Imane est une étudiante de 27 ans et se dit fière de porter le voile. Elle le porte par conviction religieuse, mais aussi pour que les autres sachent qu’elle n’est pas qu’un corps. Elle se dit fière d’être femme, mais elle ne veut pas qu’un homme regarde son physique et pas ce qu’elle peut intellectuellement apporter. «Ce qui est le plus important pour moi c’est le fait de dire que je ne suis pas uniquement un corps et qu’il faut quand même s’intéresser à ma manière de réfléchir à ma manière de penser. Je ne cache pas ma féminité, au contraire je suis très fière d’être une femme, mais je ne veux pas que l’homme voie mon corps avant ma personnalité».
Un choix personnel
Dans sa famille, tout le monde porte le voile, mais la jeune femme insiste sur le fait que c’est pour elle une décision personnelle et non un choix imposé. Pour elle, le voile fait partie de son éducation. «Très jeune, tu vois ta maman qui porte le voile. Après quand tu grandis elle t’explique pourquoi elle le porte. Et après tu comprends, parce qu’en tant que pays musulman, notre religion c’est l’islam. Et chez les musulmans, quand une fille devient pubère, qu’elle a ses premières règles, il faut qu’elle porte le voile. Le hijab c’est un principe, ce n’est pas seulement une apparence. Le voile fait maintenant partie de moi. Même si je penche la tête par la fenêtre alors que je suis chez moi».
La jeune femme tient toutefois à souligner qu’elle ne se permettrait jamais de juger une fille qui ne le porte pas, car la base doit être avant tout le respect de l’autre, dans les deux sens. «Une fille qui ne porte pas le voile pour moi, c’est une liberté personnelle, individuelle. Celle qui veut le mettre, le met. C’est ça qui est bien chez nous au Maroc : nous sommes libres de le mettre ou pas. Ce n’est pas comme en Iran.»
Farah, une jeune étudiante en communication a fait le choix opposé à celui d’Imane et l’a assumé publiquement en disant non au voile. «Je suis contre le port du voile parce que, pour moi, c’est une atteinte à la liberté individuelle. Personne n’a à m’imposer ce que je dois mettre, ou lire, etc.». À ce sujet, Imane, elle, n’est pas d’accord. «Tout d’abord, il faut préciser que le port du voile est aussi une expression de la liberté de la personne parce que lorsque je mets le voile, j’exprime ma liberté : la liberté d’un choix.»
Pression familiale
Beaucoup de femmes subissent la contrainte de la famille. Chose à laquelle Farah échappe. «Je suis née dans une famille très ouverte». Mais pour Farah, ce n’est pas tant le voile qui est mis en cause, mais la pression exercée sur certaines filles pour qu’elles le mettent. «Certaines femmes ne veulent pas ou plus porter le voile… Mais c’est entre femmes, en cercle restreint qu’elles en parlent. Elles n’osent pas le faire en public et surement pas devant leur famille. Le voile n’est pas obligatoire, c’est une recommandation. Je comprends les gens qui ont choisi de le porter. Mais les gens qui juste par pression sociale, familiale ou autre le mettent, c’est ça qui me dépasse.» Un avis partagé par Imane. «Je suis d’accord avec Farah sur un point. En tant que fille voilée, je suis contre le fait qu’on oblige une femme à porter le voile. Ma fille par exemple, je ne l’obligerai pas à le porter. Elle a toute la liberté de faire ce qu’elle veut. Je l’éduquerai à ma manière et quand elle sera adulte, elle pourra faire son choix».
Au final, les deux jeunes femmes mènent le même combat contre le regard des autres. Un regard toujours très stéréotypé quand il s’agit du voile.
«Malheureusement, il y a une certaine discrimination vis-à-vis du voile. Une femme voilée et une femme non voilée ne sont pas égales. Aux yeux de personne. Ni aux yeux de leurs parents, ni aux yeux de la société ou de leurs futurs employeurs, de leurs profs, ni rien», explique Farah.
En effet, de nombreuses femmes voilées se sont vues refoulées en entretien d’embauche parce qu’elles étaient voilées. «On nous considère comme trop pudiques, pas présentables. On pense que l’on va créer des problèmes avec les clients, qu’on fera du chichi, parce que l’activité est «contre la religion» (organisme de crédit par exemple, centres d’appels), qu’on ne va pas vouloir parler avec des clients hommes parce qu’on est voilées…», se désole Hajar.