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Bataille autour des nouveaux relais de croissance

Le segment du mobile s’essouffle et l’Internet haut et très haut débit semble être le nouvel Eldorado pour les opérateurs. À coup de plaintes et de lobbying, Inwi et Méditel semblent décidés aujourd’hui à marquer leur entrée sur le marché de l’ADSL, sous le monopole de fait de Maroc Telecom.

Bataille autour des nouveaux relais  de croissance
En 2013, le CA du marché des télécoms est passé en dessous du niveau atteint en… 2008. Soit 32,7 milliards de DH, contre 32,9 milliards. Ph. DR

Les fondamentaux du secteur des télécoms changent. Le segment du mobile n’est plus aujourd’hui cette vache à lait génératrice des principaux revenus, même si le gros des abonnés y reste concentré. La baisse du chiffre d’affaires du secteur, amorcée en 2011, s’installe dans la durée. En 2013, le CA du marché des télécoms est passé en dessous du niveau atteint en… 2008. Soit 32,7 milliards de DH, contre 32,9 milliards.
Pour générer du chiffre, le salut des opérateurs se trouverait ainsi dans d’autres segments, où le potentiel de développement est encore important. À savoir l’Internet haut débit et très haut débit (doublement du parc Internet mobile 3G), le DATA et la téléphonie fixe. Ce sont d’ailleurs ces segments qui ont permis à Maroc Telecom, au terme du premier semestre 2014, de renouer avec la croissance de son chiffre d’affaires global réalisé au Maroc (après plus de cinq années de baisses consécutives). Les utilisateurs marocains s’équipent en effet de plus en plus de puces 3G (explosion des smartphones) et les besoins en haut débit sont de plus en plus grands pour les entreprises comme pour les particuliers). Le segment du Data et de l’Internet haut débit est devenu ainsi hautement stratégique pour les opérateurs du marché, pistant de nouveaux relais de croissance. Surtout que deux d’entre eux accueillent depuis peu de nouveaux actionnaires en quête d’une visibilité à moyen terme concernant les retours sur investissement.

Cet état de fait explique en partie la guerre des tranchées que se livrent aujourd’hui les acteurs du marché concernant le partage d’infrastructures. Cette bataille, à peine visible il y a quelques années, s’est dévoilée au grand jour. Elle a été ouverte en effet par Inwi, qui a déposé début 2014 une plainte auprès du régulateur du marché, l’Agence nationale de réglementation des télécoms (ANRT), contre Maroc Telecom. La filiale du Koweïtien Zain y accuse ouvertement l’opérateur historique de bloquer l’accès à son infrastructure filaire (boucle locale, à travers une offre de dégroupage). Cette dernière est nécessaire aux opérateurs pour déployer l’infrastructure ADSL et offrir le haut débit à leurs clients. Le régulateur a réagi quelques mois plus tard en sommant Maroc Telecom de proposer une nouvelle offre (soit, implicitement de baisser ses tarifs), sinon l’ANRT imposerait sa propre vision des tarifs de location. Un ultimatum a été même imposé à Maroc Telecom (45 jours). Une première à tous les niveaux.

Faire émerger des spécialistes du Big DATA

Si le régulateur a haussé le ton et tapé sur la table, c’est parce que ses objectifs vont de pair, pour une fois, avec ceux des autres acteurs du marché (Méditel et Inwi). Dans sa stratégie pour l’équipement du territoire en haut débit à l’horizon 2020, l’ANRT accorde en effet une place de choix au levier du partage d’infrastructures et à une importante dynamique d’investissements pour booster le marché de l’Internet, où le taux d’équipement au Maroc reste des plus faibles (19,45% à fin mars 2014). Or, pour investir, les deux autres opérateurs doivent être présents sur les marchés de l’Internet ADSL et du haut débit. Sauf que le dossier du partage d’infrastructures n’a pas avancé d’un iota depuis la deuxième phase de libéralisation du marché des télécoms (entamée en 2009, avec l’arrivée d’Inwi sur le marché). Comme Méditel, Inwi a dû revoir ses ambitions à la baisse sur les segments Internet et ADSL, car les tarifs de location des infrastructures n’étaient pas «viables économiquement», selon une déclaration du DG d’Inwi à l’époque. Les objectifs de l’ANRT de couvrir le territoire en Internet HD ne pouvaient donc être réalisés face à une situation de blocage qui perdurait. «Le marché des télécoms au Maroc a basé sa croissance sur la Voix. Cette tendance devrait s’estomper dans les 10 prochaines années», avait déclaré à maintes occasions Azddine Mountassir Billah, DG de l’ANRT. Pour y arriver, l’Agence table sur la commercialisation de la 4 G (annoncée pour 2015), sur l’arrivée de nouveaux opérateurs sur le segment de l’ADSL (pour baisser les prix à travers le jeu de la concurrence) et, à terme, l’émergence d’opérateurs spécialisés dans le Big DATA.

Valeur aujourd’hui, l’opérateur historique défend bec et ongles sa position. Lors de la présentation des résultats semestriels 2014 de Maroc Telecom, Abdeslam Ahizoune, président du directoire d’IAM, s’est ainsi «lâché» : «Je ne sais pas pourquoi on veut nous faire passer pour des méchants alors que nous sommes très clairs sur ce point», a-t-il lancé. Pour lui, Maroc Telecom «n’est pas contre» le partage. «Au contraire nous sommes demandeurs, mais à condition qu’il se fasse dans des conditions équitables», a-t-il ajouté. Abdeslam Ahizoune n’hésite pas à désigner, indirectement et sans le nommer, l’opérateur Méditel, l’accusant de rechigner à investir dans les infrastructures (qui coûtent cher). «Je ne vois pas comment un grand opérateur de la place qui a équipé toute la France en fibre optique ne veut pas investir au Maroc et brandit à chaque fois cette carte de partage», renchérit-il. L’allusion est faite à France Telecom, actionnaire majoritaire de Méditel, depuis quelques années. Le patron de l’opérateur historique a rappelé, par ailleurs, que le Maroc est «très sous-équipé avec un taux près de 0% par client pour ce qui est de la fibre optique et 3,5% pour la technologie de cuivre».

Pour un expert, l’attitude de Maroc Telecom est «compréhensible». L’expérience a montré que les opérateurs historiques au niveau de plusieurs pays rechignent à partager leurs infrastructures (dans lesquelles ils ont investi) à des prix imposés par les régulateurs de leurs marchés. Les premiers ont une logique de rentabilité économique tandis que les seconds ont des objectifs de service public.

En tout cas, Maroc Telecom, conscient que les autres opérateurs obtiendront tôt ou tard gain de cause, se positionne déjà sur une niche à grande valeur ajoutée. Il s’agit du marché de la fibre optique jusqu’au domicile. La filiale d’Etisalat vient d’obtenir en effet le feu vert de l’ANRT pour lancer le FTTH (Fiber To The Home). Le segment est, de l’avis des experts, hautement stratégique et permettra, encore une fois, à l’opérateur historique de prendre une bonne longueur d’avance sur ses deux concurrents. En attendant l’avènement de la 4G, annoncée pour 2015, mais dont les appels d’offres n’ont pas encore été lancés.

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