Menu
Search
Mardi 23 Décembre 2025
S'abonner
close
Mardi 23 Décembre 2025
Menu
Search

24 août 2015 : crise mondiale ou simple lundi noir ?

La débâcle des marchés le lundi 24 août contraste fortement avec le début de l’année 2015 où les principaux marchés boursiers mondiaux affichaient de bonnes performances.

24 août 2015 : crise mondiale ou simple lundi noir ?
Le gouvernement chinois a dévalué le yuan pour booster les exportations. Il s’en est suivi un vent de panique sur les marchés avec un mouvement de ventes massives de titres, culminant en une chute des principales places boursières.

Le lundi 24 août 2015 restera gravé dans les mémoires, quelle que soit la suite que nous réserve le futur. Il marque un basculement dans les relations de puissance entre grands pays. En effet, il a suffi que l’économie chinoise affiche les premiers signes d’essoufflement pour que les bourses mondiales chavirent et les inquiétudes montent. C’est dire la place qu’occupe désormais le pays de Mao Tsé Toung, en tant que principale force économique du XXIe. Avec sa classe moyenne de la taille d’un continent, elle devient La Mecque des multinationales. Son tissu industriel en a fait l’usine du monde et ses excédents financiers son principal banquier. Ses problèmes économiques ont désormais un nom : crise mondiale.

Que s’est-il passé ?

La débâcle des marchés en ce lundi 24 d’août contraste fortement avec le début de l’année 2015 où les principaux marchés boursiers mondiaux affichaient de bonnes performances. À titre d’illustration, l’indice Dow Jones avait régulièrement franchi le cap des 18.000 points en 2015. En mai, il avait atteint le sommet de 18.312 points, soit son plus haut niveau depuis 5 ans. Pour comprendre ce soudain retournement (qui n’en est pas un en fait), il faut l’analyser à l’aune de l’interdépendance entre les grandes économies, dont l’épicentre est désormais la Chine. En effet, l’empire du Milieu est devenu pour beaucoup d’entreprises un fort moteur de croissance, grâce à sa classe moyenne de 200 millions d’habitants, et est désormais la cible des firmes multinationales. Or l’essoufflement de l’économie chinoise depuis le début de l’année a non seulement affecté le carnet de commandes de ses principaux fournisseurs, mais a impacté négativement la demande des matières premières (pétrole et gaz qui continuent à dégringoler) dont le pays le plus peuplé sur terre est le principal consommateur.

Face à ce tassement, et en vue de booster les exportations qui constituent le moteur de son économie, le gouvernement chinois a dévalué le yuan. Paradoxalement, cette mesure, censée rassurer les investisseurs sur le volontarisme des responsables chinois, a eu l’effet inverse. Elle a confirmé ce qui n’était que des conjectures, à savoir que la plus importante économie du monde est bel et bien entrée en récession. Il s’en est suivi un vent de panique sur les marchés avec un mouvement de ventes massives de titres, culminant en une chute des principales places boursières. Le lundi 24 août 2015, le Dow Jones a perdu, en une journée, 1.000 points. Du jamais vu dans son histoire plus que centenaire (même après les attentats du 11 septembre).

Quelque chose d’inquiétant se trame

Nous sommes peut-être à la veille d’une crise économique sans précédent, nous préviennent beaucoup d’économistes et non des moindres. N’oublions pas que la crise de 2008, dont beaucoup de pays ne se sont pas encore totalement rétablis, a vu sa casse limitée par le dynamisme des économies émergentes et surtout par la bonne tenue de l’usine du monde qu’est la Chine. Mais l’insolente performance de l’économie chinoise depuis plus d’une génération avec des taux de croissance à deux chiffres ne peut être infinie.

À mesure que le pays se développe, il voit apparaître une classe moyenne qui veut consommer, se divertir, se soigner dans de bonnes conditions et prodiguer à ses enfants un enseignement de qualité. En d’autres termes, finies les conditions de travail moyenâgeuses d’une main-d’œuvre fortement qualifiée, qui ont pourtant fabriqué la double machine économique chinoise. C’est une réalité que les Chinois doivent accepter. Ils ne sont plus aussi compétitifs que leurs parents. D’autres ilots de performance économique émergent en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. La récession de l’économie du pays du milliard et demi d’habitants est une mauvaise nouvelle pour presque toute la planète.

D’abord pour la Chine elle-même qui est condamnée à des taux de croissance élevés pour limiter l’exode rural et contenir le mécontentement explosif de la population qui résulterait d’un chômage
massif.

Les pays producteurs de matières premières (notamment de pétrole) continueront de voir les prix de leurs principales richesses chuter, faute d’une demande aussi importante que celle de la Chine. Les pays développés (États-Unis et Allemagne en tête) verraient leurs entreprises privées d’un important marché pour la vente de leurs produits, dont raffolent les Chinois (à tel point que le patron d’Apple a dû se fendre, dans une première pour la maison de Steve Jobs, d’un communiqué pour rassurer les marchés sur la solidité de son positionnement en Chine). Enfin, les pays vivant à crédit, tels que les États-Unis et la France, ne trouveront plus un aussi bon créancier pour financer leurs déficits chroniques.

Jamais le monde n’a été aussi dépendant d’une seule économie à ce point. Si la première réaction du gouvernement chinois a été de dévaluer, cette solution peut s’avérer la pire. La manipulation des taux de change n’a jamais été une solution de long terme et peut conduire, dans un scénario catastrophe, à un effet de contagion (tout le monde dévaluera pour limiter ses pertes) et à une guerre des devises préjudiciable à tous. En cas de confirmation de cette crise, les gouvernements n’auront plus autant de marges de manœuvre qu’en 2008, car ils ont épuisé leurs cartes.

Ils croulent tous sous des montagnes de dettes qu’elles n’arrivent plus à rembourser et leurs Banques centrales ne pourront plus baisser les taux d’intérêt qui sont déjà à un niveau historiquement bas (baisse inutile dans le cas d’une forte récession). Une diète généralisée nous attend et à moins d’un changement fondamental des règles du jeu, vers plus d’équilibre dans les relations internationales, dont le moteur de la croissance serait l’économie de la paix et non celle de la guerre, nous fonçons droit vers la catastrophe. 

Par Nabil Adel
M. Adel est cadre dirigeant d’assurances, consultant et professeur d’économie, de stratégie et de finance.
nabiladel74@gmail. com www.nabiladel74. wordpress.coms.

Lisez nos e-Papers