C’est un événement historique pour l’industrie automobile marocaine. Le projet de construction d’un complexe industriel PSA Peugeot Citroën à Kénitra permettra la réalisation, pour la première fois au Maroc, d’une usine de production de moteurs. Selon le ministre de l’Industrie, Moulay Hafid Elalamy, la mise en place de cette usine suivra le même phasage que celle de la production de véhicules pour atteindre à terme, elle aussi, 200.000 moteurs par an. Ces véhicules et moteurs seront produits à partir de pièces et composants automobiles fabriqués majoritairement au Maroc.
D’une capacité annuelle de 90.000 moteurs pour autant de véhicules et un taux d’intégration locale de 60% au démarrage, cette unité industrielle atteindra 200.000 unités par an à l’horizon 2023 avec un taux d’intégration qui sera porté à 80%.
Des niveaux record pour le secteur automobile local, le taux d’intégration actuel étant estimé à 40% actuellement. Cette montée en puissance est prévue grâce à un écosystème automobile de plus en plus renforcé, rassemblant toutes les compétences nécessaires en matière de fabrication, d’ingénierie et de sourcing.
Rappelons que le projet industriel de PSA Peugeot Citroën prévoit la construction d’une usine dans la commune de Ameur Seflia, dans la région de Kénitra, qui assemblera dès 2019 des moteurs et des véhicules des segments B et C. L’accord industriel a été signé le 19 juin à Rabat, sous la Présidence de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, entre Carlos Tavares, président du directoire de PSA Peugeot Citroën, et Moulay Hafid Elalamy, ministre de l'Industrie, du commerce, de l'investissement et de l'économie numérique.
Les travaux de construction démarreront dès début 2016, selon une déclaration au «Matin Éco» du ministre Moulay Hafid Elalamy. D'après ce dernier, l’investissement qui s’élève à 557 millions d’euros (6 milliards de DH) sera financé à hauteur de 95% par le groupe PSA. La Caisse de dépôt et de gestion apportera les 5% restants.
Notons que l’approvisionnement de PSA Peugeot Citroën en composantes et pièces automobiles produits au Maroc devra s’élever à un milliard d’euros par an. Ce projet stratégique génèrera également 4.500 emplois directs et 20.000 indirects. Il permettra, en outre, le développement d’une filière de R&D, employant à terme 1.500 ingénieurs et techniciens supérieurs.
PSA Peugeot Citroën est aussi gagnant. D’ailleurs, la plupart des syndicats en France saluent le projet qui, selon Carlos Tavares, est nécessaire pour contribuer à l’objectif d’une croissance rentable et un développement pérenne du groupe.
Premier constructeur automobile d’Afrique du Nord et 2e du continent, le Maroc s’impose par ailleurs davantage en tant que plateforme industrielle de production et d’exportation dans le secteur. Avec près de 40 milliards de DH de chiffres d’affaires à l’export (50% Renault, 50% équipementiers), l’automobile se positionne, en outre, au 1er rang des secteurs exportateurs au Maroc. L’ambition est d’arriver à terme à 100 milliards de DH de chiffre d’affaires à l’export, selon Moulay Hafid Elalamy. «Nous sommes en négociations avec d’autres constructeurs mondiaux», confie le ministre au «Matin Éco».
Entretien avec Carlos Tavares, président du directoire de PSA Peugeot Citroën
«À partir du Maroc, PSA repart à l’offensive de l’Afrique»
Le Matin-Éco : L’usine PSA de Kénitra nécessitera un investissement de 557 millions d’euros. Est-ce un investissement de démarrage ou votre investissement global prévu au Maroc ?
Carlos Tavares : L’enveloppe de 557 millions d’euros, c’est l’investissement industriel nécessaire pour mettre l’usine en route et lancer les premiers modèles. L’usine PSA, d’une capacité de 90.000 moteurs et véhicules au démarrage, devra atteindre une production de 200.000 unités à terme. Bien évidemment, si la demande commerciale nous pousse à augmenter la taille du site, il y aura d’autres investissements dans le futur.
Vous avez dit que l’usine produira des véhicules adaptés aux besoins de la région Afrique – Moyen-Orient. Comptez-vous donc construire des modèles low-cost spécifiques à cette région ?
Non, pas à ce stade. Quand nous fabriquons une voiture, c’est pour être vendue sur plusieurs marchés dans le monde. Nous voulons offrir à l’ensemble de nos clients n’importe où le même niveau de technologie et d’innovation. Ce que nous cherchons de construire au Maroc, ce sont donc des modèles dont nous pensons qu’ils vont répondre avec modernité aux besoins des consommateurs des pays africains qui attendent de notre part le plus haut niveau de modernité. Ils ne considèrent pas qu’il faille leur proposer des véhicules différents. L’usine de Kénitra sera d’ailleurs dotée de la nouvelle plateforme CMP (Common Modular Platform, Ndlr) porteuse de toute la nouvelle technologie et de solutions performantes.
Vous misez désormais sur le continent africain puisque vous dites que PSA repart à l’offensive commerciale de l’Afrique...
Oui, l’Afrique et le Moyen-Orient sont des marchés historiques pour le groupe. Le potentiel global de ce marché est estimé à 8 millions de véhicules à horizon 2025. Et cette implantation au Maroc nous permettra de réaliser notre ambition de vendre sur ce marché d’Afrique et du Moyen-Orient un million de véhicules en 2025, contre 200.000 cette année. À partir du Maroc, PSA repart effectivement à l’offensive commerciale de l’Afrique.
Pour un objectif de compétitivité, est-il envisageable de nouer un partenariat industriel avec Renault au Maroc ?
De manière générale, que ce soit avec Renault ou avec un autre constructeur, notre position est toujours d’ouverture pour créer des projets gagnants-gagnants, devenir plus compétitifs – notamment en réduisant les coûts ensemble – et offrir le meilleur service aux clients… Nous sommes donc dans une attitude permanente d’ouverture parce que nous considérons que c’est de la collaboration et de l’esprit constructif entre les entreprises, les peuples et les nations que nait le progrès.
Avez-vous déjà évoqué cette collaboration avec le top management de Renault ?
Je n’ai pas à faire de commentaire là dessus. S’il y a des choses à faire ensemble, nous y sommes très ouverts.
