Le nouveau positionnement de la Direction des ressources humaines (DRH) sur l’échiquier de l’entreprise rend plus complexe la tâche de tout directeur général en quête d’une personne-clé capable de gérer une direction d’une importance stratégique. Mais bien qu'étant conscient de l’importance d’une telle fonction, il n’est pas sûr que le DG réussisse à définir exactement le profil de son futur DRH ainsi que ses propres attentes vis-à-vis de lui. «Il est important que le DG sache ce qu’il attend au juste de son DRH», a déclaré le directeur général de la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraites (CIMR), Khalid Cheddadi. Celui-ci a expliqué que pour recruter le bon DRH, un DG doit avant tout savoir exactement ce qu’il cherche. Cherche-t-il quelqu’un pour exécuter ses directives, pour s’occuper uniquement du volet administratif ou bien une personne avec de la valeur ajoutée, qui soit associée à la stratégie de l’entreprise et à la prise de décisions ? En répondant à ces questionnements, le DG aurait déjà franchi un premier pas dans le processus de recrutement de son DRH. M. Cheddadi a également avancé un autre élément qui joue en faveur de la réussite du duo DG/DRH : le partage de pouvoir. Car il se trouve que le large périmètre couvert par la fonction RH procure au DRH une position de pouvoir au sein de l’entreprise qu’il n’est pas sûr que le DG voudra bien partager.
Pour sa part, l’ex-DG de Lafarge Maroc, Jean-Marie Schmitt, est convaincu qu’une complicité entre un DG et son DRH est facultative, contrairement à la synergie dans les actions basée sur un parfait accord en ce qui concerne certains points essentiels, notamment «la conviction commune que les ressources humaines sont la principale richesse de l’entreprise, une entente parfaite sur le rôle attendu de la fonction RH, mais également un parfait accord sur certaines valeurs telles que le respect, l’écoute, la capacité d’accepter un avis différent, le goût du travail en équipe, sans oublier la confiance totale de la part du DG dans la loyauté du DRH parce que c’est ce qui lui permettra de prendre en compte ses avis et ses suggestions».
Ainsi, et au lieu de chercher un complice, il serait plus indiqué de chercher un DRH qui fasse bien son métier, en l’occurrence «une personne capable de créer avec les collaborateurs une vraie relation de confiance et qui soit le réceptacle de leurs confidences parce que c’est ce qui lui permettra de sentir le climat social de l’entreprise. Mais aussi une personne qui soit d’une véritable valeur ajoutée pour le DG et qui puisse lui apporter des choses dont il n’a aucune connaissance».
Par ailleurs, l’évolution de la fonction RH a fait que les attentes des DG vis-à-vis de leur DRH se sont faites de plus en plus exigeantes, et en plus du savoir-être et du savoir-faire relatifs à son métier, celui-ci est également appelé à être un business partner, ce qui implique la nécessité d’avoir des expériences dans des domaines autres que ceux en relation avec sa fonction. En outre, certaines de ces attentes peuvent se révéler paradoxales ou du moins semblent l’être, comme quand on lui demande de recruter et de développer les talents d’un côté et de l’autre, de licencier sur certains postes jugés moins stratégiques. Sur ce point, Abdallah Chenguiti, président de l’Association des gestionnaires et formateurs de personnel estime que ce paradoxe trouve son explication dans le changement continu de l’environnement du travail. «Si les attentes du DG par rapport à la fonction RH semblent paradoxales, c’est parce que l’environnement du travail évolue tellement vite que le changement devient la constante. Les marchés changent, les clients deviennent de plus en plus exigeants… et pour rester compétitive, l’entreprise elle-même doit changer», a-t-il déclaré avant d’ajouter que «le DRH devient au milieu de ce monde qui bouillonne, un gestionnaire des contradictions : on lui demande, par exemple, dans le cadre de la GPEC (Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences), de réfléchir sur les emplois futurs, sur leur évolution, alors qu’il n’a aucune visibilité sur cet emploi futur, justement à cause ce changement constant qui rend difficile toute prévision.»
Réussir à dénicher le bon DRH ne saurait se faire sans le concours des spécialistes en matière de recrutement. Achraf Iraqi, du cabinet Aston Associates, membre de l’AMCR, a souligné que grâce aux larges moyens techniques et humains dont ils disposent, les cabinets de conseil en recrutement permettent de réduire considérablement les erreurs de casting.
Leur maîtrise du métier représente en effet un atout majeur d’autant plus qu’ils interviennent le plus en amont possible du processus de recrutement, avec un rôle de conseil et d’aide à la définition des besoins de l’entreprise.
Dans l’autre sens, il ne faut pas oublier que les DRH sont tout aussi exigeants que les DG. Mais est-il pour autant difficile de les convaincre d’accepter le poste proposé ? Pas tant que cela, à en croire le directeur associé de Gesper, Ali Serhani, qui a tenu à préciser qu’en général, «on n’a pas besoin de convaincre. Le DRH est bien informé sur le marché et quand une opportunité se présente à lui, il est en mesure de juger de son importance et de l’accepter ou, dans le cas contraire, de la décliner.»
Entretien avec Hamid El Otmani, directeur général LMS et président de l’AMCR
«La pression exercée sur les salaires des DRH ne facilite pas la tâche des recruteurs»
Éco-Emploi : Où réside au juste la difficulté à recruter un bon DRH ?
Hamid El Otmani : Il faut en premier lieu signaler que l’effectif DRH disponible est en décalage par rapport à la demande, et ceci est lié au caractère récent du développement de spécialisations RH dans les écoles et les universités : les deux spécialités prédominantes aujourd’hui restent la Finance et le Marketing. Ce déficit conduit les entreprises à faire souvent des concessions sur le profil cible et cela conduit à l’échec. La pression actuelle sur les salaires des DRH ne facilite pas la tâche des recruteurs. Notons également que c’est un domaine où on trouve très peu d’expatriés de par l’importance de la dimension locale et culturelle de la fonction.
Y a-t-il un processus de recrutement spécifique aux DRH ?
D'abord, le recrutement se fait exclusivement par approche directe. Ensuite, le recruteur doit impérativement vérifier trois points névralgiques :
• La capacité du DRH à être connecté au business de l’entreprise : le DRH doit intégrer au quotidien les impératifs du business plan.
• L'aptitude à gérer des contradictions et des paradoxes : Motiver
et licencier, réduire la masse salariale
et donner des primes, travailler dans l’incertitude et donner de la visibilité…
• La capacité de ne pas se faire surprendre : une démission qui tombe, un syndicat qui se crée, une grève qui se déclenche…
Comment réussir à dénicher le bon profil ?
C’est une population assez restreinte que nous connaissons très bien et dont nous suivons dans le parcours, les succès et les échecs aussi. Il faut rappeler que dans cette fonction, les erreurs de parcours se paient cash. Et c'est très difficile à un DRH de pouvoir rebondir après avoir laissé une casserole derrière lui.
