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La stabilité passe aussi par la réactivation des échanges transsahariens

Le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) vient de publier l’Atlas qui aborde les défis sécuritaires de l’espace sahélo-saharien. Le document braque les projecteurs sur la mobilité qui caractérise cette zone et insiste sur l’approche économico-commerciale pour faire face aux problèmes auxquels est confrontée la région.

La stabilité passe aussi par la réactivation  des échanges transsahariens
Les groupes terroristes cherchent davantage à contrôler les frontières et les routes qu’une portion de territoire national.

«La nature mobile des insécurités appelle une réponse régionale intégrée au Sahara-Sahel», ont conclu les rédacteurs de l’Atlas du Sahara-Sahel : géographie, économie et insécurité», document qui traite de l'avenir des espaces sahélo-sahariens et qui vient d’être publié par le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Ce document propose une lecture différente du Sahara-Sahel insistant sur une analyse de ses flux transnationaux et régionaux. Cet atlas décrypte la complexité des mouvements des biens et des hommes. Il s’attarde sur les migrations, les réseaux et les attaques terroristes, les trafics ainsi que les initiatives régionales et internationales de stabilisation. «Nous souhaitons souligner que le Sahara-Sahel n’est ni vide ni sans espoir. La région est traversée de routes avec des populations majoritairement urbaines installées suivant les pôles d’échanges et les corridors. Des incitations commerciales et des politiques adaptées et coordonnées peuvent relancer le Sahara-Sahel», a déclaré, il y a quelques jours (le 19 décembre), François Xavier de Donnea, président du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest lors du lancement de l’Atlas.

Le document relève que les 17.000 kilomètres de frontières du Sahara-Sahel ont plus favorisé le développement d’activités qu’ils ne l’ont entravé. Le trafic d’essence et de biens alimentaires profite des disparités nationales en termes de taux de change, taxes et subventions. Le trafic de cigarettes, de drogues et d’armes est étendu et régional. L’Atlas aborde la stratégie des groupes terroristes qui cherchent davantage à contrôler les frontières et les routes qu’une portion de territoire national. De nombreux groupes se sont greffés sur des réseaux sociaux historiques leur permettant l’action à distance. Ainsi, des chefs d’AQMI opèrent en s’appuyant sur l’extrême mobilité des tribus touareg et arabes de la région. Une partie de la solution, proposée dans ce document pour faire face à cette situation, réside dans la réactivation des circulations et des échanges transsahariens et dans une coopération économique, politique et sécuritaire mutuellement profitable. Dans ce sens, l’Atlas insiste sur le volet économique et présente l’expérience marocaine en parlant de «l’offensive commerciale marocaine en Afrique». Les rédacteurs de ce document rappellent que le Royaume a lancé, «avec l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI et en toile de fond le blocage de l’Union du Maghreb arabe depuis 1994, une offensive économique et commerciale appuyée par la diplomatie et le secteur privé. Durant la seule année 1998, 20 accords de coopération sont signés contre 88 entre 1972 et 1985. Conséquence de cette politique, les échanges entre le Maroc et ses partenaires africains passent de 533 millions de dollars à près de 3 milliards entre 1998 et 2008, soit une augmentation de 463%», lit-on dans le document. Plus d’éléments dans les réponses de Laurent Bossard, qui a dirigé les travaux de cet Atlas.


Questions à  Laurent Bossard directeur du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest

«Le Maroc a compris l’intérêt économique en Afrique»

Pouvez-vous, tout d’abord, nous donner un perçu sur cet Atlas que vous venez de publier ?
C’est une démarche très originale dans la mesure où, pour la première fois, on analyse, dans l’espace, le fonctionnement du grand ensemble sahélo-saharien. Nous refusons la vision non réaliste entre le Sahara et le Sahel. Nous prenons en compte le fait que le véritable espace de la menace transnationale, qui est notre problème aujourd’hui, c’est cet immense espace partagé par les pays du Maghreb et par les pays de l’Afrique de l’Ouest et du centre.

Justement, l’Atlas parle de la complexité des mouvements des biens et des hommes. Quelles sont les grandes lignes de cette complexité ?
Il y a différents degrés de complexité. La première complexité vient du fait de l’existence d’une hybridation entre des phénomènes irrédentistes qui sont anciens, notamment celui des Touaregs, en particulier au Mali et au Niger.
L’hybridation de ces irrédentismes avec des mouvements terroristes d’inspiration salafiste, qui ne sont pas originaires de cette zone, mais qui s'y sont progressivement implantés après les attaques du 11 septembre 2001, et l’immigration progressive d’Al Qaïda vers le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) algérien puis sa transformation en AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique), et sa migration vers le Nord Mali puis dans l’ensemble de la zone sahélienne. Il y a donc cette hybridation entre des mouvements irrédentistes anciens et des groupes salafistes. Le deuxième type d’hybridation vient, évidemment, des mouvements qui nourrissent et se nourrissent de tous les trafics. On pense au trafic de drogue, de cigarettes, d’armes… Tous ces intervenants, en réalité, s’interpénètrent. Dans beaucoup de cas, on ne sait pas à quels groupes on a affaire, d'autant plus qu’ils sont extrêmement mobiles dans cet espace régional s’appuyant sur un savoir-faire nomade ancien. Ces groupes sont tout autant salafistes, mafieux, trafiquants… parfois ces groupes brandissent également des revendications touaregs ou autres.

Quelles sont les réflexions consacrées au Maroc dans cet Atlas ?
Notre réflexion sur le Maroc est plutôt positive. Car nous pensons à des solutions à très long terme. Puisque cet espace est commun au Maghreb et à l’Afrique subsaharienne, la solution ne pourra être que commune. Certes, le court terme est aussi très important, mais il ne faut pas s’y limiter. À long terme, la vraie solution c’est que les pays des deux rives du Sahara comprennent qu’ils ont un intérêt commun à coopérer ensemble, pas seulement sur les aspects sécuritaires, mais sur tous les aspects. Il s’agit, en particulier, d’investissements, d'échanges commerciaux… Dans cet Atlas, nous essayons d’argumenter que le Maghreb et les pays de l’Afrique de l’Ouest et du centre ont des économies complémentaires…
Pourquoi ai-je une analyse très positive du Maroc dans ce contexte ? Parce que le Maroc est un précurseur et a compris qu’il y avait des intérêts économiques importants en Afrique de l’Ouest. Ainsi, le Maroc a une politique raisonnée et incite ses opérateurs économiques à investir en Afrique de l’Ouest. Nous pensons que c’est la voie. Car plus on échange plus on est interdépendant, plus on a de la croissance commune et plus on est en mesure de résoudre des problèmes qu’on a en commun. Donc, sur le long terme, la vraie stratégie c’est celle-là. Le Maroc l’a bien compris. Il y a évidemment d’autres problèmes majeurs qui font que pour que cela fonctionne à long terme, il faut que le Maghreb soit uni. 

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