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La tendance à la consolidation et l’institutionnalisation des mécanismes de coopération

La tendance à la consolidation et l’institutionnalisation des mécanismes de coopération
Au-delà des aspects économiques et financiers, les relations Maroc-Afrique subsaharienne reposent sur la coopération technique.

Le développement humain au centre de la coopération Maroc-Afrique subsaharienne : La tendance à la diversification des partenaires du Maroc est d’autant plus importante que nous avons affaire à un monde marqué par des changements considérables aussi bien d’un point de vue géopolitique que géoéconomique. En effet, l’arrivée sur la scène mondiale de certains pays qui sont passés en peu de temps du statut de puissances en émergence à celui de puissances attestées provoque des changements notables au niveau de l’ordre économique et politique mondial. Tel est le cas de cas de la Chine, l’Inde, la Russie et le Brésil.

Devant ce nouvel ordre économique et politique mondial, le Maroc est appelé à faire preuve d’adaptabilité et de réactivité afin de se réinsérer favorablement dans la nouvelle économie mondiale. C’est dans cette perspective que les efforts en cours en matière de diversification de la structure productive, d’investissement dans le capital humain et l’ouverture stratégique vers l’Afrique subsaharienne et l’Asie sont louables.

De plus, les mutations structurelles économiques et sociales en cours au Maroc le prédisposent à jouer un rôle clef en Afrique, en faisant émerger de nouvelles dynamiques panafricaines de développement économique et social. Ceci est d'autant plus vrai que l’Afrique, malgré les 50 années qui se sont écoulées après son indépendance, continue à trainer des boulets qui l’empêchent de mieux tirer profit de la fenêtre d’opportunité historique qui s’offre à elle et qui est marquée par la diversification des partenaires de financement, la réhabilitation de l’État dans le développement, le relâchement des conditionnalités, etc. Effectivement, des facteurs clés de développement continuent à faire défaut en Afrique, à l’instar d’une main-d’œuvre qualifiée (le capital humain), des ressources transformées, ne serait-ce qu’en partie, sur place.

S’il est vrai que la coopération Nord-Sud a joué un rôle important dans l’amélioration des conditions de vie en Afrique (amélioration de l’espérance de vie…), elle n’a cependant pas permis aux pays africains de s’approprier la technologie en vue de pouvoir transformer leurs ressources sur place. C’est dans cette perspective que les nouvelles formes de partenariat, à l’instar de la coopération Sud-Sud, sont considérées par plusieurs analystes comme un outil susceptible de permettre aux pays africains de rattraper le retard accusé en matière de technologie, d’infrastructures et d’amélioration de la productivité. Conscient de son enracinement historique en Afrique, le Maroc a fait, durant les deux dernières décennies, du renforcement de ses relations humanitaires, techniques, commerciales et financières avec les autres pays du continent une des priorités de sa politique étrangère. En témoigne l’intensité de la coopération et son caractère multidimensionnel avec de nombreux pays, à l’instar du Gabon, du Sénégal, de la Mauritanie, du Mali, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée-Conakry…

Une coopération, de par l’importance qu’elle accorde à l’échange d’expériences et d’expertises, à la transformation de ressources naturelles in situ ainsi qu’au développement humain et social, devient de plus en plus stratégique. En effet, ce que d’aucuns appellent «la coopération Sud-Sud», en ce qu’elle s’opère entre des pays ayant des préoccupations communes en matière de développement, devient une nouvelle forme de partenariat susceptible de renforcer le processus d’intégration africaine, voire de l'insertion (par la transformation de la structure productive) de l’Afrique dans la nouvelle économie mondiale. La multiplication des visites royales en Afrique subsaharienne réaffirme l’engagement du Maroc à œuvrer de concert avec tous les pays du continent en faveur de la solidarité africaine (interventions humanitaires et partage du savoir-faire marocain dans plusieurs domaines stratégiques pour le développement des pays du continent), de la croissance partagée et du développement humain (renforcement des échanges commerciaux, des flux financiers et mise en place de projets de transformation des ressources naturelles ainsi que de mécanismes de financement novateurs).

Au-delà des aspects économiques et financiers, les relations Maroc-Afrique subsaharienne reposent sur la coopération technique, et-ce dans différents domaines. On peut citer par exemple le rôle que joue le Maroc dans la formation des ressources humaines africaines et l’échange d’expériences avec certains pays désirant tirer profit de l’expérience marocaine aussi bien en matière de diversification économique (politiques sectorielles) que sociale (Initiative nationale pour le développement humain). Il convient de souligner à ce titre que beaucoup de pays africains (Gabon, Sénégal, Tanzanie, etc.) s’appuient sur le modèle marocain dans leurs politiques de diversification. Ceci est particulièrement le cas dans le domaine de l’agriculture et des mines (phosphate).

De l’Initiative nationale pour le développement humain à l’Initiative africaine pour le développement humain

Si les précédentes visites royales en Afrique furent sous le signe de la diplomatie économique et la coopération socio-économique, la visite royale en cours au Sénégal, en Guinée-Bissau, en Côte d’Ivoire et au Gabon sera certainement sous le signe du développement humain. En témoignent les nombreux projets à dimension sociale inaugurés au Sénégal et le reste qui est à venir. Les domaines concernés par cette coopération Sud-Sud sociale, à l’instar du logement social, l’agriculture, la santé et l’électrification, s’inscrivent dans la droite ligne des acquis de l’INDH. Ce qui laisse penser à une capitalisation à l’échelle africaine d’une expérience d’amélioration des conditions de vie des habitants, qui a rencontré un franc succès au niveau national. Ce qui veut dire que le Maroc est prompt à faire bénéficier ses partenaires africains des acquis de ce qui a été qualifié, il y a quelques années, du projet de Règne, à savoir l’Initiative nationale pour le développement humain.

Autant dire que cette dernière n’est plus seulement une politique publique nationale, mais de plus en plus africaine. Le Maroc fournit un exemple édifiant en matière de développement humain.
En effet, le pays a entrepris ces dernières années des réformes structurelles visant l’amélioration des conditions de vie des habitants. Dans cet esprit, le lancement de l‘initiative nationale pour le développement humain en 2005 constitue un tournant majeur dans le cadre des politiques de lutte contre la pauvreté dans le pays.
Si l’INDH fut lancée au début en vue de lutter contre la pauvreté, elle n’a cessé de s’étendre à des domaines plus larges et globaux ayant trait au développement humain (voir à cet effet le rapport de juin 2009 de l’Observatoire national du développement humain). En effet, l’Initiative a connu trois phases essentielles au cours desquelles les objectifs ont évolué. De plus, l’importance de l’Initiative et sa constance ont conduit l’État marocain à mettre en place une structure essentiellement dédiée au suivi et à l’évaluation des projets entrant dans le cadre de l’INDH. Il s’agit de l’Observatoire national du développement humain.

Tout compte fait, l’INDH, considérée comme une expérience originelle dans l’histoire du Maroc contemporain, permet au pays de se présenter comme un modèle en Afrique en matière de stratégies de réduction de la pauvreté. Ceci est largement perceptible dans le rôle que joue actuellement le Maroc dans le développement humain en Afrique par le biais du logement social, de la participation à des projets d’électrification et d’assainissement ainsi que dans le domaine de la santé.
En effet, cette expérience est largement sollicitée par des pays tels que le Sénégal, la Guinée, la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale, le Gabon, l’Angola et l’Éthiopie. De même, la mise en place des activités génératrices de revenus comme outil de lutte contre la pauvreté par le biais du renforcement de l’autonomisation des individus, plutôt que par l’assistanat, commence à inspirer nombre de pays africains à l’instar du Gabon, dont la stratégie de réduction de la pauvreté de 2014 s’appuie davantage sur l’expérience marocaine.

Impulsion d’une dynamique de coopération allant de la mer vers la terre : L’Initiative des pays riverains de l’Atlantique Sud

L’Initiative marocaine des pays riverains de l’Atlantique Sud prend de plus en plus d’ampleur, de par le renforcement des relations entre le Maroc et les autres pays africains riverains de l’Atlantique, à l’instar de la Mauritanie, le Sénégal, la Guinée-Bissau, la Guinée-Conakry, la Gambie, la Côte d’Ivoire, le Gabon, l’Angola, la Namibie et l’Afrique du Sud.

Ces pays ont les mêmes défis à relever dans le domaine de la sécurité maritime ainsi que des ressources communes (surtout halieutiques) qui nécessitent la mise en place d’un processus d’intégration maritime. Le Maroc y joue un rôle important de par son rôle dans la connexion maritime à travers le port de Tanger Med, ainsi que la rencontre annuelle des pays riverains de l’Atlantique en vue de développer des dispositifs communs de gestion des ressources et de résolution des problèmes maritimes. La mise en place d’un projet de «codéveloppement», porté par la société marocaine Unimer autour de la transformation des ressources halieutiques entre le Maroc et la Mauritanie, est une initiative qui est appelée à être dupliquée pour donner lieu à une chaîne de valeur dans l’espace Atlantique Sud autour de la valorisation et la transformation des ressources halieutiques.

De même, le coût de transport maritime exorbitant peut être diminué moyennant le développement des sociétés maritimes mixtes associant les pays riverains de l’Atlantique Sud. Ceci est d’autant plus important que nombre de pays africains riverains de l’Atlantique recèlent un potentiel important en ressources hydrauliques qui, par le biais des projets collectifs, pourraient être transformées en importantes sources d’énergie. En définitive, les pays riverains de l’Atlantique, en renforçant leur intégration maritime, peuvent jouer, à l’avenir, un rôle cardinal dans le renforcement de l’intégration africaine par le biais de la mise en place de dispositifs institutionnels d’exploitation et de transformation collective des ressources, de gestion coordonnée des défis communs et de désenclavement des autres pays africains sans littoral. Si l’Union Africaine, par manque de vision, n’a pas réussi à renforcer l’intégration africaine par la terre, peut-être serait-il plus judicieux de tenter d’assurer cette intégration par la mer ? En tout cas, le Maroc fait montre d’une véritable volonté d’intégration africaine par le renforcement du commerce et de l'investissement intra-africains, l’échange d’expérience et d’expertise dans le domaine de développement humain, la contribution à l’amélioration de la productivité agricole et la valorisation des ressources naturelles in situ, que ce soit par voie maritime ou terrestre. 

Echkoundi Mhammed,Professeur d’économie à l’Université Mohammed V, Institut des études africaines.

Hicham Hafid,Professeur d’économie à l’Université Mohammed V, Institut des études africaines.

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