Menu
Search
Mardi 30 Avril 2024
S'abonner
close
Mardi 30 Avril 2024
Menu
Search
Accueil next Spécial Marche verte

300.000 enfants autistes au Maroc

Le quotidien des autistes et de leurs familles relève du parcours du combattant. Que ce soit pour le dépistage de la maladie, l’éducation, le traitement, la prise en charge… Même si l’État vient de lancer une stratégie nationale pour leur venir en aide, c'est encore le statu quo.

300.000 enfants autistes au Maroc
Les parents des autistes sont obligés de recruter des auxiliaires de vie scolaire.

Naître autiste et vivre au Maroc. Un calvaire. L’autiste et surtout sa famille doivent mener une bataille quotidienne dans un pays qui ne reconnait pas encore le statut d’autiste. «On marque un retard patent pour le traitement et l’accompagnement de cette population au Maroc. Nous rencontrons des problèmes majeurs à plusieurs niveaux.
L’État vient de lancer une stratégie nationale pour venir en aide aux autistes, mais pour l’instant, le tableau de bord est noir et morose pour les centaines de milliers de familles qui doivent gérer au quotidien cette maladie», déclare Soumia Amrani, membre du Collectif Autisme Maroc. Même si aucune étude exhaustive n’a été menée sur cette maladie, Mme Amrani estime qu’il existerait au Maroc plus de 300.000 autistes. Si on ne dispose pas de données précises sur cette pathologie, c’est qu’au Maroc, on ne s’intéresse pas à l’autisme et les familles sont livrées à elles-mêmes, selon le Collectif. Ce dernier regroupe environ 26 associations et tente avec les moyens de bord de venir en aide aux milliers de familles marocaines qui se sentent délaissées.

L'État a-t-il failli à sa mission d’accompagnement et de soutien aux autistes au Maroc ? À en croire les dires des familles, la réponse coule de source. En effet, l’exclusion sociale et la stigmatisation qu’endure cette population ne sont que la partie apparente de l'iceberg et les contraintes sont nombreuses. Tout d’abord, il existe un énorme déficit de spécialistes en la matière au pays. «Nous observons un énorme retard en termes de diagnostic. Un enfant n’est reconnu autiste qu’à partir de 3 ou 4 ans, généralement par les pédopsychiatres, ce qui est grave. Un diagnostic précoce aide l’enfant à amoindrir ces troubles comportementaux, puisque les signes apparaissent à partir de 18 mois», fustige Awatif Idrissi, présidente de l’association «La vie en Bleu», spécialiste en formation des familles et des éducatrices en autisme. Le diagnostic réalisé, les parents se renseignent ensuite sur les possibilités et options de traitement ? «Il n’existe pas de spécialistes au Maroc dans ce segment. On manque cruellement de personnel apte à éduquer, accompagner et suivre un autiste. Il existe en fait la méthode A.B.A. (Applied Behavioral Analysis) basée sur les méthodes comportementalistes et qui a fait ses preuves à l’international. Ici au Maroc, seule une psychologue maitrise cette méthode à Casablanca», regrette Awatif Idrissi.

Ainsi, face à des pédopsychiatres rarement formés aux méthodes comportementalistes, les parents n’ont qu’une issue : recourir aux associations pour bénéficier d’un programme éducatif (qui doit d’ailleurs être particulier à chaque enfant). Pour la conduite de ce programme, il faut payer les services (2.000 dirhams mensuellement) d’une éducatrice AVS (auxiliaire de vie scolaire), au moins 30 heures par semaine, et qui est formée au sein des associations. Entre l’éducatrice, la psychomotricienne, l’orthophoniste, la psychologue AVEA et le pédopsychiatre, entre autres, il faut compter entre 6.000 et 7.000 dirhams par mois, estime Mme Idrissi. Vous l’avez compris, il faut être riche pour prendre en charge un autiste. «Nous rencontrons beaucoup de familles démunies qui, malheureusement, face aux coûts exorbitants, laissent tomber, car ils ne peuvent plus prendre en charge leurs enfants. De même, l’État ne les prend pas en charge. Les parents sont livrés à eux-mêmes», se désole Mme Amrani.

Ce qui facilite encore moins la tâche aux parents, c'est que d’autres entraves se dressent et font que l’autiste est condamné à l'exclusion. L’exemple le plus frappant est celui des écoles qui n’acceptent pas les autistes et refusent la présence d’AVS au sein des établissements. Même ceux qui ont la chance de trouver un banc dans une école, ils rencontrent plusieurs problèmes. «Actuellement, je suis perdue. À l’école, avec le logiciel Massar, ma fille de 8 ans ne peut pas valider une deuxième langue, car elle ne l’a pas apprise. En effet, pour démarrer la communication verbale, il faut commencer par une seule langue. On a dû remettre une attestation du pédopsychiatre et on attend toujours une réponse de l’Académie de l’éducation nationale», souligne Mme Irdissi. Même constat d’exclusion dans le milieu professionnel, puisque cette dernière nous confie que l'Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) n’accepte pas les dossiers des autistes. Une aberration, selon elle. Elle nous fait part de son inquiétude quant à cette situation qui découle d’un problème plus global.

En fait, il n’existe pas de statut ou de règle précise pour un autiste au Maroc. Que ce soit pour l’héritage, dans les juridictions, à l’école, dans la rue, aux commissariats, les autistes sont souvent écartés et exclus, ce qui ajoute à leur malaise social. Au Canada, à titre d’exemple, dans chaque quartier, les commissariats ont des fiches avec les autistes présents dans leur périmètre et ces derniers disposent de bracelets ou de badges avec le nom du médecin traitant. Un exemple qui montre l’énorme retard pris par le Maroc sur ce chantier. 

Lisez nos e-Papers