Les cas de viol de mineurs sont aussi nombreux qu’horribles et ignobles. On entend presque toutes les semaines parler de nouveaux cas. Parmi les plus graves figure celui du directeur d’une école à Rabat et père de famille de 55 ans qui a été accusé en avril dernier de viol contre 12 pensionnaires d’un orphelinat de la capitale. Les victimes, des filles, ont passé toute une journée au commissariat à raconter aux policiers comment le directeur de leur école les aurait agressées sexuellement. Il faisait venir une fillette dans son bureau ou la prenait à part dans une salle de classe vide, la violait et s’assurait du silence de la victime en la menaçant de lui attribuer de mauvaises notes si jamais elle répétait ce qui se passait entre eux. Heureusement que l’une des fillettes a eu le courage de parler à la direction de l’orphelinat qui a déposé une plainte auprès du procureur général du Roi auprès de la Cour d’appel de Rabat. Plusieurs questions s’imposent : pourquoi de tels crimes odieux deviennent-ils un véritable phénomène de société ? Les actes de pédophilie au Maroc sont-ils en train d’augmenter ou est-ce seulement les gens qui commencent à parler de ce problème plus facilement ?
Pour répondre à ces questions Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social a divulgué les derniers chiffres concernant la pédophilie au Maroc. D’après la ministre, 147 cas de viols d'enfants ont été enregistrés en 2012 soit une progression de 3,52% par rapport à 2011. Concernant «les viols avec dépucelage», Bassima Hakkaoui a fait savoir que 382 cas ont été enregistrés durant la même période (une baisse de 14,35%), précisant que 382 personnes impliquées dans ces crimes ont été poursuivies alors que 871 cas de viol de mineures (une diminution de 9,74%) ont été enregistrés avec des poursuites à l'encontre de 940 personnes.
D’après les acteurs de la société civile, bien qu’on arrive de mieux en mieux à dénoncer les actes pédophiles, les tabous ne sont pas complètement brisés et les Marocains n’osent toujours pas parler librement de ce sujet très délicat. «Certes, la problématique du tabou en cas de viol de mineur persiste toujours. Beaucoup de victimes renoncent à porter leur affaire devant la justice, par crainte du qu'en-dira-t-on. Et nous pensons que notre rôle est de convaincre la victime et sa famille de passer outre cet état de fait, car un violeur de mineurs qui bénéficie de l'impunité est un récidiviste potentiel et le rôle des médias est incontournable dans la vulgarisation du phénomène», souligne Najat Anwar, présidente de l’association «Touche pas à mon enfant».
D’après cette dernière, il existe plusieurs facteurs qui favoriseraient la recrudescence des cas de viols de mineurs, à savoir la précarité sociale, la promiscuité, le manque flagrant d’informations, l’absence d'une éducation sexuelle dispensée au sein des écoles pour les enfants, dès le primaire, l’absence de communication parents-enfants (tabou social)… Par ailleurs, la militante associative appelle à élargir les prérogatives de la société civile. De même, un débat national doit être instauré relatif à la réforme du Code pénal marocain dans la partie concernant le viol, l’abus, l’agression et l’exploitation sexuels de l’enfant mineur.
