Le Matin : La boxe, et le sport national en général, est secouée par la fugue de trois boxeurs à Sheffield en Angleterre où l’équipe nationale était en stage pour préparer le championnat d’Afrique, c’est un nouveau coup dur pour l’image du sport national ?
Mohamed Loumaini : Effectivement, trois boxeurs (Zouheir Bakali, 52 kg, Hamza Al Barbari, 64 kg, et Saïd Malik, 56 kg) qui faisaient partie de l’équipe nationale qui était en stage de préparation pour le championnat d’Afrique à Sheffield en Angleterre n’ont pas donné signe de vie. Ils ont demandé leurs passeports pour aller faire du shopping, mais on ne les a jamais revus. C’est un acte irréfléchi qui aura des conséquences négatives sur les autres sportifs. Il sera dorénavant difficile pour nous d’organiser des stages en Europe après cette fugue parce qu’il sera très difficile d’obtenir des visas, surtout pour l’Angleterre. Ce qui est très navrant. L’année prochaine, l’Angleterre risque de ne pas nous délivrer des visas d’entrée pour aller disputer des matchs de la World Series Boxing.
Avez-vous entamé des procédures pour chercher les trois «Haraga» ?
La procédure est simple. On a averti les autorités anglaises. On a également fait appel à l’assistance de l’ambassade du Maroc à Londres. Les autorités anglaises ont fait le constat que les trois boxeurs ne sont pas revenus à leur lieu de résidence. Si d’ici mardi 28 juillet (NDLR aujourd’hui), date de l’expiration de leurs visas, ils n’ont pas refait surface, les conséquences seront graves pour eux et pour tout le monde.
Que risquent-ils s’ils se font arrêter ?
Je ne peux me prononcer là-dessus. Je ne suis pas une autorité judiciaire pour dire s’ils seront incarcérés ou juste renvoyés au Maroc une fois qu'ils seront arrêtés. Ce que je peux vous dire, c’est que leur carrière est fichue. Ils vont perdre leur licence internationale. La Fédération royale marocaine de la boxe va signaler cet incident à la Fédération internationale comme elle leur retirera leur licence. On va leur dire qu’untel et untel ont déserté de l’équipe nationale avec leurs licences internationales. Je me demande que cherchent ces gens-là. On leur a dit que s’ils voulaient devenir professionnels on leur faciliterait la tâche et qu'ils pourraient gagner dignement leur vie. Comme Mohamed Arjaoui qui a été professionnel aux USA, en Angleterre et Turquie.
Est-ce que cette fugue et le tapage médiatique qui s’en est suivi ne vont pas avoir des répercussions négatives sur le reste de l’équipe ?
Cet incident n’aura aucune répercussion négative sur le reste du groupe. D’abord, parce qu’ils ne sont pas titulaires dans l’équipe nationale. Ils ont à peine 2 ans de préparation avec nous. Hamza El Barbari compte à son actif six combats dans sa carrière. Il en a gagné un et perdu cinq. Malek Saïd a juste un seul combat et Zouheir Bakkali a également un seul combat. Ce sont des joueurs que nous avons pris en tant que réservistes en cas de blessure ou de maladie d’un pugiliste titulaire. Ils avaient la possibilité d’accéder au professionnalisme par la grande porte, mais malheureusement ils ont choisi de sortie par la petite porte.
Que répondez-vous à ceux qui disent qu’ils ont fugué parce qu’ils sont mal payés ?
Les trois boxeurs qui ont disparu dans la nature ne sont pas des boxeurs internationaux. Ils viennent à peine d’intégrer la sélection nationale. Ils n’ont aucun titre international à leur actif. Et en tant que débutants avec l’équipe nationale, on leur verse une indemnité de 3.000 DH par mois en plus de la nourriture qui nous revient à 250 DH par boxeur. Pourquoi les gens disent-ils cela ? Parce qu’ils ont tendance à comparer ces indemnités à celles versées aux sportifs lors de la période 2008-2012 quand les boxeurs percevaient des salaires mirobolants, entre 15.000 et 20.000 DH par mois, du temps du programme de sport de haut niveau. Ce programme n’existe plus. Il a été annulé en septembre 2012. Le problème réside dans le fait que les gens viennent avec l’idée qu’une fois qu’ils sont en équipe nationale, ils sont salariés et doit toucher un salaire à la fin du mois sans fournir d’effort. Cette formule mise en place entre 2008-2012 a été une catastrophe. Elle a contribué à la régression du sport national parce que nous avons mis en place le système du sportif salarié. C’est très grave. Aujourd’hui, on n’a reçu aucune subvention pour préparer les boxeurs de haut niveau. J’assume mes responsabilités et j’assure que nous n’avons pas reçu le moindre centime dans le cadre du programme de sport de haut niveau. Pour les stages de l’équipe nationale, nous avons eu 170 millions de centimes, alors que ces stages nous ont coûté au moins 600 millions.
Où avez-vous trouvé la différence, parce qu’entre 170 millions et 600 millions de centimes, il y a une sacrée différence ?
Nous avons épuisé les économies que nous avions réalisées depuis 10 ans. On ne peut pas attendre jusqu’à l’arrivée de la subvention du ministère pour commencer à travailler. En tant que responsable, on devait de gérer les crises, d'autant que le ministère a connu une crise aiguë avec l’affaire du stade Prince Moulay Abdellah qui a causé le départ du ministre. On ne va pas baisser les bras, parce qu’il s’agit de l’équipe nationale et du drapeau national. Actuellement, nous avons 30 boxeurs qui sont en préparation continue au Centre d’Azemmour afin de sélectionner les meilleurs d’entre eux pour participer au championnat d’Afrique qualificatif pour les championnats du monde.
Comment expliquez-vous le retour de ce phénomène de «Lahrigue» des sportifs, que nous avions connu à la fin des années 1990 et au début des années 2000 ?
Tout simplement parce qu’on a distribué de l’argent aux sportifs dans le cadre du sport de haut niveau. Des sportifs qui percevaient entre 15.000 et 20.000 DH sans fournir le moindre effort. Pour dire vrai, ils percevaient une rente. Voilà pourquoi ce phénomène s’est estompé. Si nous voulons que notre sport aille de l’avant, il faut qu’il soit apolitique.
