Les politiques de développement agricole ont souvent été accompagnées par différentes réformes des dispositifs de la formation agricole.
Celle-ci, bien qu’elle existe depuis les années 1930, n’a commencé à se développer véritablement qu’avec la restructuration du système national d’enseignement technique et de formation professionnelle (ETFP) en 1984, suivie par d’autres étapes qui ont également marqué son évolution, notamment la mise en œuvre de la Charte nationale de l’éducation et la formation, la loi sur l’apprentissage pour la formation des jeunes ruraux et la «ré-ingénierie» du dispositif selon l’Approche par compétences (APC).
Le dispositif marocain de formation agricole est réparti en trois catégories : l’enseignement technique, la formation professionnelle et l’enseignement supérieur.
Enseignement technique et formation professionnelle
Cette catégorie est structurée selon quatre niveaux : l’Apprentissage accessible aux élèves ayant terminé la sixième année de l’enseignement fondamental, la Qualification accessible aux élèves ayant terminé la neuvième année de l’enseignement fondamental, le niveau de Technicien accessible aux élèves ayant terminé la troisième année de l’enseignement secondaire et le niveau de Technicien spécialisé accessible aux bacheliers. La formation professionnelle agricole est assurée par un réseau de 45 établissements, dont 8 Instituts techniques agricoles spécialisés en agriculture (ITSA), 11 Instituts techniques agricoles (ITA) et 26 Centres de qualification agricole (CQA). L'enseignement technique agricole, quant à lui, est assuré par 9 lycées préparant le baccalauréat en sciences agronomiques, ainsi que par 30 collèges ruraux relevant du département de l'Éducation nationale. Les filières enseignées se sont diversifiées au fil des années afin de répondre aux besoins du secteur.
À côté de la formation aux différents types d’élevage et à l’électromécanique, on trouve, entre autres, la gestion et maîtrise de l’eau et la gestion des entreprises. Pourtant, une étude sur le processus de transformation du dispositif marocain de formation agricole et rurale, publiée en juin 2013 par le «Réseau international Formation agricole et rurale», a relevé que «le dispositif national d’ETFP agricole demeure de taille réduite face aux 1,5 million d’exploitations agricoles marocaines» et que «l ’enseignement est encore très focalisé sur les aspects techniques tandis que la préparation à l’entrepreneuriat, le montage de projets et la gestion restent insuffisants».
Enseignement supérieur
Il est assuré par trois établissements : l’Institut agronomique et vétérinaire (IAV) Hassan II à Rabat et son Complexe horticole à Agadir, de l’École nationale d’agriculture (ENA) à Meknès ainsi que de l’École nationale forestière d’ingénieurs (ENFI) à Salé.
• L’École nationale d’agriculture
Créée en janvier 1942, l’École nationale d’agriculture (ENA) forme des ingénieurs d’État dans six options de spécialisation.
La formation à l’ENA se déroule sur 5 ans répartis en deux cycles : un cycle préparatoire et un cycle ingénieur. Le cycle préparatoire qui dure deux années est consacré aux formations de base en sciences fondamentales (mathématiques, sciences de la matière, sciences de la vie et de la terre, sciences humaines, informatique et langues).
Il vise à préparer les étudiants au cycle ingénieur.
Le Cycle ingénieur comporte un tronc commun qui dure 3 semestres et vise à introduire les étudiants aux sciences agronomiques proprement dites avant d’intégrer l’une des filières de spécialisation, à savoir : Arboriculture fruitière, Oléiculture et Viticulture, Ingénierie agro-économique, Ingénierie de développement agricole et rural, Productions animales et pastoralisme, Science et techniques des Productions végétales, et Protection des plantes et environnement.
• L’École nationale forestière d’ingénieurs
Créée en 1968, l’École nationale forestière d’ingénieurs (ENFI) forme des cadres supérieurs en matière de foresterie et ressources naturelles.
La formation dispensée lors de ce cursus se déroule en six ans et est répartie sur trois cycles de deux années chacun.
Le premier cycle, qui se déroule à l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II ou à l'École nationale d'agriculture de Meknès, est consacré à l'acquisition de bases scientifiques et agronomiques, alors que le deuxième cycle concerne la formation forestière, dispensée à tous les étudiants de l'établissement.
Quant au troisième cycle, il est dédié à l'acquisition des matières liées à l'option choisie par l'étudiant et à la préparation d'un mémoire de recherche dans l'une des quatre options suivantes :
Aménagement forestier, Valorisation des produits forestiers, Écologie et gestion des ressources
naturelles et Économie forestière.
• L'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II
Créé en 1966 sous le nom d'Institut agronomique Hassan II, l'Institut prend son nom actuel (Institut agronomique et vétérinaire Hassan II-IAV) en 1972. Placé sous la tutelle du ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime, l’IAV Hassan II répond aux besoins en cadres de haut niveau des secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de l’aménagement de l’espace rural, de la topographie, de l’agro-industrie, des pêches, de l’environnement...
L’IAV Hassan II a très vite évolué en centre polytechnique assurant non seulement la formation initiale d’ingénieurs et de docteurs vétérinaires capables d’associer à la nature technique des processus de production, la connaissance des conditions économiques, sociales et culturelles du développement durable, mais assurant aussi la formation continue des spécialistes en sciences et technologies du vivant et de la terre. En outre, l’établissement assure la formation de docteurs ès sciences agronomiques et de techniciens spécialisés en horticulture.
Il compte un effectif d’étudiants de l'ordre de 2.000 (année académique 2014-2015), dont 125 étrangers issus de 23 pays différents, principalement d’Afrique.
Entre 1972 (date de sortie de la première promotion d’ingénieurs bac+6) et 2014, l’établissement a formé 13.038 lauréats répartis comme suit :
• 8.312 ingénieurs, docteurs vétérinaires et masters (bac+5 et bac+6).
• 2.224 ingénieurs d’application (bac+4).
• 2.502 techniciens (bac+2).
Par ailleurs, l’Institut prévoit de mettre sur le marché du travail, au titre de l’année 2014-2015, 359 lauréats, dont 24 étrangers.
Entretien avec Saâd Amrani, directeur adjoint de l'Institut agronomique et vétérinaire Hassan II, responsable des études et affaires académiques
«L’Institut forme des cadres polyvalents capables d’accompagner les mutations du secteur agricole marocain»
Eco-Emploi : En quoi consiste la formation à l’IAV Hassan II ?
Saâd Amrani : Le système mis en place à l’IAV Hasan II s’appuie sur l’existence de six écoles de formation dans les domaines de l’agronomie, la médecine vétérinaire, la topographie, les industries agricoles et alimentaires, le génie rural et l’horticulture. À partir de l’année académique 2004-2005, et dans le cadre de la loi 01-00 portant réforme de l’enseignement supérieur, l’IAV Hassan II a procédé à une restructuration de son système de formation d’ingénieurs en alignant la durée de formation sur «Bac+5 ans», comme dans la plupart des autres écoles de formation d'ingénieurs nationales et étrangères. La formation est répartie en deux cycles :
• Un cycle préparatoire de deux années contribuant à la formation de base et à la culture générale des étudiants grâce à une formation équilibrée dans les champs disciplinaires suivants : Sciences mathématiques, Sciences physiques et chimiques ; Sciences biologiques ; Sciences de la terre ; Sciences économiques et sociales ; Langues et communication.
• Un cycle ingénieur de trois années comprenant des enseignements communs, optionnels, et/ou de spécialisation, des stages professionnalisants et des projets ou mémoires de fin d’études.
Quant à la formation en médecine vétérinaire à l’IAV Hassan II, et à l’instar des écoles vétérinaires de par le monde, elle se déroule en 6 années. Elle est divisée en 3 cycles de 2 années chacun. La formation commence par une année préparatoire commune à toutes les écoles des sciences de l’agriculture (APESA). La deuxième année du cycle préparatoire et la troisième année sont consacrées à l’acquisition des sciences de base fondamentales et vétérinaires. Les quatrième et cinquième années sont dédiées essentiellement à l’enseignement des sciences vétérinaires. La sixième année est entièrement consacrée aux stages cliniques internes et externes et à la préparation d’une thèse pour l’obtention du doctorat vétérinaire.
Quelles sont les filières les plus prisées par les étudiants ?
Même si un certain nombre d’étudiants font leur choix par affinité pour une filière précise, la grande majorité opte pour les filières qui sont demandées sur le marché de l’emploi. C’est le cas par exemple des filières de Topographie et de Génie rural. En ce qui concerne l’École d’agronomie, les filières les plus attrayantes sont l’halieutique et l’ingénierie de développement économique et social. À ce niveau, il faut souligner que certaines filières de spécialisation de la formation en agronomie restent assez méconnues des recruteurs potentiels.
L'enseignement agricole s'est développé en fonction de l’évolution du secteur et de l'émergence de nouveaux métiers. Qu’en est-il à l’IAV ?
Accompagner un secteur agricole en perpétuelle évolution a toujours été une priorité de l’IAV Hassan II. Ainsi, à partir des années 80, l’Institut a mis en chantier plusieurs réformes concernant l'ensemble des filières de son système éducatif. Cette rénovation pédagogique tenait compte du contexte général caractérisé par la libéralisation de l'économie, la mondialisation des échanges, la compétitivité et l'évolution rapide des sciences et des technologies. Le passage d’un système bac+6 à bac+5 et l’accréditation des cursus de formation ingénieur permettent à l’IAV Hassan II de former des cadres polyvalents capables d’accompagner les mutations du secteur de l’agriculture au Maroc (Plan Maroc vert et Plan Halieutis).
Dans quelle mesure la formation est-elle adaptée aux besoins du marché de l'emploi ?
Le système d’accréditation des cursus de formation ingénieur impose à l'IAV de procéder à une autoévaluation et une évaluation de ses programmes par les professionnels. Sur la base de ces évaluations, l'IAV Hassan II opère les changements nécessaires pour professionnaliser ses formations afin de pouvoir mieux répondre aux besoins réels du marché de l’emploi.
En termes d’insertion professionnelle, quels sont les secteurs qui recrutent le plus ?
De par leur formation polyvalente, les lauréats de l’IAV Hassan II peuvent intégrer aussi bien le secteur public, semi-public que privé. Pour les secteurs public et semi-public, les organismes les plus recruteurs sont les départements ministériels (Agriculture, Pêches, Finances, Intérieur, Habous, Environnement, Eaux et forêts...), les Offices relevant du ministère de l’Agriculture, les régies, l’enseignement et recherche et la Cour des comptes. Pour le secteur privé, on trouve les bureaux d’études, les sociétés de service et entreprises de travaux, les coopératives et associations, les laboratoires de contrôle qualité, l’agro-industrie et industrie pharmaceutique, les banques, les ONG nationales et internationales, sans oublier l’auto-entrepreneuriat.
