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Attentats contre l’humanité

Derek ELZEIN,Maitre de conférences en Sciences politiques à l’Université Paris Descartes.

À l’heure où les attentats sanglants de Paris et de sa proche banlieue émeuvent à juste titre l’ensemble de la planète et que les populations civilisées semblent redécouvrir l’existence d’une menace terroriste réelle, il est temps de se rappeler que la guerre, la souffrance, la mort et le terrorisme n’ont jamais été éradiqués de la majorité des pays du monde. La veille, à Beyrouth, un attentat parmi les plus sanglants qu’ait connus le Liban depuis les années noires de la guerre civile a eu lieu. Les attentats font par exemple partie du quotidien d’un Irakien depuis plus d’une décennie. Ils font partie de la vie de ces populations auxquelles on n’a pas fait le cadeau de pouvoir oublier que la brutalité de l’irruption de la mort dans leur existence est une réalité de chaque instant.

L’espace méditerranéen a été, depuis qu’il existe, tant un lieu d’échanges que de conflits. La déstabilisation de la rive africaine de «mare nostrum» et au-delà suscite l’inquiétude de nombreux pays de la rive européenne. En effet, tant les conflits contemporains qu’anciens, mais également la crise économique dans laquelle sont plongés de nombreux pays du sud de l’Europe, accentuent la distance qui semble se creuser entre les peuples riverains de ce même espace maritime. La conséquence la plus directe et visible étant le flux incessant de réfugiés venant se jeter sur les côtes européennes.

Les attentats de Paris du vendredi 13 novembre dernier sont effroyables tant par l’ampleur des massacres que par les failles qu’ils révèlent au sein non pas de l’appareil sécuritaire français, mais de la vie quotidienne des citoyens. Quelques mois après les attaques de janvier 2015 dont on notera la proximité géographique, les mesures prises par l’État semblaient conséquentes et devaient être efficaces. Ce n’est pas trahir de secrets que d’affirmer que de nombreuses autres tentatives ont été déjouées, mais qu’aucun dispositif ne peut être infaillible. La population semble néanmoins oublier que l’État ne peut pas tout. En effet, sans une vigilance et une implication de chaque citoyen dans la sécurité collective, aucune mesure ne peut être efficace. Bien entendu, il ne s’agit pas de susciter la psychose, mais de simple bon sens et surtout de ce qui semble manquer le reste du temps : l’intérêt pour son prochain.

N’oublions pas non plus que malgré l’atrocité de ce qui s’est passé à Paris, la veille, à Beyrouth, un attentat parmi les plus sanglants qu’ait connus le Liban depuis les années noires de la guerre civile a eu lieu dans une indifférence quasi généralisée. Alors bien entendu, personne n’est dupe, les quartiers du Bardo à Tunis d’hier et ceux de Beyrouth aujourd’hui ne sauront jamais émouvoir autant le monde entier que Paris, la Ville lumière et c’est sans doute normal. La compassion que nous ressentons est toujours plus grande à l’endroit de nos semblables que vis-à-vis de ceux qui nous semblent plus éloignés de nos valeurs. N’oublions pas cependant que les auteurs de ces barbaries sont les mêmes et qu’ils font des victimes de même valeur : des êtres humains. N’oublions pas non plus que le terrorisme se combat, mais qu’aucune guerre ne peut le vaincre tant qu’on ne s’attaque pas aux racines du mal que sont l’ignorance, la pauvreté et l’injustice.

Dans ce contexte, le sujet qui semble le plus préoccuper la classe politique européenne est celui des migrants. Qu’ils viennent de la Corne de l’Afrique ou d’ailleurs, ces candidats à l’asile politique sont souvent présentés comme le danger ultime assiégeant la forteresse Europe. Souvent utilisés par certains pays européens de transit comme levier politique auprès de leurs partenaires, ces demandeurs d’asile sont également l’un des sujets de préoccupation de tous les partis dits populistes. Les préoccupations sécuritaires qui découlent du danger de l’utilisation potentielle de ces migrants comme vecteurs du terrorisme ne font qu’amplifier ces crispations. Les attentats de Paris n’ont pas permis d’alimenter avec certitude l'hypothèse que ce danger est réel. En revanche, les auteurs principaux de ces massacres, s’ils étaient de nationalité française, ont bien été instrumentalisés par l’EI.

Le plus grand danger qui guette nos pays européens est bien à ce stade la possibilité pour les recruteurs de l’EI de diffuser efficacement des discours de haine. Les attentats de Paris poursuivent également l’objectif d’accroitre le fossé qui se creuse entre des exclus de tous bords de plus en plus nombreux et faciles à recruter et les autres.
Les attentats, s’ils ont pour justification à Paris une vengeance contre les actions militaires françaises ou à Beyrouth la conséquence d’un soutien du Hezbollah au Régime de Damas, touchent les mêmes personnes : des gens ordinaires qui vaquaient à leurs occupations habituelles.

Pour revenir à la crise syrienne, un pays limitrophe comme le Liban accueille sur son sol plus d’un million et demi de réfugiés syriens, pour une population totale estimée à environ 4 millions d’habitants. La situation institutionnelle, confessionnelle, économique et géopolitique du Liban rend la gestion de la situation humaine et sécuritaire des réfugiés pour le moins délicate. Mais au Liban comme à Paris, ce sont des Libanais qui ont perpétré ces attentats dans une artère commerçante et populaire de Beyrouth et des Français qui ont tiré sur d’autres Français. Les confessions des auteurs comme des victimes jouent un rôle secondaire et ne sont qu’une excuse minable pour justifier l’injustifiable, tant pour les lointains commanditaires que pour ceux bien plus proches, qui tentent honteusement de récupérer à leur profit des attentats contre l’humanité. 


Des attentats-vengeances

Cet attentat intervient deux jours après que l’armée syrienne, soutenue par le Hezbollah et des combattants iraniens, a remporté sa première victoire significative contre l’État islamique en reprenant l’aéroport de Kweires, à l’est d’Alep. Le chef de la milice libanaise, Hassan Nasrallah, a d’ailleurs souligné l’importance stratégique de la reprise de cet aéroport assiégé depuis deux ans par l’organisation terroriste. Celle-ci avait présenté ses attaques comme une «vengeance» en réponse à la décision du Hezbollah d’envoyer des milliers de ses hommes combattre en Syrie aux côtés du régime de Bachar Al-Assad contre les rebelles et les djihadistes, en grande majorité des sunnites. Il y a moins d’un mois, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a de nouveau défendu son implication auprès du régime d'Al-Assad, son allié, en parlant d’«une bataille essentielle et décisive». Daesh et le Hezbollah, un allié du régime en Syrie, se font la guerre dans ce pays déchiré par un conflit de plus en plus complexe qui a fait depuis 2011 plus de 250.000 morts.


Attentats de Beyrouth : interpellations

Quatre jours après les attentats suicides perpétrés à Beyrouth, le ministre libanais de l'Intérieur a annoncé l'arrestation de neuf personnes, dont sept Syriens, en lien avec les attaques terroristes au sud de Beyrouth. «Jusqu'ici, nous avons arrêté sept Syriens et deux Libanais», a déclaré le ministre libanais de l'Intérieur Nohad Machnouk, précisant que parmi les personnes interpellées figurent un Libanais qui comptait commettre un autre attentat-suicide ainsi qu'un trafiquant qui avait fait traverser à certaines de ces personnes les frontières depuis la Syrie. Il a aussi précisé que le plan initial était d'envoyer cinq kamikazes se faire exploser dans un hôpital de la banlieue sud. «Mais ils ont dû changer de cible en raison des mesures de sécurité autour de l'hôpital», a-t-il ajouté.


Première attaque contre le fief du Hezbollah depuis 2014

Les deux attaques revendiquées par Daesh ont été commises simultanément et sont les plus meurtrières depuis la fin de la guerre civile en 1990. Un troisième kamikaze, qui n’a pas pu faire exploser sa ceinture, a été tué par une des deux explosions. La chaîne Al-Manar du mouvement chiite libanais affirme que les deux explosions ont été entendues à sept minutes d’intervalle. Ce double attentat à la bombe dans un quartier du sud de Beyrouth a fait au moins 43 morts et 239 blessés.
Il s’agit de la première attaque contre le fief du Hezbollah au Liban depuis juin 2014.
Auparavant, une dizaine d’autres attaques avaient endeuillé des bastions du Hezbollah à travers le Liban entre juillet 2013 et février 2014, la plupart revendiquées par des groupes extrémistes sunnites. À la suite de ces attaques, le premier ministre libanais a lancé un appel à l’union de tous les Libanais contre ceux qui cherchent à diviser le pays.

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