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«Les sanctions sont clémentes»

Les sanctions de la Confédération africaine de football (CAF) sont tombées comme un couperet sur la tête de la Fédération royale marocaine de football (FRMF). Afin de décrypter pour ses lecteurs l’ampleur de ces sanctions, le «Matin» a posé quelques questions à Moncef Lyazghi, chercheur en politiques publiques et droit du sport.

«Les sanctions sont clémentes»
Moncef Lyazghi.

Le Matin : Que pensez-vous des sanctions infligées par la CAF au Maroc à cause de sa demande de reporter la CAN 2015 à une date ultérieure en raison de la menace Ebola ?
Moncef Lyazghi : À première vue, on a effectivement le sentiment que les sanctions infligées au Maroc sont trop sévères. Certains avaient l’impression que le Royaume allait échapper aux sanctions sportives et subir uniquement des sanctions financières. Mais quand on les analyse à tête reposée, on se rend compte que finalement elles sont légères. Il faut replacer ces sanctions dans une logique de perte et de gain. La CAF a sanctionné uniquement l’équipe nationale, qui sera privée de deux éditions de la CAN, celles de 2017 et 2019. Il y a en plus une amende financière. Personnellement, je trouve que ce verdict est clément. Pourquoi ? Parce que la CAF a épargné l’ensemble des autres sélections nationales (juniors, minimes, cadets, olympiques et A’). Ces sélections peuvent participer à l’ensemble des compétitions africaines. Plus encore, les clubs marocains ont échappé également aux châtiments de l’instance africaine. Du coup, ils peuvent prendre part à la Ligue des champions d’Afrique et à la Coupe de la CAF. Mieux encore, la Fédération royale marocaine de football (FRMF) n’a pas été suspendue, comme cela a été le cas pour la Fédération tunisienne. Les arbitres marocains vont également devoir continuer à officier des rencontres internationales organisées par la CAF. Si on résume tout cela, on se rend compte finalement que la sanction n’est pas aussi sévère que cela peut paraître de prime abord. Même l’équipe nationale A, touchée par ces sanctions, peut participer aux éliminatoires de la Coupe du monde 2018, puisque la sanction prononcée concerne uniquement les CAN 2017 et 2019. Le Maroc peut même, par la suite, faire appel de cette sanction pour la ramener à une seule édition. Les expériences passées montrent que la CAF, quand elle prive une nation de deux éditions de la CAN, réduit souvent cette sanction à une seule édition. Je vous donne l’exemple du Nigeria, champion d’Afrique en 1994 en Tunisie. Il devait participer à l’édition 1996, organisée en Afrique du Sud, mais en raison d’un différend politique entre l’Afrique du Sud et le Nigeria, ce dernier a décidé de ne pas participer à l’édition de 1996. Conséquence de ce boycott, le Nigeria a été suspendu pour deux CAN, celles de 1998 et 2000. Effectivement, les Super Aigles n’ont pas pris part à l’édition du Burkina Faso en 1998, mais ils ont réintégré la compétition en 2000, puisque le Nigeria a coorganisé cette édition avec le Ghana. L’autre exemple qui pourrait jouer en faveur du Maroc est celui du Togo en 2012, dont l’équipe nationale a été victime d’une attaque armée. Suite à ce malheureux accident, le gouvernement du Togo s’est retiré de la compétition. Chose qui n’a pas plu à la CAF qui l’a privé de deux CAN, celles de 2013 et 2015. La Fédération togolaise a fait appel de cette sanction et la CAF lui a permis de participer aux phases éliminatoires de la CAN 2015. Le Maroc peut donc faire de même en demandant à la CAF d’alléger sa peine à une seule.

La sanction financière paraît tout de même disproportionnée ?
Concernant l’amende de 1 million de dollars, elle est tout à fait valable, puisque c’est une amende réglementaire fixée conformément aux statuts de la CAF. En revanche, la somme des huit millions et cinquante mille euros est un peu salée, d'autant plus qu’il n’existe aucun article qui permet à la CAF de calculer ces dommages et intérêts. Celle-ci devra donc justifier comment elle est arrivée à déterminer ce montant. Néanmoins, je pense que l’État marocain, qui a pris cette décision de grande importance, savait pertinemment qu’il serait sanctionné. Qu'il ait décidé de reporter pour Ebola ou pour autre chose, le Maroc savait qu’il serait exposé à des sanctions à la fois sportives et financières. Il a certainement pesé le pour et le contre de sa décision. Je pense que si le Maroc a réellement pris sa décision par conviction, il sortira gagnant dans cette affaire. Les responsables marocains qui ont pris cette décision savent que le gain acquis en protégeant le pays et sa population n’a pas de prix. L’amende de 10 millions de dollars est insignifiante si on la compare aux intérêts du pays qui ont été ainsi préservés. Si c’est bien la FRMF qui va régler cette amende, celle-ci ne représente que 25% de son budget, puisque celle-ci tourne avec plus de 40 milliards centimes par an.

Que faudra-t-il que le Maroc fasse après cette sanction ?
Il existe deux solutions. La première est d’entrer en négociations avec la CAF pour essayer d’alléger un peu cette sentence. J’ai bien dit négocier avec la CAF et non pas faire appel de sa décision, puisque les sanctions ont été prises par le comité exécutif de la CAF et non pas par l’une de ses commissions. La deuxième solution est de saisir le tribunal arbitral de sport (TAS). Cette solution est très difficile, puisqu'elle suppose que la FRMF entre directement et ouvertement en conflit avec la CAF. Et au cas où le tribunal arbitral de sport donne raison à la CAF, cette dernière pourrait demander à la FIFA d’exclure le Maroc des éliminatoires de la Coupe du monde 2018. Cette deuxième solution ferait entrer la FRMF dans un bras de fer avec la Confédération africaine de football, sachant que le Maroc n’est qu'une seule Fédération parmi 52 autres. L’idéal c’est que la FRMF essaye de regagner la confiance de la CAF.

La Fédération royale marocaine de football a-t-elle des hommes d’expérience, bien outillés pour gérer ce conflit avec la CAF ?
Sans exception, les hommes qui composent aujourd’hui le bureau fédéral sont des gens qui ont à peine quelques petites années au niveau de la gestion du sport. Nous n’avons pas réellement, au sein du bureau actuel, des hommes d’expériences en mesure d’aller négocier avec la CAF. On a mis les gens d’expérience au placard, et ça, c’est la grande erreur du bureau actuel. 

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