Jusqu’au 8 mars prochain, la salle d’exposition de l’Institut français de Rabat accroche des travaux photographiques des trois jeunes et ambitieux artistes : Amine Oulmakki, Safaa Mazirh et Ziad Qoulaii. «L’œuvre au noir ou la part de l’ombre» est l’intitulé de cette prestation réalisée par l’Institut français de Rabat, en partenariat avec la Fondation ONA, l'Association Fotografi'Art et le Mucem.
Unis par le genre noir et blanc dans la photographie, les trois jeunes artistes se différencient par les thématiques abordées qui leur permettent d’extérioriser une réflexion aussi profonde qu’émotionnelle. Par exemple dans les images d'Amine Oulmakki, ce sont des visages et des mains qu’il a choisi de prendre en photos. Cela donne l’impression, à priori, de prises ordinaires.
Alors que celles d'Oulmakki ne le sont pas, car elles sont là pour montrer les effets du temps sur le corps. Selon la lecture de Kamal Toumi, «le corps apparait dans une forme qui ne correspond pas à lui-même ; il ne se présente pas comme un objet construit, élaboré, formé, mais plutôt comme réalité fuyante, insaisissable. Dans son invisibilité, ce qui reste du corps visible dans ces photographies met l’œil et l’esprit à l’épreuve. Car ici l’expérience du temps est l’expérience du corps». Cette approche du corps humain ne date pas d’aujourd’hui chez Oulmakki. Il s’y est intéressé depuis le début de sa carrière, il y a quelques années, après avoir eu son diplôme de l’Institut spécialisé du cinéma et de l’audiovisuel.
D’ailleurs, ses photographies exposées actuellement font partie d’une série qu’il a prise en 2006, en dehors de sa participation à différents événements en tant que photographe de plateau dans le tournage de plusieurs films de cinéma, puis monteur de films et vidéaste. Safaa Mazirh, quant à elle, est une autodidacte qui a plongé dans ce monde à travers des ateliers de formation organisés par l’association Fotografi’Art. Elle fut très vite fascinée par les mouvements du corps sur scène. Elle travaille, ainsi, sur cette thématique pour plusieurs compagnies de théâtre. Ses travaux la mènent à exposer en 2014 à l’Institut français de Rabat, dans le cadre de la Biennale de Marrakech, puis à l’Institut du monde arabe.
Après ses mises en scène de corps exposés antérieurement, ce sont aujourd’hui des visages surprenants et pleins de mystères qu’elle livre au visiteur. Pour le plus jeune des deux, Ziad Qoulaii, ce sont des mannequins qui l’ont interpellé. Avec cet univers tout à fait singulier, il a essayé d’établir un dialogue entre l’image et l’observateur. Un dialogue irréel, puisqu’il s’agit d’un être en plastique. Mais que le photographe rend sensible au regard de celui qui arrive à y pénétrer.
Une forte charge émotionnelle
Pour Bernard Millet, directeur de l’Institut français de Rabat, dans les œuvres des trois artistes exposants, le spectateur est frappé par la charge émotionnelle qu’elles contiennent. Mais par la distance que ces images imposent avec l’histoire qui les a fait naître, qu’elles suggèrent sans la raconter, il nous faut aussi comprendre le processus de leur élaboration pour parvenir à les saisir et finalement à les voir.
«Ces photographies sont en fait des miroirs déformants de leurs auteurs face auxquels le spectateur finit par imaginer plus qu’il ne devine. Mais ce spectateur sait-il ce qu’il voit ? La douleur ou les frayeurs de l’artiste ou celles qu’il
projette lui-même sur ce qu’il est en train de voir ?», se demande-t-il.