Le travail de nuit peut-il être une solution sur le long terme ? À en croire les différents témoignages recueillis, il semblerait qu’il s’agisse plutôt d’une solution de dépannage. «Je travaillais à mi-temps dans un centre d’appel le jour et enchainais le soir en tant qu’agent de sécurité. Je n’avais pas le choix, je débutais dans la vie et je n’arrivais pas à joindre les deux bouts», raconte Karim, 32 ans. «Selon moi, le travail de nuit est tellement contraignant qu’il devrait y avoir d’énormes compensations et de grosses primes à la clef. Malheureusement, la réalité est tout autre», poursuit le jeune homme qui ne touchait à l’époque que 2.000 DH pour ses prestations de gardiennage. Depuis, Karim a jeté l’éponge. Les répercussions sur sa vie au quotidien étant bien trop importantes.
En effet, le travail prolongé de nuit présente des impacts négatifs sur la santé de l’être humain. À commencer par les troubles du sommeil qui constituent un obstacle de taille. «Je quittais ma femme à 23 h. Je rentrais vers 13 h, pour me coucher. J’avais énormément de difficulté à m’endormir. J’entendais ma femme regarder la télé, les enfants qui rentrent de l’école et jouent, et quand les voisins faisaient leurs travaux… C’était l’enfer !» indique un chauffeur routier à la retraite.
Et qui dit sommeil de mauvaise qualité, dit baisse de productivité et de vigilance sur le lieu de travail. Surtout quand celui-ci est assuré de nuit. Et par conséquent, des accidents du travail et de la circulation. Le ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle cite pour sa part un total de 60.000 accidents du travail par an, dont plus de 20% pour le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP). Les accidents de travail les plus courants sont ceux liés à la manutention manuelle, les chutes de hauteur, particulièrement dans le secteur du BTP.
De plus, une grande proportion des sinistres est liée aux accidents sur trajets d’aller et retour entre le domicile de l’employé et le lieu du travail. En effet, les performances intellectuelles et la vigilance sont diminuées en cas d’exercice d’une profession à horaires décalés. À ce sujet, la Société nationale des Autoroutes du Maroc (ADM) indique qu’outre la vitesse excessive et le non-respect du Code de la route, la somnolence cause 12% des accidents meurtriers sur les autoroutes.
La consommation d’excitants et de drogues est pour certains la solution pour tenir le coup. Il existe en effet un risque élevé de consommation excessive de café, de tabac, de nourriture (favorisant l'apparition de l’obésité chez les travailleurs de nuit ou à horaires décalés), d'alcool, ou de drogue pour lutter contre la somnolence et le stress. D’autant plus que certaines professions sont plus dangereuses que d’autres. «On m’a frappé parce que je n’avais pas de cigarettes sur moi», raconte notre ex-agent de sécurité avant de poursuivre : «Mes agresseurs étaient drogués».
Enfin, les troubles sociaux et familiaux font également partie des contraintes liées à l’exercice d’un travail de nuit. La vie sociale et familiale est fortement perturbée, avec notamment l’impossibilité de participer à certains événements familiaux, de faire du sport, etc. «Ma vie de couple est très perturbée à cause de mes heures atypiques de travail. C’est à peine si j’arrive à prendre un repas par jour avec mon mari. Quant à mes amis et ma famille, je ne les vois presque plus», se désole Souad, infirmière. Même son de cloche chez Noureddine, ex-agent de sécurité. «Pendant 4 ans, je travaillais de nuit. Je commençais mon service à 22 heures pour finir à 5 h 30. J’ai plus apporté à mon travail qu’il ne m’a apporté durant quatre ans. J’ai raté de nombreux moments importants dans la vie de mes enfants», regrette-t-il.
