’un suivi scolaire parallèle aux entraînements. Si le sportif en herbe doit, pour une raison ou une autre, abandonner l’option d’une carrière sportive, il aura quand même acquis une éducation qui lui permettra de poursuivre des études universitaires ou autres.
