Menu
Search
Vendredi 10 Mai 2024
S'abonner
close
Vendredi 10 Mai 2024
Menu
Search
Accueil next Conférence Internationale Du Sucre

Les nécessaires ajustements pour satisfaire les ambitions de croissance du commerce mondial

Cette semaine se déroule à Nairobi la dixième Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) avec comme principal objectif de parvenir à des accords commerciaux qui bénéficieraient aux populations les plus pauvres et stimuleraient la croissance économique mondiale. Cette dixième conférence est considérée comme vitale et apparaît comme la dernière opportunité pour faire avancer le cycle de Doha.

Les nécessaires ajustements pour satisfaire  les ambitions de croissance du commerce mondial

L'OMC a été lancée à Marrakech avec trois domaines d’activité essentiels : i) gérer l’implémentation du traité signé à Marrakech : à ce niveau les choses semblent bien fonctionner ; ii) gérer le mécanisme de gestion des conflits en ayant recours à un examen technique et légal des différends : sur ce plan on note une évolution positive, puisqu'en 20 ans ce sont quelque 500 conflits qui ont été résolus par l’organisation ; iii) gérer les négociations puisque les membres doivent actualiser, négocier et être d’accord sur les nouvelles règles. Il est primordial de perfectionner les règles et les principes négociés il y a 20 ans. Cependant, cet aspect n’avance pas vraiment et les résultats sont très minimes.

C’est dernièrement, à Bali, après 18 ans de négociation, qu’a été conclu un accord sur les facilitations du commerce. Or il est nécessaire de faire beaucoup plus. Si l’OMC se projette dans les 20 prochaines années et veut préparer le futur, elle doit se tenir prête en ayant des règles pertinentes pour le monde des affaires de ce 21e siècle, spécialement pour les pays africains. Ces derniers ont été marginalisés dans les négociations durant les deux dernières décennies. Désormais, l’Afrique est en train de gagner du terrain en matière de commerce et de poids politique. Le continent est prêt à négocier. La preuve : à Bali, le groupe africain était très important et c’est une des raisons pour lesquelles la conférence de Bali était un succès. Désormais et pour l’ensemble des rounds, l’Afrique doit être au centre des négociations.

L’accord sur la facilitation des échanges vise d’une manière générale à accélérer le mouvement et le dédouanement des marchandises, grâce à la simplification et à l’harmonisation des procédures, des formalités et des documents relatifs au commerce. Cet accord aura des conséquences plus que positives sur l’économie mondiale. Ainsi, l’analyse menée par le Peterson Institute for International Economics pour la Chambre de commerce internationale indique que cet accord pourrait rapporter près de mille milliards de dollars américains à l’économie mondiale. Quant à L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), elle estime que la réduction des coûts du commerce mondial de 1% qui découlerait de cet accord augmenterait le revenu mondial de plus de 40 milliards de dollars, dont 65% iraient aux pays en développement. Cet accord est donc très important à plus d’un titre, mais pose problème dans son application : les pays en développement réclament en effet une assistance technique et financière de la part des pays développés et ces derniers ne semblent pas très enclins à la leur accorder. Un autre problème persiste, le dumping : l’OMC a une vraie démarche pour protéger du dumping. Cependant, les délais de règlements des différends peuvent être dévastateurs pour une entreprise. Lorsque cette dernière subit le dumping, elle doit attendre de 9 mois à 2 ans pour connaitre l’issue de son recours. Dans le monde des affaires, deux ans, c'est un délai qui peut avoir des conséquences néfastes. Une entreprise qui a opéré le dumping peut récidiver, il faut encore deux ans pour re-démontrer le dumping. Or il n’y a pas de sanctions contre les récidivistes. Beaucoup de chefs d’entreprises y sont confrontés et ont besoin d’être rassurés. Il est donc essentiel de trouver des moyens de sanction sévères afin d’empêcher les récidivistes d’entacher un système qui doit être sain et équitable.

Un autre dossier épineux, celui de l’agriculture. Selon un rapport publié par la Banque mondiale en 2013, l’Afrique subsaharienne abrite près de la moitié de toutes les terres cultivables non utilisées dans le monde, soit 202 millions d’hectares. Grâce à des conditions météorologiques avantageuses, de nombreux pays ont pu connaître des croissances assez fortes durant les années 80. L’agriculture a toujours été un élément clé pour les pays africains, et ce pour différentes raisons et selon les objectifs des groupes de pays : une première catégorie de pays cherche à accéder à des marchés, à améliorer son commerce, à exporter plus et à réduire les barrières tarifaires. Une deuxième catégorie est constituée des importateurs nets, ils sont donc concernés par les conditions et les modalités d’approvisionnement. Une troisième catégorie est constituée de pays mono exportateurs qui ont besoin de diversifier leur production. La dernière catégorie comporte des États qui ont pour objectif de passer de pays exportateurs de produits à l’état primaire à des pays exportateurs de produits transformés, ils veulent évoluer dans la chaîne des valeurs.

Quesl que soient les aspects abordés, qui sont certes très différents, ils restent centrés sur l’agriculture. Il est primordial de participer aux flux d’échanges globaux et l’Afrique a tous les avantages naturels pour y participer. Sur ce plan, on constate que l’OMC procède par étapes, mais avec une étape à la fois :
• Réduire les barrières relatives aux produits agricoles.
• Réduire le protectionnisme.
• Réduire les subventions qui génèrent un système inéquitable.
L’organisation se trouve actuellement au cœur des négociations en termes d’agriculture, et ce sur la base de nouveaux piliers :
• Les supports internes, qu’il est impossible d’éliminer d’un seul coup et qui font l’objet de négociation afin de les réduire progressivement.
• L’accès au marché : À ce niveau il faut être vigilant, car il ne s’agit pas de l’ouverture des marchés, mais plutôt de la naissance de nouveaux standards qui relèvent plus de la sphère privée et non des gouvernements. Il s’agit des standards de travail, des standards des droits de l’Homme et des standards de labellisation. Ne pas répondre à ces standards signifie la perte des marchés. Il est donc primordial de les prendre en compte lors des négociations. Certes, toutes les problématiques que rencontre le commerce mondial ne peuvent être résolues en un seul round, néanmoins l’OMC doit disposer d’une ligne de conduite dans une direction plus équitable et évoluer vers plus de symétrie. Ce vendredi 18 décembre sera annoncé le Paquet de Nairobi», que contiendra-t-il ?  


Chronologie des négociations relative à l’agriculture

2000 : Lancement des négociations sur l’agriculture (mars).
2001 : Lancement du Programme de Doha pour le développement. Inclusion de l’agriculture (novembre).
2004 : Accord sur un «Cadre» (août).
2005 : Nouveaux accords conclus à la Conférence ministérielle de Hong Kong (décembre).
2006 : Projet de modalités (juin).
2007 : Projet révisé de modalités (juillet).
2007-2008 : Négociations intensives sur la base de documents de travail (septembre-janvier).
2008 : Projet révisé de modalités (février, mai et juillet).
2008 : Le paquet de juillet 2008, tous les détails et le rapport du Président.
2008 : Projet révisé de modalités (février, mai, juillet et décembre).

L’OMC et le dumping

Des panels ont été organisés et des discussions ont eu lieu entre les États membres de l’OMC pour trouver une solution au récidivisme en matière de dumping, mais la solution qui stipulerait que le membre qui a commis un acte illégal doit rembourser ne fonctionne pas. Les membres ne sont pas favorables à l’idée qu’une entité supra nationale leur impose de rembourser les dommages. Il existe seulement des solutions prospectives, c’est la seule issue dont dispose à l’OMC. Cette organisation peut, bien sûr, passer à la méthode rétroactive, à condition que les membres soient d’accord, ça ne dépend que d’eux ; à ce niveau il y a de quoi être sceptique. Ce qui peut être fait et ce dont beaucoup d’experts restent très convaincus, c’est d’engager des avocats. Toutefois, il reste la contrainte de rendre le système opérationnel le plus vite possible, car il faut compter deux à trois ans pour pouvoir écouter et analyser tous les dossiers et prendre des décisions. Certes, l’OMC peut faire mieux, mais cela nécessitera beaucoup de temps, surtout en matière de dumping, et améliorer les règles demeure très difficile. Le dumping est contagieux. Dès qu’un pays membre l’applique, il trouve que c’est un moyen protectionniste simple et devient bien apprécié.

Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

Lisez nos e-Papers