Le gaz butane figure parmi les trois produits énergétiques les plus subventionnés et qui absorbent la grande partie du budget de compensation, soit plus de 85%. Selon le rapport de la Cour des comptes, le gaz butane concentre 20% de la consommation globale des produits pétroliers subventionnés, en raison de son utilisation par les ménages et le secteur agricole.
En effet, ce produit est consommé principalement par les ménages (59%) et par l’agriculture (39%). Il est utilisé dans le secteur agricole essentiellement pour le pompage d’eau et le chauffage dans l’aviculture et les cultures sous serres. Les experts de la Cour des comptes indiquent, cependant, que la consommation du gaz butane est couverte à 92% par des importations alors qu’il constitue le produit pétrolier le plus subventionné par rapport à son prix de vente, avec une contribution moyenne unitaire de compensation de 224% en 2012 et 221% en 2013.
En 2013 justement, le gaz butane a été compensé à hauteur de 15,2 milliards de DH, soit le 2e produit pétrolier le plus compensé après le gasoil (16,3 milliards DH). De plus, en raison de son prix, il a connu une déviation, par rapport à sa destination sociale originelle, vers des usages industriels et professionnels qui profitent de plus en plus de son prix très bas.
Selon les magistrats de la Cour des comptes également, les opérateurs dans cette filière sont subventionnés sur toute la chaîne, depuis l’acte d’achat sur les marchés internationaux jusqu’à la distribution. Par conséquent, ils ne sont pas enclins à chercher les meilleures opportunités qui se présentent pour approvisionner le marché national. Il faut rappeler que pour le gaz butane, près de 75% des besoins sont satisfaits par des contrats annuels liant les sociétés d’emplissage à certains fournisseurs internationaux. Le reliquat est acheté sur les marchés spot en fonction des opportunités qui se présentent.
A partir de 1995, les importations des produits pétroliers sont devenues libres sauf pour le gaz butane qui est soumis à une procédure dans laquelle le ministère de l’Energie fixe les contingents et approuve les contrats d’achat. Toujours est-il que la procédure spéciale de régularisation des importations en place ne favorise pas la concurrence entre les opérateurs et le développement de modes d’achat plus intéressants à travers, par exemple, des contrats de longue durée ou des achats groupés.
Il est à souligner que la chaîne de conditionnement et de distribution du gaz butane est aussi marquée par la multiplicité des intervenants qui est reflétée dans la structure des prix de vente. Ces intervenants bénéficient de différentes marges et de remboursement de frais prévus dans cette structure basée sur une logique de filière constituée d’opérateurs essentiellement indépendants et intervenant chacun dans une partie de la chaîne (importation, conditionnement et distribution). La somme de ces marges, à elles seules, représente 43,8 et 50,2% des prix de vente respectifs des bouteilles de 12 et 3 kg. Or, si ce secteur est caractérisé par une tarification établie selon une logique d’opérateurs indépendants les uns des autres, qui prévoient la rémunération de chaque intervenant de manière séparée, certains de ces opérateurs se sont fortement intégrés. La tarification en vigueur n’est plus donc adaptée à la structure actuelle du secteur.
Efficacité énergétique et énergies renouvelables
L’équipe de Driss Jettou propose, ainsi, dans son rapport, de prévoir un mécanisme de révision périodique de ces structures pour prendre en compte les évolutions du marché et de la filière et adapter la structure des prix du gaz butane au fait que de nombreux opérateurs sont aujourd’hui totalement intégrés. La révision de la structure des prix de vente offrirait la possibilité de fixer les frais et marges dans des postes uniques et à des niveaux plus bas.
En outre, la Cour des comptes estime nécessaire d’étudier la possibilité de limiter la compensation du gaz butane à des contingents destinés aux seuls ménages. En même temps, il faudra prévoir, pour le secteur agricole, des programmes de soutien encourageant en particulier l’utilisation de kits fonctionnant à l’énergie solaire.
La Cour des comptes recommande globalement de prendre des mesures d’accompagnement dans le cadre d’une politique volontariste en vue d’encourager les solutions basées sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, notamment pour l’agriculture, les ménages et les administrations publiques, étant précisé que l’impact de ces mesures restera limité tant que les tarifs du kWh sont largement inférieurs au coût de revient. La juridiction préconise, par exemple, de prendre les dispositions rendant obligatoires les lampes à basse consommation dans les administrations publiques, les collectivités locales et les autres organismes publics et incitant à leur généralisation à l’ensemble des autres consommateurs.
Elle estime aussi préférable de mener une réflexion quant à la possibilité de remplacer progressivement le parc utilisé actuellement dans le transport public par des véhicules fonctionnant au gaz naturel liquéfié qui peut s’avérer plus économique et moins polluant. Sur ce volet, la Cour des comptes recommande de lancer progressivement la filière du gaz naturel et de doter le pays d’infrastructures appropriées pour la distribution de ce produit en commençant par les grands centres urbains, ce qui sera de nature à permettre des économies importantes, notamment en coûts de distribution. La Cour estime, par exemple, que le processus de distribution du gaz butane (importation, emplissage, distribution par bonbonnes de 12 et 3 kg) engendre des coûts élevés par rapport à d’autres modes de distribution utilisés dans d’autres pays, notamment pour le gaz naturel.
