Sur la thématique de la mémoire, chacun d’eux a suivi un fil conducteur pour façonner son histoire à travers une image fixe et/ou mobile. Cette photo ou encore vidéo fait l’effet d’un livre, racontant des moments vécus et s’arrêtant sur des pages de notre histoire pour les immortaliser et leur rendre hommage. Car, mémoriser une partie de notre histoire, si infime soit-elle, pourra contribuer un jour à la construction d’une page de la grande histoire qui est la mémoire d’un pays. D’où l’importance de cette forme d’expression artistique, la photographie. Alors qu’elle était, jusqu’à un passé proche, comme le souligne la directrice générale de la Fondation CDG, Dina Naciri, considérée comme le parent pauvre des arts.
«Ces dernières années, elle s’est vue projetée au-devant de la scène artistique de l’art contemporain. Forte de l’avènement des nouvelles technologies des arts visuels, elle a pris un réel élan en s’associant, voire en fusionnant parfois, avec les autres formes d’expression visuelle, à savoir la vidéo, l’installation et la performance et, bien qu’image fixe, elle garde toujours sa place de plaque tournante et incontournable dans la création artistique». En effet, en contemplant les travaux de ces artistes venant des deux rives, nous y découvrons la démarche, la sensibilité, l’imaginaire et l’histoire individuelle de chaque artiste. Une richesse visuelle incroyable, mettant en relief la vision de chacun, à travers des moments, des choses de la vie, des années, des paysages, ou autres. Le photographe Jaâfar fut interpelé par certaines photographies qui représentent des dates et des instants forts particuliers, dont celles de son frère Mahfoud, décédé d’une mort tragique à l’âge de trois ans, dix mois avant sa naissance. «J’ai commencé, petit à petit, à questionner les mémoires de ces photos et à revisiter leurs histoires, à suivre leurs traces dans le temps, à collecter les informations et les légendes. Écrire ou plutôt réécrire une histoire familiale à partir de ces fragments ou moments intimes est devenu pour moi une préoccupation primordiale. De là résulte ma démarche qui questionne la mémoire, l’histoire et l’imaginaire…
Comme elle questionne la notion de l’oubli», explique J. Akil. Pour Abdelghani Bibt, les arrêts sur mémoire se manifestent à travers des bribes d’anciennes photos, un peu de sel, de la pierre d’alun, du siwak… des plantes conservatrices à l’ancienne, des écrits talismans, témoins de vie, entre autres souvenirs d’ici et de là pour constituer cette mémoire qui façonne notre histoire. Pour Chanteau Véronique, c’est l’être humain, et sa place dans la société, qui est au centre de son inspiration sans jamais tout à fait apparaitre dans les photos.
Par contre, l’intervention d'El Hammami Badr dans les montagnes du Rif lui a permis d’investir le paysage en créant des œuvres contextuelles, qui interrogent le rapport à des temporalités diverses. La Française Agathe Simon cherche, quant à elle, à explorer et détourner les frontières souvent ambiguës, parfois inexistantes, entre réel et imaginaire. Son travail se développe via différents médias : installation, texte, vidéo, son, questionnant le politique et l’imaginaire sous divers aspects, notamment les libertés, l’histoire, la fiction ou encore le patrimoine immatériel.
