Le bilan à mi-parcours du volet Financement de la Vision 2020 est globalement difficile à dresser. Plusieurs intervenants sont concernés : État, collectivités locales, investisseurs privés (nationaux et internationaux) et secteur bancaire. Le financement des chantiers de la stratégie touristique nationale repose globalement sur deux dispositifs : Le Fonds marocain pour le développement touristique (FMDT) et le secteur bancaire. Si le premier s’annonce plus au moins dynamique, le second est jugé réticent par plusieurs opérateurs du secteur.
Annoncé lors des Assises du tourisme à Marrakech le 30 novembre 2010, la création du FMDT fin 2011 a été dictée par le souci d’insuffler une dynamique soutenue d’investissement et de mettre en place des partenariats durables tant à l’échelle nationale qu’internationale. Ce Fonds, financé par l’État et le Fonds Hassan II pour le développement économique et social, a été lancé avec un capital social initial prévu de 1,5 milliard de DH souscrit par l’État à hauteur des deux tiers et par le Fonds Hassan II pour le reste. Ce capital est appelé à augmenter pour atteindre 15 milliards de DH en 2020, destinés à l’octroi de primes d’investissement.
Depuis la création du Fonds, ses gestionnaires œuvrent pour investir sous forme de prise de participation, soit directement dans des sociétés qui auront la charge de réaliser des projets touristiques, soit dans des fonds d’investissement qui, à leur tour, réaliseront des projets dans le cadre de structures ad hoc. Ce travail a porté ses fruits dès la première année, matérialisés par une prise de participation, dans le cadre de la relance du Plan Azur, dans la Société de développement de Saïdia (SDS). La SDS, détenue majoritairement par la CDG, prévoit un programme d’investissement de 3 milliards de DH sur cinq ans (2014-2019), dont 1,5 milliard pour la période 2014-2017.
«Les banques ne font pas confiance au secteur»
En octobre 2013, un accord de partenariat a été signé entre les groupes Alliances, CDG et le FMDT pour la création d’une société de développement de la station touristique de Lixus, dont le fonds détient une part de 20%. Le programme d’investissement prévu s’élève à 3 milliards de DH et la majeure partie de la station devra être opérationnelle dès 2016.
Concernant la station de Taghazout, dont la composante touristique devra être achevée en 2017, le FMDT prévoyait d’entrer à hauteur de 25% dans le capital de la Société d’aménagement et de promotion de la station Taghazout (Sapst) lors d’une opération d’augmentation de capital, selon une déclaration du DG de la Sapst, Ahmed Oulahna, faite en 2013 à la MAP.
Cela dit, il est difficile aujourd’hui de savoir combien ont été réellement débloqués par le FMDT dans ces projets, sachant que toutes les sociétés de développement des stations touristiques comptent énormément sur les banques pour financer leur programme. Par ailleurs, il est important de souligner que dès novembre 2011, le FMDT a conclu une première levée de fonds internationale avec la création de «Wessal Capital», un fonds d’investissement d’une taille initiale de 23 milliards de DH (2 milliards d’euros) en fonds propres, pouvant supporter un programme d’investissement de 55 milliards de DH. Les actionnaires étaient au début 4 fonds souverains à parts égales (500 millions d’euros chacun) : Aabar d’Abu Dhabi, Al Ajial, fonds de Kuwait Investment Authority, Qatar Holding et le FMDT. Ils ont été rejoints en 2014 par le saoudien Public Investment Fund, qui est entré au tour de table avec 500 millions d’euros.
Wessal Capital planche sur deux mégaprojets touristiques : Wessal Casablanca Port, un investissement de 6 milliards de dirhams, et Wessal Bouregreg (Rabat), un investissement d’environ 9 milliards de DH. D’après le ministère de l’Économie et des finances, le secteur touristique national figure globalement parmi les secteurs les plus attractifs pour les IDE (investissements directs étrangers). Entre 2005 et 2012, il a drainé près de 40 milliards de DH, soit 18% des IDE adressés au Maroc, juste derrière le secteur immobilier (11%).
Par ailleurs, pour accompagner la réalisation et l’accélération des projets stratégiques de la Vision 2020, les banques marocaines se sont engagées à mobiliser une première enveloppe de 24 milliards de DH sur la période 2011-2016, pour les projets considérés comme stratégiques de la Vision 2020.
Contactées par le «Matin éco», les principales banques de la place n’ont pas communiqué sur l’enveloppe débloquée jusqu’ici par rapport à cet engagement de 24 milliards de DH. «Je pense qu’il n’y a pas un seul déclic pour pouvoir accélérer la réalisation des chantiers touristiques. L’investissement a du mal à décoller parce que, tout simplement, les banques ne font pas confiance au secteur. Certaines d’entre elles jugent que le risque est encore très élevé dans l’activité et renoncent du coup à financer les investissements. Ce qui fait que plusieurs projets sont actuellement en stand-by», confie au «Matin éco» un opérateur touristique ayant requis l’anonymat.
Il est à souligner qu’en dehors du FMDT, l’État appuie le secteur par un budget du département de tutelle qui, selon le ministère des Finances, a augmenté de 33% en 2013 pour atteindre près de 820 millions de DH. Selon le même ministère, le montant des dépenses fiscales accordées au secteur touristique a été multiplié par deux entre 2006 et 2012, passant à 446 millions de DH. Soulignons enfin que les contrats-programmes régionaux (CPR), signés entre le ministère du Tourisme et les élus des régions, prévoient plus de 150 milliards de DH d’investissement. La grande majorité de ce montant doit être apportée par le secteur privé.
