Pour mettre en exergue la portée constitutionnelle et politique de la Chambre des conseillers ainsi que son rôle dans les domaines de la législation, du contrôle de l’action gouvernementale, de l’évaluation des politiques publiques et de la diplomatie parlementaire, une table ronde a été organisée jeudi dernier par la Revue marocaine d’administration locale et de développement (Remald) et la Fondation allemande Hans Seidel. Placée sous le signe «La Chambre des conseillers au Maroc : processus et continuité», cette rencontre a connu la participation d’une pléiade de spécialistes qui se sont exprimés notamment sur l’histoire du bicaméralisme au Maroc. Un système qui a toujours fait l’objet de critiques, notamment en ce qui concerne le rôle et les prérogatives de la seconde Chambre. Malgré cela, le système a réussi à s’imposer. Aujourd’hui, la Chambre des conseillers a plusieurs rôles.
La Constitution de 2011 a, en effet, revu son organisation à la lumière de la mise en œuvre de la régionalisation avancée. Selon la loi organique 32.15 modifiant et complétant la loi organique 28.11 relative à la Chambre des conseillers, cette institution comprend 120 membres répartis comme suit : 72 représentants des collectivités territoriales, 20 représentants des chambres professionnelles, 8 représentants des organisations professionnelles des employeurs les plus représentatives et 20 membres élus à l'échelle nationale par un collège électoral composé de représentants des salariés. Historiquement, le bicaméralisme au Maroc ne date pas d’aujourd’hui, il remonte au début des années 60. C’est la Constitution de 1962 (première Loi fondamentale du Royaume) qui avait consacré ce régime parlementaire. Mais cette expérience n’a pas apporté grand-chose, compte tenu des prérogatives limitées de la Chambre et du nombre restreint de ses membres.
La révision constitutionnelle de 1970, dictée par l’état d’exception, avait instauré une structure monocamérale. Le Parlement a été réduit à une Chambre unique, celle des représentants. Mais le législateur de 1970 n’a pas rompu définitivement avec le bicaméralisme, dans la mesure où la composition de la Chambre des représentants est restée plurielle. Elle comprenait, d’une part, des membres élus au suffrage universel direct (un tiers) et, d’autre part, des membres élus par un collège électoral composé des conseillers communaux et des membres élus par des collèges électoraux comprenant les élus des chambres professionnelles et les représentants des salariés (deux tiers).
En 1996, c’est le grand retour au bicamérisme. La Chambre des conseillers s’est vue dotée de nouvelles prérogatives. L’élargissement de son champ d’intervention a généré une situation de blocage au niveau de l’institution parlementaire, notamment en ce qui concerne la navette des projets de loi. Le manque de coordination entre les deux Chambres et la surreprésentation sont aussi mis en cause. Pour mettre fin à la situation du blocage qui a sévi depuis 1996, la Constitution de 2011 a revisité la composition de la seconde Chambre, le nombre des conseillers et leurs prérogatives. Selon Abdellah Zinedine, professeur universitaire, la Constitution de 2011 s’est inscrite dans une logique de renforcement de l’efficacité du Parlement à la lumière de la mise en œuvre de la régionalisation avancée. En matière législative, c'est la Chambre des représentants qui a la primauté. Les projets de lois ordinaire et organique sont déposés en premier chez les représentants. Et ce sont ces derniers qui disposent du dernier mot pour leur adoption. Cependant, les projets de loi relatifs aux collectivités territoriales, au développement régional et aux affaires sociales sont déposés en premier lieu à la Chambre des conseillers. Mais leur adoption se fait en dernier ressort par les représentants. Idem pour l’interpellation du gouvernement. La prééminence revient à la Chambre des représentants, qui dispose de la prérogative de voter la motion de censure, contrairement à la Chambre des conseillers. Celle-ci peut en revanche voter une motion d’avertissement à l'adresse du gouvernement.
