«Choses apparentes» est une démarche où l’artiste s’est employée à rassembler divers matériaux à la fois : coton, gaze, perles, porcelaine, mais aussi aiguilles, lames de rasoir, épingles, épines… pour donner naissance à des travaux où on retient une présence appuyée du blanc. «Ce blanc représente pour moi l'absence, l'immatérialité, la transparence, la fragilité, voire le lieu du possible.
C’est une transparence exagérée qui se fait visible, crée de nouvelles formes, convoque la vue et l’esprit. Je crée des œuvres par nécessité d'expression. Je choisis mes éléments de travail et mes supports de présentation selon un besoin qui peut être formel ou esthétique ou purement émotionnel et instinctif», explique l’artiste. Son travail très délicat mène le passionné à y passer plus de temps pour pouvoir déceler les secrets et les petits détails. Une vraie méditation qui en vaut la peine. Car Safaa y a mis toute son âme et tous ses sentiments. «Apprécier l’œuvre de Safaa Erruas suppose prendre son temps. Un regard trop rapide passerait à côté de l’essentiel. Il faut plutôt zoomer sur une parcelle de la pièce pour qu’elle révèle de minuscules reliefs, des striures opérées par des fils minuscules, des trous réalisés à l’aide d’une aiguille à la pointe fine, les entailles réalisées par la lame d’un rasoir ou une configuration impeccablement taillée au laser», souligne l’écrivaine et critique d’art Bouthaïna Azami. Un univers à part où l’artiste mise sur la fragmentation et la transparence, privilégiant le verre qui vient se mêler, dans un somptueux douloureux corps à corps, à l’état harcelé du papier blanc.
Voilà déjà quelques années, le peintre Bernard Collet a, énormément, apprécié sa recherche plastique et lui consacre une belle critique. «Travail très féminin, diront certains, c’est vrai en effet que les matériaux utilisés font référence à l’univers des femmes, le tissu, la couture et le tissage, à tous les objets banals et contondants qui font le quotidien des femmes, mais ne devons-nous pas nous poser la question de ce leurre tendu à nos émotions ? Comment ne pas évoquer la force qui émane de chacune de ses productions, en être surpris ? Son travail ne se tient-il pas sur cette étrange frontière, sur ce fil très fragile qui parle si bien de nous, hommes et femmes, et du temps qui est le nôtre ?»
