Cinq pièces théâtrales marocaines sont au programme de cette édition pour être présentées au public de ce festival. Après «Bein, Bein» de la troupe Nous jouons pour le Théâtre, «Telfa» du Théâtre Aquarium, «Daif Al Ghafla» du Théâtre Tenssift, qui ont laissé une bonne impression chez les spectateurs des Journées théâtrales de Carthage, c’était au tour, mardi, de la pièce «Un, deux, trois» de la troupe Izemrane de marquer le point dans la salle comble du quatrième art.
Une représentation qui a livré une expérience assez osée dans le théâtre marocain où le trio, Adil Abatourab, Rajae Kharmaz et Hajar Lahmidi, a brillé dans l’interprétation des personnages confiés à chacun des comédiens de ce nouveau projet, dans une mise en scène de Latifa Ahrar.
S’ouvrir sur d’autres univers artistiques ne surprend pas chez celle-ci. «C’est quelque chose de tout à fait normal pour moi de me retrouver dans différentes expériences, que ce soit dans le théâtre, le cinéma, la musique, l’écriture ou la poésie. Il faut seulement maitriser les outils de ce qu’on entreprend», souligne-t-elle. Pour cela, on ne peut qu’applaudir son professionnalisme sur ce plan. Mais comme tout le monde la connait, Latifa aime toujours traiter des sujets sensibles. C’est le cas de ce dernier projet «Un, deux, trois» qui raconte l’histoire d’un couple et une amie revenue après plusieurs années d’absence. D’anciens souvenirs remontent à la surface et conduisent à faire resurgir un passé très lointain et tout à fait noir.
L’introduction d'effets spéciaux, à des moments bien précis de l’histoire, augmente encore davantage la tension entre les trois protagonistes et ajoute un plus à l'intensité des événements qui mettent en exergue des situations dans lesquelles se sont connus, dans le passé, ces trois personnages. La mise en scène de l’artiste Latifa Ahrar permet de revivre ces souvenirs éloignés et de revoir les moments que les trois personnages ont vécus ensemble. «Cette pièce est l’adaptation de “Old Times” du dramaturge anglais Harold Pinter qui se distingue par sa particularité de se démarquer de tout ce qui est classique dans le théâtre. Dans son histoire, il nous renvoie vers la vie de trois personnes, dont deux sont mariées. À travers ces personnages, il essaye de nous montrer les comportements de chacun d’eux, qu’il soit seul ou avec les autres, tout en se concentrant sur des choses que personne d’eux ne peut divulguer à l’autre, notamment des situations considérées comme tabous. Mon objectif n’est pas de lancer des sujets de ce genre pour faire de l’effet et susciter une polémique, mais ce sont des sujets qui donnent à réfléchir parce qu’ils sont très profonds et peuvent me toucher aussi bien moi que des personnes de mon environnement. Je trouve que c’est une bonne chose de s’y intéresser pour comprendre beaucoup de choses qui nous entourent», explique Latifa Ahrar. Celle-ci en donnant son avis sur ce choix ne mâche pas ses mots quant à l’intérêt qu’elle porte à tous les sujets qu’on n’ose pas aborder à voix haute.
Son combat ne date pas d’aujourd’hui et lui cause souvent des problèmes dans sa carrière artistique. C’est le cas aussi de plusieurs autres artistes dans le monde arabe. Et c’est, d’ailleurs, à cause de ce genre de problèmes que rencontrent certains artistes dans leur parcours qu’une initiative a été menée dans le cadre de ces 17es Journées théâtrales de Carthage, où a été lancée lors de la cérémonie d’ouverture la déclaration pour la protection des artistes en situation de vulnérabilité. Cette déclaration adoptée par le gouvernement tunisien sera soumise à l’Organisation des Nations unies en vue de l’entériner et d’œuvrer à la mise en application des recommandations qu’elle contient.
